Cameroun : à la rencontre de Boudor, rappeur engagé
(18/02/2010)
Boudor est un rappeur camerounais qui cherche avant tout à sensibiliser sur les problèmes qui minent le Cameroun. Bonaberi.com est allé à sa rencontre
Par Redaction Bonaberi.com (Dominique Moukalla)
Pourquoi avoir choisi le pseudonyme Boudor ?
Le fait que je choisisse de prendre Boudor comme nom de scène s’est fait
sur une inspiration subite. Suite à une coupure de courant alors que je
travaillais, j'ai du aller tenter de m'éclairer par le clair de lune. J’ai donc composé la nuit qui, en langue
Douala,
veut dire Büdu et l’or qui représente chez nous également la lumière, et j'ai
tout de suite pensé à Boudor. Un acronyme que j'aime d'autant plus parce que je
m'y identifie en tant qu'artiste, notamment par la mission dont je me sens
investi : apporter la lumière dans la nuit où se trouve ceux qui
m’écoutent, par mes écrits et mon message.
Et le Nouakorair ?
Je me suis encore inspiré des grands penseurs qui ont de leurs empreintes
marqué l’histoire. Nourokair provient de Nouar, signifiant phonétiquement noir,
et Kair, un diminutif de Camer pour camerounais : Nouakorair peut être
simplement interprêté comme noir au Cameroun. Ce
terme veut dire artiste camerounais qui s’identifie par sa façon de chanter avec
l’accent du bled, le vestimentaire ; en fait le noir du Cameroun.
Tes débuts dans la musique ?
Mes débuts se sont faits tout naturellement, même si j'avais au
départ un attrait plus marqué pour la danse, étant influencé notamment par la
rythmique congolaise grâce à des chaînes comme MTV. Mon père qui était diplomate y était
affecté. Et de plus j’ai toujours pensé que l’on ne devient pas mais naît artiste, étant donc influencé par la culture de l’extérieure et celle du
bled, via la chorale dont je faisais partie avant de partir. Alors lorsque je suis
revenu au pays j’ai formé un groupe du nom de Thunder Boys. C’est après que
l’envie d’écrire les textes est venue.
Tes parents ?
Je peux dire que j’ai récu pas mal de gifles de mon père qui ne pouvait pas
accepter que son fils soit un rappeur lui diplomate de son état. D'autant plus
qu'à l’époque c’était signe de déviance : le rap est la voie des ratés, des gens
de mauvaise vie.
Comment définis-tu ton style ?
Je n’ai pas de style, je suis juste engagé. Je dis tout haut ce que les gens
pensent tout bas. Comme je le pense sans retenue, j’entre en profondeur dans mes textes.
L’important c’est de parler et d’être sensible à tous les problèmes.
Ton dernier album ?
"En faim au Cameroun" est un album de
18 titres sorti au Sénégal avant, ce qui m’a valu le prix de l’intégration
africaine en 2006.
On y retrouve des titres comme :
"Petite sœur" : où je parle des filles qui rêvent d’avoir des maris blancs. C’est
histoire est d’autant plus vraie qu'il m'est arrivé plusieurs fois de voir au
Sénégal des adolescentes montrer leur poîtrine à des blancs sur Internet via des
webcams.
Dans Boudor le nouarokair, je demande à mes frères rappeurs d’être eux-mêmes et non
des agents de pubs de marque étrangères. Un dicton dit que l'homme est le reflet de ses pensées. Combien de rappeurs sont le reflet
de ce qu'ils disent ! Je ne suis pas venu remettre de l'ordre, mais je suis venu
placer un miroir. Il est
temps que les gars développent leur propre concept et apprennent à être eux même dans ce qu'ils font.
Dans "rois de la républik" j’use d’une métaphore d’une métaphore
pour faire un portrait au vitriol de nos dirigeants que j’appelle « le roi » et
je déclare : «la république n’est pas un royaume, on n’est pas des sujets » parce
qu’ils se comportent comme tels.
Et dans « bana ba nguea »
c’est le coté humanitaire qui prend le relais, je profite de part ma
musique pour parler d’eux ces jeunes qui vivent dans la rue.»
Comment se porte l’album coté ventes ?
Plutôt bien. Entre mes ventes personnelles, celles de Kamer
Attitude - un distributeur - j'en suis à peu près à 700 ventes, sacahtn que je
dois faire les comptes avec Culture Mboa, un autre distributeur. Pour améliorer
la notoriété de mon album, j'ai fait beaucoup de concerts de "school tours",
profitant de la période de la fête de la jeunesse.
Dernièrement on t’a vu dans un plateau télé, décrier en présence des sœurs
Grace et Dera Dora, le choix du CERAC de choisir Petit pays comme porte drapeau.
Qui selon toi pourrait être un bon représentant ?
Peut-être moi, pourquoi pas ? Je conscientise, je parle
des fléaux du pays, mes messages sont propres, alors que je ne sais pas à quoi
celui qui chante Pédés donnera un message ou encore Frotambo.
Te sens tu capable de chanter tes titres devant des politiciens ? Je
le ferai avec joie. Je serai de cette façon sûr de leur passer mon message, ce
qui est avant tout mon but.
As-tu des projets en ce moment ? Oui, un qui me tient particulièrement à cœur. Je l’ai nommé « Le
festival koubalanta » qui est un
rendez vous de rencontre rap. Il s'agit d'un festival international de hip-hop
qui a pour but de réunir les rappeurs africains. Il s'agit d'un mouvement que je
suis en train de mettre sur pied, un mouvement qui consiste à entretenir la
flamme du hip-hop du bled comme il se doit. Je suis en plein laboratoire pour
ficeler le dit festival, mais des répétitions se font déjà chez moi tout les
premiers samedis du mois, où de jeunes viennent montrer au
public présent le savoir faire du bled. D’ailleurs le prochain samedi coïncide
avec la journée internationale de la femme et ce jour la de jeunes filles
seront à l’honneur. Histoire de communiquer déjà sur le festival qui s’annonce
et trouver des sponsors et partenaires Koubalanta c'est tout un concept, une
manière de promouvoir le hip-hop avec des méthodes et des idées innovantes.