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Cameroun - Démocratie : La leçon d'humilité du Sénégal
(31/03/2012)
L'exemple sénégalais est la plus belle preuve qu'il était possible, sans guerre et à la force de la volonté du peuple, de transiter vers une alternance.
Par Ebanda Guillaume
L’année 2011, année qui se voulait charnière pour le Cameroun avec une supposée alternance aura finalement été d’une banalité similaire aux précédentes années électorales, encore plus standard que 1997 ou 2004, année où l’opposition avait soit boycotté, soit proposé une candidature quasiment unique à l’élection présidentielle.

En effet, malgré les 70% d’abstention annoncés par transparency international – le contraire pour le conseil constitutionnel qui a parlé d’une participation de 70% -, il n’y aura pas eu de coup d’éclat avec un résultat électoral plus que classique et un quinté de tête bien connu entre Paul Biya, John Fru Ndi, Garga Haman Hadji et autres.

Plus encore, on a senti une opposition à bout de souffle, sa crédibilité étant plus que jamais mise à mal par un Cameroun lassé des bis répétita : John Frudi et sa bande ont bien trop longtemps soufflé le chaud et le froid pour encore émouvoir un peuple qui s’est résigné et n’espère plus.

En effet, bien loin des années 1990, où Ekindi ou Fru Ndi faisaient de la prison pour leur activisme, où l’on sentait que Bello Bouba Maïgari pouvait ébranler le Cameroun, on a décrié une opposition totalement désunie, plus du tout au fait des problèmes des Camerounais, bien à l’aise dans une tour d’ivoire et ne se présentant que pour jouer le jeu ou récolter les quelques millions des frais de campagne accordés aux candidats ; si bien que, face aux appels au boycott ou à la manifestation, l’idée qui est ressortie entre les débats enflammés ci et là entre les Camerounais, c’était sans conteste que l’opposition n’avait plus la légitimité d’appeler le peuple à risquer sa vie.

Face à l’incertain, le Cameroun a choisi la voie de la paix, la voix du connu, en renouvelant sa confiance à Paul Biya, adoubé à près de 80% des suffrages. Pourtant, pas si loin de là, un pays à l’histoire similaire vient de réaliser une transition en bonne et due forme : Macky Sall a remporté l’élection face à Abdoulaye Wade, candidat à sa propre succession… à 85 ans.


En effet, comme au Cameroun en 2008, Abdoulaye Wade a tenté une modification de la constitution après le cas Laurent Gbagbo : instauration d’un vice-président et surtout, abaissement du taux de la majorité universelle de 50% à 25%. Des manœuvres classiques dans les pays d’Afrique dits pacifiques ou démocrates, où le président se taille une élection sur mesure par des modifications ci et là du code électoral.

Là où le Sénégal s’est différencié du Cameroun, c’est que le peuple ne s'est pas laissé avoir par le tour de passe-passe. Avait-il une opposition crédible, unie ou légitime ? Toujours est-il qu’il est descendu dans la rue, sans faire de coup d’état ni provoquer de printemps arabe, mais juste pour manifester son mécontentement. Pas d’apprentis-sorciers non plus, mais uniquement un peuple affirmant au chef de l’état sa volonté d’avoir son mot à dire. Résultat ? Abdoulaye Wade a reculé et abandonné ses projets de modification.

Et ce n’est que bien après, de nombreux mois plus tard, que la question de la succession à Abdoulaye Wade s’est posée. Avant cela, il y a eu l’assurance d’avoir une élection équitable, à deux tours, réunissant les meilleures conditions pour une alternance réussie. Est-ce qu’il y a un an, le peuple pensait à Macky Sall en s’opposant à Abdoulaye Wade ? Il pensait sans doute à une seule chose : au changement.

Et voilà toute la différence avec le Camerounais, tout plein de son intellectualisme et de ses intellectuels. A la façon d’un sage, qui attend la pluie avant de construire un robinet pour s’abreuver d’eau, semble attendre le remplaçant de Paul Biya avant de vouloir l’alternance.

En effet, le Camerounais moyen a plutôt, comme à l’habitude, excellé dans l’analyse et dans les débats aussi utiles que la rondeur ou la platitude de la Terre, démontrant mieux que personne qu’aucun combat ne valait la peine d’être mené, qu’aucune mère ne méritait de perdre son enfant pour confier le pays à un (autre) voleur. Que le Cameroun ne méritait pas de guerre, et se différenciait ainsi de ses sauvages de pairs qui ont connu guerre civile sur guerre civile.

Seulement voilà, le Sénégal n’a pas connu la guerre. Il n’y a pas eu de coup d’état. Pas d’instrumentalisation d’apprenti-sorcier tapi dans l’ombre : uniquement le peuple qui a fait son choix, à savoir faire confiance à l’avenir en refusant un sur place ayant déçu. Et bien habitué à juger ses voisins, le pleutre Kadhafi ou l’indigne Laurent Gbagbo, le Camerounais doit pour une fois s’asseoir et regarder, admirer et apprendre de quelqu’un qui a démontré assez simplement finalement, qu’il était question ici de courage et de volonté plus que de désignation d’un successeur.

Car au fond, cela est d’un intérêt limité de savoir si le Cameroun est dirigé par Paul Biya, John Fru Ndi ou Kah Walla : ce qui compte, c’est d’avoir un peuple qui a le choix, et qui choisit son dirigeant qu’il a le pouvoir de faire tomber à la prochaine échéance électorale s’il est décevant. Au lieu de ça, le débat s’est savamment détourné sur une opposition, bouc émissaire d’un Cameroun ne voulant pas se prendre en main. D’une diaspora qui n’a pas pris la peine d’aller voter, invoquant chacune ses raisons : « il n’y a pas de candidat. De toute façon Paul Biya sera réélu. Ma mère a voté pour moi au Cameroun. Je n’avais pas le temps de m’inscrire ». Des réponses toutes plus aberrantes les unes que les autres, démontrant au mieux que le Camerounais n’espère plus, et au pire qu’il n’a plus un grand intérêt en l’avenir.

Fleuron de l’Afrique, Afrique en miniature, le Cameroun a toujours eu une certaine fierté de sa particularité en Afrique par ses avances dans de nombreux domaines, tels la célèbre autosuffisance alimentaire, et aujourd’hui l’avancée démocratique, la stabilité et la paix maintenues au fil des ans là où les autres pays ont connu la guerre.

Aujourd’hui, une introspection s’impose : peut-on parler de démocratie dans un pays qui a gardé le même président pendant au moins 36 ans, la prochaine élection étant en 2018 ? Peut-on parler de paix là où il y a plutôt une politique de l’autruche ? Le Sénégal a démontré qu’une transition pacifique était possible. Au Cameroun de tirer des leçons.


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