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Cameroun : à la rencontre d'Anne-Marie Ngombi, gérante de call Box à Bonapriso
(29/07/2008)
Cameroun : Bonaberi.com est allé à la rencontre d'Anne-Marie Ngombi, gérante de call Box à Bonapriso depuis presque huit ans à Douala
Par Redaction Bonaberi.com (Biumla Bi Massot)
Anne Marie Ngombi est gérante de call box depuis plus de 7 ans
Anne Marie Ngombi est gérante de call box depuis plus de 7 ans

Accueillante mais déterminée, joviale mais rigoureuse, assise sur un tabouret de fortune, près des Ribambelles à Bonapriso, que Anne-Marie exerce depuis presque 8 ans aujourd’hui, la difficile activité de gérante de call box ou comme dans le jargon local « call boxeuse ». Avec son éternel sourire communicatif, elle a accepté  de partager avec nous d’un peu de son temps, en acceptant de parler de sa vie, de son métier en répondant aux questions de Bonaberi.com…

Anne-Marie bonjour, peux tu te présenter à nos lecteurs ?

Bonjour, je me nomme Ngombi Anne-Marie, je suis âgée de 32 ans, domicilié a Bonaloka (village), j’ai une petite fille âgée de 10 ans. J’exerce dans cette activité depuis 7 ans, je vais vous détailler tout ce que vous voulez savoir, mais sachez que dans la vie il faut se battre, chercher même s’il faut fouiller dans des poubelles.

Peux-tu expliquer en quoi consiste ton travail exactement ?

Mon travail consiste à la vente de cartes de recharge et aider ceux qui n’ont pas de crédit dans leur téléphone à communiquer de façon rapide et facile. Plus vulgairement, on nous appelle les « call boxeuses ». J’ai des fournisseurs pour les cartes ou pour du crédit que nous achetons pour pouvoir appeler et transférer aux particuliers. Je prends toutes les dispositions pour ne manquer d’aucun produit et que le client soit satisfait de l’accueil et qu’il ait envie de revenir vers moi.Tu dois être souriante, sympathique, en résumé savoir attirer la clientèle et parvenir à la fidéliser.

Pourquoi avoir choisi une activité aussi éprouvante tant sur des plans physique et mental au quotidien ?

La vie nous réserve des surprises ; raison pour laquelle il ne faut jamais dire qu’on ne pourrait jamais faire « ça » ! Dans la vie, on ne choisit pas son destin parce qu’on peut passer du luxe à la souffrance en un instant. Alors à ces moments là on ne choisit plus rien, et tout ce qui vous tombe sous le nez, vous vous dites eh bien pourquoi pas ! Vous oubliez votre belle peau, votre joli visage, votre magnifique corps, vous vous lancez dans la rue assise à longueur de journée à la quête du pain quotidien.

Ca fait 8 ans que tu exerces cette activité, peux-tu revenir sur tes débuts ?


Les débuts sont très difficiles : vous avez honte des regards des autres, vous pensez que vous êtes une ratée, une moins que rien ; vous imaginez un peu ce que diront vos connaissances qui vous apercevront au détour d’une rue. Vous avez des remords, vous vous posez plein de questions : «vais-je pouvoir tenir ou m’en sortir ? »Vous êtes découragée. Mais une fois l’attroupement devant vous, vous êtes contente, les recettes augmentent et vous donne envie d’y croire !

Tu travailles a Bonapriso, l’un des quartiers les plus huppés de la ville, cela se reflète-t- il sur tes recettes ?

Bonapriso : des Blancs, de belles voitures, de belles maisons, tout y est chic ! Avenue de Gaulle, l’une des grandes rues de Douala avec une clientèle peuplée. Chacun y trouve son compte. Avant les voitures garaient à tour de rôle, aujourd’hui les clients sont devenus une denrée rare ; moins de clients et de voitures à cause de la prolifération des call-box. On ne peut aujourd’hui plus faire cent mètres sans en croiser un, tout est devenu difficile. Aujourd’hui, on se partage les clients et parfois on peut « sécher » toute une journée (ndlr : sans réaliser de vente), et on espère « pointer » dans la soirée. Lorsque la journée et la soirée ont été difficiles, on oublie en espérant que le lendemain sera meilleur.

Peux-tu nous décrire une journée de travail d’Anne-Marie ?

C’est si pénible de se réveiller le matin, mais quand on sait ce qu’on veut et cherche, on s’y habitue bien vite. Dès 6 heures du matin on est debout, et toutes les pensées se projettent déjà vers la route. Alors on se dépêche de faire son ménage, de préparer de quoi manger et de prendre un bain avant de sortir. A 8 heures, je suis à Bonapriso à mon poste et une fois installée je m’assure d’être en possession de toutes mes cartes de recharge. S’il arrive que je me trouve en pénurie, il suffit d’un coup de fil et le fournisseur me sert sur place. Je ne prends de pause qu’en cas d’urgence, ou lorsqu’un client me drague et m’invite à manger (rires). Mais dans le cas général je ne prends pas de pause, je mange sur place parce que mes habitués n’aiment pas se fournir ailleurs.




Anne-Marie Ngombi, gérante de call box au CamerounIl t’arrive de rentrer chez toi tard dans la nuit, n’as-tu pas peur des agressions qui sont récurrentes dans les grandes villes aujourd‘hui?

Généralement je suis chez moi à partir de 21 heures, même s’il faut ressortir après. Mon véritable problème est de mettre en sécurité mes « armes de combat » : téléphone, cartes et argent. Dès que c’est fait je peux ressortir en toute quiétude car même en cas d’agression je sais que je n’ai plus rien à me faire dérober. Même si on n’est jamais à l’abri d’un viol.

Revenons à ton travail. Certains gérants de call box appliquent des coûts d’appels de 75 ou 100 FCFA/mn. Peux-tu nous donner plus de détails sur la base tarifaire ?

Chaque propriétaire de call box est seul maître de ses prix. Il les fixe en fonction des facilités qu’il a ave ses fournisseurs. En principe nous devrions avoir un prix commun mais aujourd’hui, il y a destruction et déstabilisation des prix. Certains veulent augmenter leur marge, d’autres essaient d’avoir des prix attractifs. Pour vous donner un exemple si vous passez un appel de 0 à 30 secondes et que mon opérateur me facture la minute à 75 Francs, je ne peux laisser la minute à ce prix-là. Je fixe alors à 100 Francs un appel de 0 à 30 secondes, et nous avons les appels de plus d’une minute qu’on soustrait à 250 FCFA/mn et je prends 200 FCFA. Je suis gagnante sur certains appels et perdantes sur d’autres.

Il y a des gérants de call box qui se plaignent d’un nouveau fléau, le vol de crédit par transfert, d’abord peux tu nous dire ce que c’est qu’un transfert, et en as-tu déjà été victime ?

Un transfert est un montant de crédit que je soustrais de mon téléphone et que j’envoie sur un autre téléphone. J’ai déjà été victime de ce vol de crédit qui s’effectue par transfert. En général quelqu’un se présente devant toi et te demande d’effectuer un transfert qu’il te paie bien sur. Sauf que lui note ton code que tu n’as pas pensé à lui cacher. Une fois fait, il te demande après de passer un appel. Il paie ensuite ce qu’il te doit, sauf que tu ne sais pas qu’au lieu de passer un appel, il était en train de faire un second transfert ! Tu ne t’en rends compte que plus tard, lorsque tu constates que ton crédit est insuffisant. Appeler l’opérateur ne sert à rien car il se dédouane de toute responsabilité. Bien souvent, ces voleurs sont accompagnés par une moto pour pouvoir détaler en vitesse.

Vends-tu aussi des recharges, quel est ton bénéfice par carte, et est-il fixe où diffère-t-il selon le montant de cartes ?

Chacune des cartes à son prix et le bénéfice diffère comme présentement, je travaille avec deux opérateurs Orange et MTN, pour les cartes Orange voici les bénéfices :

OrangeMTN

Montant

Bénéfice

Montant

Bénéfice

1000 FCFA

60 FCFA 1000 FCFA 60 FCFA

2000 FCFA

120 FCFA 2500 FCFA 175 FCFA

3000 FCFA

180 FCFA

5000 FCFA 350 FCFA

5000 FCFA

300 FCFA 10000 FCFA

750 FCFA

10000 FCFA

600 FCFA

25000 FCFA

1850 FCFA.

25000 FCFA

1500 FCFA

 



Anne-Marie Ngombi travaile depuis presque huit ansOn dit souvent qu’un africain qui travaille, c’est moins de ventres qui dorment vides. Quel est rôle joues-tu au sein de ta famille ?

Vous savez, la vie appartient à ceux qui se réveillent tôt, il faut se battre, chercher même s’il faut aller fouiller dans les poubelles. La vie d’aujourd’hui est difficile et chère, il ne faut pas se croiser et les pieds pour attendre le Bon Dieu. Avant qu’on ne vienne vous vienne en aide, commencez par vous aider vous-même. Dans ma famille, j’occupe le premier rang, la petite sœur devenue l’aînée de la famille et on m’appelle le « boss » de la famille. Lorsqu’il faut prendre une décision, il faut qu’on m’appelle d’abord. La moins que rien est devenue visible, je subviens à certaines tâches comme la ration surtout et les petits besoins de ma mère.

A ton avis, la prolifération des call box vient du fait que l’activité est porteuse, ou plutôt de la crise de l’emploi au Cameroun ?

Un travail pris au sérieux finit par produire des fruits. Il n’y a rien qui ne puisse être rentable quel que soit le nombre ou la multitude. Le problème est de s’appliquer, se soumettre et aimer ce qu’on fait. Ah ! Les call box d’avant et de nos jours diffèrent. La rentabilité était énorme, mais maintenant on joue au maintien pour ne pas rester au quartier, on ne peut plus faire cent pas sans se heurter à un call box, tout ceci à cause du chômage au Cameroun, on se dit « bêta pour moi de faire mon call box ». Au début, nous étions en haut parce que les filles avaient honte d’exercer cette activité, plus le temps passe, la vie devient dure et le taux de chômage croît, on est donc obligé de poser un call box devant la maison familiale ou soit trouver un coin de rue pour y rester.

On se rend compte qu’il y a beaucoup de femmes dans cette activité, comment l’expliques-tu ?

Si tu es une fille qui passe son temps à marcher en longueur de journée ou celle qui, à chaque bip ou coup de fil, saute sur l’occasion d’honorer à un rencard, mieux vaut rester à la maison, mais tu es celle qui souffre, qui veut réussir, avoir son argent, tu ne manqueras pas de sauter sur l’occasion de faire le call box. Non seulement le travail est rare, trouver un mari est difficile, ça vaut le coup, et tu ne seras pas déçue.Tu ne pourras pas manquer de quoi subvenir à tes petits besoins et à ton loyer et je vous rassure que ce travail est fait pour les femmes. Parce que seules les femmes ont l’art de supporter, d’être patiente et de céder aux caprices des clients malgré les tracasseries et malhonnêtetés de ces derniers, avec tout ce qui constitue le lot d’injures et frustrations. Mais nous on fait avec ! (rires)…

Avec autant de femmes dans cette activité, certains disent que certaines exercent cette activité comme une couverture alors qu’elles sont en fait des prostituées, quel est ton avis ?

On peut être des milliers mais chacune trouve son compte et personne n’est déçu. Personnellement, je sais que je suis dans la rue pour moi et ma famille, le reste ne me concerne pas. Qu’on dise que c’est une couverture pour se prostituer, je ne sais pas. Il peut arriver qu’on soit courtisée et qu’on accompagne un client en espérant trouver l’être aimé. Nous sommes exposées à toutes sortes de tentations, il revient à chcune de se préserver et de réfléchir face à certaines situations.

Après presque huit ans, quel est ton plus beau souvenir, et ta plus grande déception ? 8 ans d’expérience, ce n’est pas donné à n’importe qui : angoisses, peines, frustrations, vols de portable, crédit soutiré, argent disparu, faux billets, tout n’a pas toujours été facile. Vous devez être sur le qui vive particulièrement concernant votre comptabilité. Je n’ai pas spécifiquement de bon ou de mauvais souvenir : mais le point positif est que j’ai un compte en banque, et le mauvais est de voir un client qui ne paie pas son appel.

Nous arrivons au terme de l’interview, aurais-tu quelque chose à dire ?

Aujourd’hui je suis une fille comblée grâce a mon activité, et ça fait des jaloux. Je prends soin de moi et de mon apparence pour attirer les clients. Etre belle et souriante, telle est ma devise. Alors, j’aimerais toujours dire à mes jeunes sœurs d’aimer ce qu’elles font sans avoir honte ou peur de se faire draguer, et je rends vraiment grâce à Dieu de me soutenir chaque jour et combler mes désirs. Les « mbenguistes » nous font rêver alors on s’agite devant eux. Ils font partie des gros clients qui appellent sans regarder le compteur et payent sans rechigner, et qui parfois vous draguent ! (rires)…Nous les call boxeuses, nous adorons nous faire baratiner par eux ce sont des « faroteurs » !(rires)…






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