Mme Florence Tayong au travail dans sa gargotte
S’il y’a une activité que madame TAYONG Florence ne s’imaginait pas faire,
c’est celle de « braiseuse de porc ». En effet, cette institutrice de formation
âgée de 39 ans qui exerçait dans une école de la place s’est vue contrainte d’abandonner
son travail parce que la rémunération qu’elle percevait était dérisoire. Après le
licenciement de son mari dû à la fermeture inopinée de la structure dans laquelle
exerçait ce dernier, toute la responsabilité de la famille a, dès lors, été confiée
à Florence.
Aidée par son frère qui lui a proposé de faire de la braise dans un bar qu’il venait
de créer, cette femme dynamique s’est alors lancée à cœur ouvert dans cette nouvelle
activité qui fait aujourd’hui son succès et qui lui permet d’entretenir son foyer
et ses trois enfants.
Bonjour Florence, comment vous êtes vous retrouvée dans cette activité et depuis
combien de temps ?
Bonjour. En fait, je me suis retrouvée là par hasard. J’étais institutrice dans
un établissement scolaire à Mabanda à Douala et, le salaire que je recevais était
plus que dérisoire relativement aux charges qui étaient les miennes dans mon foyer.
Notamment avec mon mari qui avait perdu son travail. Au même moment, compte tenu
de mes aptitudes à la cuisine et des difficultés que je traversais à cette époque,
mon frère aîné m’a sollicitée pour venir braiser de la viande de porc dans le bar
qu’il venait de créer, histoire de permettre à ses clients de déguster un bon plat
tout en buvant une bonne bière. C’est comme cela que l’aventure a commencé et jusqu’aujourd’hui,
c’est cette activité que j’exerce.
Pouvez-vous nous décrire le processus de braise de porc ? Quelle méthode a fait
votre succès et vous a permis de vous hisser au palmarès de meilleurs « braiseuses
de porc » du quartier ?
Je ne sais pas si j’ai une méthode particulière. Je paye un porc entier que je fais
abattre et découper en quatre. Je le fais brûler pour éliminer totalement les poils,
puis je le nettoie avec des lames de rasoir. Je découpe ensuite le tout en petits
morceaux et je les lave bien à l’eau chaude mélangée au sel. Je compte par la suite
le nombre de morceaux puisque chaque jour, la consommation exige que je puisse en
faire braiser au moins 150, sauf le week-end où la demande me fait braise 200 morceaux.
Je prépare bien le tout et assaisonne à la maison. Dès que j’arrive à mon lieu de
service vers 17h, j’expose ma marchandise. Dès qu’un client choisit un morceau,
je le fais frire dans l’huile afin d’éliminer la graisse pour les clients qui le
désirent, puis j’y ajoute les oignons, les arômes, des plantains braisés et du bon
piment préalablement préparé. La dégustation peut alors commencer. Voilà globalement
comment je procède. Je suis contente que les clients aient été satisfaits jusqu’ici.
Quel sont les types de clients qu’on rencontre chez vous ?
J’ai plusieurs catégories de clients. Notamment les fonctionnaires, les
débrouillards et de nombreux voyageurs puisque mon activité est située sur l’axe
lourd. Beaucoup d’hommes célibataires viennent aussi déguster ce qu’ils ne peuvent
pas préparer ou trouver chez eux. En gros, tout le monde achète chez moi parce qu’apparemment,
je fais du bon porc.
Vous avez dit commencer vos activités à partir de 17h. Mais comment se déroule
une journée habituelle pour vous, avant d’arriver au bar ?
Merci de me poser la question. Ma journée est trop surchargée. Dès 6h du matin,
je suis debout et je fais le déjeuner de mes enfants qui vont à l’école à 6h30.
Ensuite, je vais au marché très tôt pour regarder et voir comment je vais acquérir
des porcs. Pour m’assurer qu’ils sont en bonne santé, étant donné que le porc mange
tout, je jette un bout de pain par terre et je peux rapidement savoir s’ils sont
en santé ou non. Ensuite, je discute le prix avec le vendeur et dès que l’on a conclu,
je cherche un pousseur qui me transporte jusqu’à chez moi. Là, je cherche un tueur
de porc à qui je remets, selon le poids de la bête, entre 1000 et 1500 Francs CFA.
Parfois, quand je peux, je le fais tuer par mon mari.
Après tout cela, le processus de braise peut être lancé et suivre son cours comme
je l’ai raconté plus haut. Il faut noter également que dès mon retour du marché
vers les 10h30, je prépare à manger pour la famille de telle sorte que dès 12h30,
le repas soit prêt parce que les enfants rentrent à 14h des classes. C’est ainsi
que se déroule la première partie de ma journée avant que je ne commence à travailler
sur le porc à proprement parler.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez au quotidien ? Et comment parvenez
vous a satisfaire toute cette clientèle ?
Je ne comprends pas comment sont nos frères noirs. Le problème auquel je fais face
en ce moment est celui de la jalousie des autres vendeuses du coin; ceci dû au fait
que les clients se dirigent massivement chez moi et ne vont chez elles que lorsque
mon stock de porc est totalement écoulé. Ce qui fait qu’il y en a qui refusent presque
systématiquement de me faire de la monnaie lorsque je les sollicite pour rembourser
les clients qui ont de gros billets. Je subis donc aussi beaucoup la pression de
mes clients certains jours lorsqu’ils ont très faim dans ce genre de cas, puisque
je n’arrive pas à les servir avec la même vitesse qu’habituellement.
Je suis aussi en général victime d’un mal de dos chronique puisque je suis en activité
pratiquement de 6h à 24h et parfois un peu plus. Et c'est comme ça tous les jours
de la semaine, sauf le Dimanche où je me repose quand même. La chaleur de Douala
m’oblige aussi à boire constamment des médicaments prescrits par le médecin. Le
dernier problème, mais pas des moindres, c’est celui de la malhonnêteté de certains
clients qui profitent souvent du fait qu’il y ait du monde pour fuir avec mon argent.
Pour remédier à cela, j’ai donc désormais décidé de prendre l’argent avant de servir
qui que ce soit.
Dans tous les cas, la majorité des clients est quand même satisfaite même si beaucoup
parmi eux arrivent certains soirs quand tout est terminé. J’emploie par ailleurs
deux jeunes filles à qui je donne 20 000 Francs CFA par mois et ce sont elles qui
m’aident à gérer tout ce monde sans stress.
Quels sont globalement les revenus que vous génère votre activité ?
Mon revenu dépend du prix d’achat du porc et du nombre de morceaux que je prépare.
Mais comme je fais en moyenne 150 morceaux et compte tenu du fait que le morceau
coûte 500 Francs CFA, je gagne tous les jours 85 000 Francs CFA en moyenne (75 000
Frs CFA pour le porc braisé et 10 000 Frs CFA pour le plantain).
Quels sont vos projets à moyen terme et comptez-vous faire grandir cette activité
?
Comme tout le monde j’ai des projets et, pour le moment, ce qui me tient à cœur,
c’est l’ouverture d’un restaurant afin d’étendre considérablement mon champ d’action
et accroître mes revenus. Là, je serai certainement a l’abri du contact du feu qui
m’a déjà assez donné de maladie.
Aux nombreux internautes qui vont lire cet article, qu’avez-vous à dire pour
conclure ?
Je remercie tout simplement bonaberi.com et les encourage à continuer ainsi afin
que les gens comme nous soient aussi connus et entendus par les gens d’en haut.
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