Des paysans sont obligés de fuir leur contrée, l'état ne parvenant pas à les protéger des criminels que sont les coupeurs de route.
Hamidou H, la trentaine, est chef de 2ème degré dans un canton du groupement Kangou, département de la Bénoué. Un peuple dynamique et prospère y est harcelé depuis cinq ans au moins par des bandes de coupeurs de route.
Le lendemain de la quatrième agression dont il est victime depuis le mois de juin dernier, l’homme a les nerfs à vif : « C’était sur une piste très roulante. Nous étions trois sur la moto. On n’avait jamais entendu parler d’agressions à cet endroit. Soudain, quatre hommes se sont dressés devant nous. Ils étaient tout de noir vêtus et armés de fusils tels que ceux des antigangs (c’est ainsi que sont appelés ici les militaires du Bir). Ils avaient des cagoules blanches. Ils nous ont fouillés, ont pris l’argent que nous avions et ont éventré le sac d’arachides que j’allais vendre au marché. Ils m’ont demandé de ramasser mes arachides. J’étais humilié. Ils ne nous ont laissé partir que quand, en essayant d’intercepter une autre moto, son conducteur n’a pas obtempéré. Ils ont alors tiré plusieurs rafales. Ils les ont manqués. Ils devaient être blindés. Les coupeurs ont pris peur. Ils nous ont demandé de partir et surtout de la boucler, sinon ils sauraient où nous retrouver », raconte-t-il.
Le jeune père est arc-bouté sur sa position. « Je vais déménager. Je vais d’abord louer une petite chambre. Quand j’aurai pris la température, je vais faire venir mes deux femmes et mes six enfants. Je n’ai pas le choix, ils m’avaient déjà battu. Ils ont enlevé mes enfants et ceux de mes frères. Nous avons dû, pour les racheter, payer 3 400 000 Fcfa. Le troupeau dont nous avons hérité à la mort de notre père est resté dans l’opération », ajoute-t-il.
Interrogé sur les autres moyens auxquels il pourrait recourir pour éviter les agresseurs, il répond : « Impossible de les éviter. Ils vivent parmi nous, dans la brousse. De temps en temps, ils viennent au village. Une fois, ils m’ont surpris dans ma bergerie. Je voulais fuir, mais ils m’ont dit de ne pas m’inquiéter. Ils ont dit qu’ils étaient de passage. Ils m’ont appelé par mon nom. Ils avaient faim, ont-ils dit. Ils ont demandé un mouton. Je leur ai dit d’en choisir dans mon troupeau. Ils ont inspecté toutes mes bêtes. Ils les ont trouvées trop maigres. J’ai compris, je leur ai donné 20000 Fcfa en m’excusant. C’est comme ça qu’on vit avec eux. »
Et sur les autorités, l’homme est encore plus blasé. « Après l’agression d’hier, des gendarmes nous ont interpellés. Ils étaient au contrôle. Ils voulaient de l’argent. Ils ont dit qu’on était à trois sur la moto. C’était la surcharge. Quand je leur ai dit qu’il y avait des coupeurs, ils nous ont demandé de filer ».
Et sur le Bir ? Le chef n’est pas plus tendre : « Une fois, deux militaires sont arrivés chez un voisin dont on avait enlevé les enfants. Ils ont tendu une embuscade aux ravisseurs qui devaient venir chercher la rançon. Dès qu’ils ont entendu les pas des bandits, ils se sont mis à tirer. Ils ont percé les tôles pendant que les bandits s’enfuyaient, pour revenir, plus exigeants ».
De plus en plus nombreux, les paysans des campagnes reculées désertent leurs villages. Avant eux, les bergers bororos avaient déjà opté pour l’exil au Nigeria voisin. Les autorités se disent impuissantes face à ce fléau. Elles trouvent que les villageois protègent les bandits en ne les dénonçant pas à temps.
Source: Le Jour Quotidien
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