Conduire est devenu un jeu de klaxon au Cameroun
Le code de la route interdit strictement l'usage du klaxon et des autres avertisseurs
sonores en agglomération. " Ce n'est qu'exceptionnellement, c'est-à-dire en cas
de danger immédiat que l'automobiliste dispose de la latitude d'en faire usage",
indique Sylvain Biake, moniteur de l'auto-école du Mfoundi à Yaoundé.
Mais dans le vécu quotidien, l'on se rend compte que les automobilistes mettent
sous le boisseau ces dispositions du code. Les parades des nouveaux mariés constituent
l'occasion rêvée pour faire du tapage à travers les artères de la capitale. Le klaxon
est alors mis à contribution pour attirer l'attention de tous, dans un concert
assourdissant.
Les élèves des lycées et collèges en abusent également, au même titre que les militants
des partis politiques, respectivement lors des parades à l'occasion des semaines
culturelles et des marches de soutien des formations politiques.
Les sportifs ne sont pas en reste. Ils usent et en abusent pour célébrer des victoires.
Pourtant, seuls les ambulanciers sont habiletés à faire un usage continu de leur
klaxon volant ainsi la vedette aux ambulanciers seuls habiletés à en faire
un tel usage.
Mais chez les taxis,
il y a même une sorte de compétition de fait qui s'instaure
entre conducteurs qui rivalisent de performance en la matière. Il faut absolument
prouver au concurrent que le son de votre klaxon est plus strident. Des sons qui,
aujourd'hui, épousent les signaux les plus diversifiés et les plus fantaisistes.
Et cela ne va pas sans conséquence, compte tenu de l'effet déstabilisateur que produit
le klaxon. D'ailleurs certaines statistiques tendent à montrer que plus de trois
accidents sur dix constatés en agglomération ont pour origine le mauvais usage des avertisseurs
sonores. Ainsi, rapporte un officier de police de la sécurité routière du ministère
des transports, " une rixe a opposé la semaine un taximan et une dame victime d'un
coup de klaxon trop strident du taxi qui la suivait. Elle avait fait usage de la
pédale d'accélérateur qu'elle avait écrasé par inadvertance, en lieu et place de
la pédale de frein. Sous cette poussée inattendue, la Mercedes fit un bon en avant,
écrabouillant l'arrière de la Starlet. Les trois belligérants ne seront départagés
qu'avec le concours de la police ".
"Des cas de ce genre sont légion en agglomération, indique cette source. Nous les
recensons par centaines au quotidien. Mais comme le levier de la sanction n'est
pas toujours actionné, les taximen, en particulier, avec des klaxons intempestifs,
s'en donnent à
cœur joie ".
Les taximen sont en effet en tête du hit parade de ceux qui usent et abusent du
klaxon. Le klaxon est ici considéré comme un instrument de travail. Tous les moyens
et toutes les circonstances sont bons pour en abuser : " Lorsqu'il faut demander
sa destination au client, faire sortir de sa torpeur un conducteur qui s'attarde
inutilement aux feux, un simple piéton qui s'attarde sur la chaussée ou un animal
domestique qui vient à se retrouver en pleine chaussée et même lorsqu'on veut manifester
sa présence ou sa sympathie à un autre automobiliste qu'on croise ", explique
Alain Bala, taximan à Yaoundé, qui déclare ranger dans le coffre de son taxi la
réglementation en la matière.
Il n'est d'ailleurs pas jusqu'aux corbillards qui, en tête des cortèges funèbres,
ne traversent aujourd'hui la ville, les sirènes hurlantes.
Source :
Le Jour
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