Un camion de militaires à Yaoundé (Icicemac.com)
Nous n’allons pas faire une énième diatribe du système gouvernemental camerounais, bien que les exactions et les fautes de professionnalisme sont nombreuses dans de la gestion de la crise qui traverse actuellement notre pays. Nous ne pouvons que nous demander, si nous sommes gouvernés par des personnes compétentes, tant les récents évènements ont montré les carences évidentes au sommet de l’Etat.
Nous sommes nombreux à avoir découvert les vidéos amateurs, macabres, montrant allègrement les forces de police opposant aux badauds et aux délinquants munis tout au plus de quelques pierres, des tirs à balles réelles. Qui sont ces responsables, permettant aux forces de police, d’user allègrement de balles réelles face aux contestations, certes, déteintes de violences et saccages inutiles ? Comment peut-on définir cet Etat qui interdit toute marche pacifique jusqu’à nouvel ordre sur une durée indéterminée à travers un gouverneur dont on ne sait s’il fait du « oui majesté » ou si les ordres viennent d’en haut ?
Les différents quotidiens camerounais n’ont que trop dénoncé une situation, exacerbée par le comportement de nos forces de l’ordre, coupables de toutes les inactions imaginables : des démarches d’intimidation dans les cités estudiantines à Yaoundé, où bombes lacrymogènes et casses en tout genre constituent le fer de lance des défenseurs de la nation, aux assassinats ciblés en bonne et due forme.
Inutile de revenir sur le discours de son Excellence Paul Biya, qui a fini de convaincre les camerounais les plus sceptiques, que leur Président n’est plus du tout concerné par leurs préoccupations et semble bien loin des réalités. Que dire des fermetures intempestives des radios et chaînes télé qui ne seraient pas assez soumises au pouvoir et qui distilleraient des informations objectives ? Quelle raison avance l’État pour la fermeture de Radio FM ainsi que la saisie de son matériel ? Le responsable de la station, Jules Elobo, aurait laissé un auditeur insulter le chef de l’État. Le forfait d’Equinoxe TV ? Avoir montré un reportage où la police moleste sans raison le fils de Mboua Massock et appréhende celui-ci, contredisant absolument les informations de propagande dont nous abreuve incessamment le ministre de la communication, Bi Biyiti Bi Essam Jean Pierre.
Jacques Tiwa, abbatu par les forces de l'ordre (Icicemac)
Les organisations non gouvernementales et les associations ont suffisamment dénoncé le nombre élevé de victimes de la répression brutale des forces de l’ordre, sans pour autant que la barbarie prenne fin. On dénonce également ces éliminations physiques de personnages dérangeant le gouvernement ! On pense notamment à Jacques Tiwa, connu sous le pseudonyme de NKrumah, ancien dirigeant du « parlement estudiantin» et membre fondateur du Conseil National pour la Résistance, qui a été lâchement abattu par des mitraillettes. Que lui reprochait-on ? Fomentait-il un coup d’État contre le Président ? Avec quels moyens ? Alimentait-il d'une quelconque manière une rébellion ? Quand bien même, sommes-nous de ces États où les opposants au pouvoir n’ont pas droit à des procès pour faire éclater la justice sur les faits qu’on leur reprocherait ? Au lieu de cela, dans notre pseudo-démocratie, on en est encore à abattre les fils du pays, jusque dans leur propre maison comme du vulgaire bétail.
Et l’affaire du pont du Wouri du Mercredi 27 février dernier ? Peu de médias l’ont relayée et pourtant il s’agit de faits graves. Des manifestants, partant de bonabéri, non armés et pacifiques, prenant la direction de Bonanjo, se sont vus encercler par les forces de l’ordre, constituées de la police et la gendarmerie, avant et après le pont. Il n’y aurait rien de rédhibitoire, si ces forces de l’ordre n’avaient ouvert le feu sur la foule prise en sandwich, appuyés par des hélicoptères qui n’ont pas hésité à balancer des bombes lacrymogènes sur une foule dépitée, ne laissant d’autre choix, aux plus téméraires, que celui de se jeter dans les eaux tumultueuses du Wouri. Ni Cameroon Tribune et ses immenses moyens, ni la CRTV n’ont couvert ces évènements, pourtant d’une si grande gravité. Fort heureusement, tous les médias au Cameroun ne sont pas partiaux et l’information parvient à filtrer peu à peu.
Quid du fils de Joe la conscience sauvagement assassiné dans sa maison familiale ? Selon les informations recueillies auprès de son épouse, des hommes en tenue, et d’autres masqués sont entrés jusque dans son domicile situé en plein carrefour à Loum, et ont demandé à sa femme où il se trouvait. Quelques temps plus tard, son fils sera retrouvé criblé de balles et son atelier de menuiserie vandalisé. Son forfait ? L’étiquette qu’il portait, celui d’activiste notoire et fermement opposé à la modification de la constitution. Et on ne parle pas ici de la Gestapo.
Un manifestant transporté à l'hôpital (Icicemac)
Inutile de rajouter que l’armée camerounaise s’est négativement illustré, une fois de plus, en Novembre dernier, avec la mort de 21 camerounais à Bakassi. Un survol de l’affaire en perspective, laisse entrevoir au sein de notre armée, des problèmes de corruption, d’amateurisme et de suffisance. L’on en viendrait presque à se dire : « ils ne savent que s’illustrer en tuant leurs compatriotes, non armés ceux-là… ». Que penser dès lors ? Que notre armée ne serait pas capable de défendre les intérêts militaires de notre pays ? Notre armée aurait-elle donc pour seule vertu d’être fratricide ? Les camerounais le constate aujourd’hui à leur dépens.
Que dire de notre justice ? On a pu voir, que ce corps d’État, était complètement inféodé au concept nombriliste que se fait Paul Biya du Cameroun. En effet, une dizaine de jeunes ont été condamné, en comparution visiblement immédiate, à 15 ans d’emprisonnement ferme, coupables d’ « actes de vandalisme » et pris sur le fait. Ce simulacre de procès n’aura duré que quelques heures, Vendredi dernier. Ceux-ci s’ajoutent aux 200 personnes qui avaient écopé eux, de deux ans d’emprisonnement ferme Jeudi. Des avocats informés de la situation sont montés au créneau, pour défendre ces jeunes. Peu de communication sur ces audiences comme on pouvait s’y attendre, afin d’éviter non seulement que s’organise la défense légale des manifestants arrêtés, mais aussi la vindicte populaire.
Nous ne pouvons que saluer, dans ce climat de tension, le courage de Paul Eric Kingué, membre du RDPC et maire de Penja, qui n’a cessé de témoigner sur les exactions de l’armée dans sa localité, notamment sur la chaîne de télévision Canal 2. Quelle récompense lui a réservé le gouvernement pour son patriotisme ? Sa suspension avec effet immédiat. De tels actes doivent être salués, encouragés, multipliés, car ce maire fait partie des individus qui ont compris ce qu’était l’intérêt général et la valeur de la nation aux dépens de la politique du ventre, que s’attèlent à défendre bon nombre de membres du gouvernement.
Le bilan de tout cela est lourd ! Bien évidemment lourd en termes de perte de vies humaines mais également sur le plan matériel. Selon certaines informations, on ne dénombre pas moins d'un centaine de morts, intégralement tués par balles, du côté des contestataires et beaucoup de blessés. Le Cameroun, sous ajustement structurel, n’avait pas besoin de ça. La population, déjà sous le joug de la colère et écrasée par la hausse constante des prix, las de 25 ans de règne sans partage de Paul Biya, n’a pas non plus besoin qu’on modifie sa constitution. Nous caressons le léger espoir, que pour une fois, la sagesse saura prévaloir à la soif du pouvoir. Le peuple n’en peut plus, le peuple l’a fait savoir.
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John Fru Ndi repond a Paul Biya
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