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Cameroun : Calixthe Beyala, le culte du paradoxe
(05/09/2008)
La romancière controversée était de passage au pays natal, il y a quelques jours. Rencontre avec une personnalité fantasque, qui laisse transparaître bien des contradictions… A priori.
Par Jean-Célestin EDJANGUE
Calitxthe Beyala
Calitxthe Beyala

Les cheveux longs, couleurs châtains et les yeux fardés. Habillée d’une chemise rayée bleu ciel-blanc qui tombe sur un pantalon blanc, on a (re)découvert la romancière Calixthe Beyala, de passage au Cameroun sur le plateau d’une chaîne de télévision locale. Egale à elle-même, une verve incomparable bien servie par une voix grave. Une voix d’homme. Comme l’on a coutume de le dire en Afrique. Surtout lorsque l’on aborde avec elle les thèmes qui lui tiennent particulièrement à cœur : son métier de romancière, son engagement, ses procès, sa vie privée…

Chacun de ces thèmes est à lui tout seul une œuvre littéraire, au sens propre comme au figuré. Et ce n’est pas un hasard si cette femme Noire, qui apparaît à la fois comme insoumise et intelligente, dérange autant qu’elle fascine. Attitude naturelle ou posture fabriquée ? Pas facile de démêler l’écheveau. Rien n’empêche cependant d’essayer de dévoiler qui se cache vraiment derrière cette dame ô combien atypique. L’exercice est loin d’être une simple promenade de santé.

De telle sorte que nombre des observateurs de la vie quotidienne française (elle vit dans l’Hexagone) voient en elle une personnalité qui a du caractère, qui sait exactement ce qu’elle veut, là où ses détracteurs décèlent volontiers une comédienne hors pair. « Je suis une enfant de New-Bell. Je suis née entre Pk 5 et Nkololoun. Je ne renierais jamais mes origines », aime-t-elle à rappeler. Calixthe Beyala est effectivement née en 1961, dans une famille plutôt pauvre. Elle est élevée par sa sœur aînée, qui lui offre l’opportunité d’aller à l’école.

Elle a tout juste 17 ans lorsqu’elle débarque en France pour passer son baccalauréat. Puis, elle effectue des études de gestion, de littérature et de sémiologie. De quoi être suffisamment armée pour se lancer dans le métier de romancière et nom d’écrivain. « Tout le monde peut se proclamer écrivain. Mais tout le monde ne peut pas se dire romancière. Etre écrivain, ça peut être un passe temps. Alors que la romancière vit de son métier. Elle passe tout son temps, même pendant le sommeil à penser, à réfléchir…», précise-t-elle fièrement. «
Très souvent, il m’arrive, lorsque je suis entrain d’écrire une œuvre, de m’arrêter pendant quelques heures pour replonger dans la lecture des manuels scolaires de mes enfants. Notamment, pour essayer de comprendre comment on effectue les fonctions affines », ajoute-t-elle.

Une curiosité qui étonne son fils, banquier dans un établissement en Californie, et sa fille, étudiante en droit à Paris 6. La déclaration extravagante et un tantinet exagérée qui va la faire détester et remarquer des Noirs de la diaspora dans les années 90, semble partie d’un malentendu voulu ou non par Calixthe Beyala. Dans une interview accordée à un média, en France, la jeune femme affirme que après Dieu pour elle, c’est l’homme blanc. Humour ? Cynisme ? Calcul existentiel ? Un peu de tout cela probablement. En tout cas, elle défraie la chronique et s’affiche comme un personnage de roman qui sait jouer avec l’image virtuelle et l’effet simplificateur ou amplificateur des médias. Souvent considérés, à tort ou à raison, comme faiseurs ou destructeur d’étoiles.


Elle avait déjà annoncé la couleur dès son premier livre à l’âge de 23 ans. « C’est le soleil qui m’a brûlée », sorti en 1987, à Paris chez Stock, est une dénonciation sans concession de la violence faite aux femmes partout dans le monde. Depuis, elle ne s’arrêtera plus. Elle écrira seize autres romans à travers lesquels on peut penser qu’il y a chez l’écrivain le souci de la construction d’un personnage de femme forte. C’est « Le Petit prince de Belleville » ou encore « Maman a un amant », « Assèze l’Africaine », en 1992,1993 et 1994, tous chez Albin Michel. Puis la femme émancipée qui utilise son pouvoir de séduction et le jeu ambigu sur les fantasmes : « Amours sauvages », 1999, Albin Michel, « Femme nue, femme noire », 2003, toujours chez Albin Michel. Enfin, des romans plus historiques : « Les arbres en parlent encore », en 2002, « La Plantation », en 2005 et « Lettre d’une Africaine à ses soeurs », 1995, chez Spengler. Un travail littéraire couronné par trois prix littéraires, du moins pour l’instant : Grand prix littéraire de l’Afrique Noire pour « Maman a un amant », alors que « Assèze l’Africaine » reçoit le prix François Mauriac de l’Académie française et « Les Honneurs perdus », le Grand prix du roman de l’Académie française.

Une performance exceptionnelle dans ce métier. Son œuvre épouse les différents combats passés, actuels et probablement futurs de Calixthe Beyala. Depuis Le Collectif Egalité pour le droit des minorités visibles en France, jusqu’au rêve qu’elle veut de plus en plus concret des Etats-Unis d’Afrique, en passant par la lutte contre le Sida et la Promotion de la Francophonie. A propos de cette dernière, la romancière n’hésite pas à mettre en exergue de « Les Honneurs perdus » (1996, Albin Michel), cette phrase, comme pour immortaliser sa pensée : « Le Français est francophone, mais la francophonie n’est pas française ». Le poids des mots, le choc des phrases ? C’est toujours du Calixthe Beyala dans l’action, comme lors de la cérémonie des Césars de l’an 2000, quand elle monte sur scène aux côtés de Luc Saint Eloy pour revendiquer une plus grande présence des minorité sur les écrans français et rendre hommage à la comédienne Darling Légitimus, décédée en décembre 1999.

Mais honteusement oubliée par les organisateurs de la cérémonie. Elle détonne encore en 2007, lorsqu’elle publie le 12 décembre, une tribune pour défendre les positions de Kadhafi sur les droits de l’Homme. A un moment où le chef de l’Etat libyen est considéré par la plupart des commentateurs français comme infréquentable. Qu’est-ce qui fait autant bouger cette Camerounaise où qu’elle vive ? « Changer l’image des Noirs dans la société française et partout ailleurs. Le combat est collectif. Le peuple Noir est embarqué dans un même bateau. Nous gagnerons ce combat si nous le menons ensemble », martèle-t-elle. Et tant pis si elle n’est pas souvent comprise au pays de Nicolas Sarkozy, dont elle dit par ailleurs qu’il est « l’exemple même d’une intégration ratée ». Allez donc savoir pourquoi. Elle est comme ça, Calixte, on l’aime ou on ne l’aime pas.

Ce qui est sûr, elle ne laisse personne indifférent. Ses procès La médaille a pourtant un revers. A preuve, les nombreux procès qui jalonnent sa carrière. Poursuivie comme en 1996, elle est reconnue coupable de plagiat. « Le Petit prince de Belleville » copie certains passages du roman de Howard Buten. Tout comme Paule Constant dont les passages de « White Spirit » sont repris dans « Assèze l’Africaine », ne juge cependant pas utile d’intenter une action en justice contre la Camerounaise, ne voulant pas lui faire davantage de publicité. Parfois, c’est Calixthe Beyala qui fait appel à la justice pour se faire rétablir dans ses droits. Lionel Jospin, alors Premier ministre socialiste s’en souvient certainement encore. Il s’est fait traîner devant les tribunaux par ce petit bout de femme Noire pour atteinte à la dignité humaine.

« Il s’agissait, explique Calixthe, de lutter contre des conditions de vie indignes des Noirs, bien au-delà de ma seule personne ». Aujourd’hui encore, elle est en procès contre son ex-compagnon, un certain Michel Drucker, un des hommes de télé les plus populaires en France. « C’était mon compagnon. Et non mon maître. Je n’étais pas son esclave. Même si j’ai été sa négrière, puisque j’ai écrit un livre pour lui. Nous avons un contrat qui stipule que ce travail doit être payé. Je ne lâcherais pas le morceau », jure-t-elle. D’autant plus que le livre en question a eu un succès réel en librairie. Calixthe espère bien pouvoir avoir gain de cause et empocher son dû. Est-ce pour mettre un peu plus de pression sur son ex-compagnon qu’elle lui a dédié en quelque sorte un roman au titre si évocateur ? « L’homme qui m’offrait le ciel », paru en 2007 chez Albin Michel peut apparaître aux yeux de nombreux lecteurs comme un règlement de compte personnel. « Bien au contraire, répond l’intellectuelle. C’est un roman plein de tendresse, d’affection et de chaleur » explique cette femme qui cultive décidément le paradoxe.








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