André Siaka, patron du Gicam
Depuis le 06 juin dernier, date à laquelle M. André Siaka a indiqué qu’il n’irait pas au terme de son cinquième mandat, l’opinion nationale et même certains de ses collègues du Groupement, se demandent bien ce qui a bien pu se passer pour qu’on en arrive là. Le concerné, lui, a pourtant voulu taire toutes les supputations. "Quand on a servi 15 ans avec autant d’intensité, on doit passer la main. Le Gicam a besoin d’un nouveau souffle, qui donnera une nouvelle dynamique à l’organisation…", laisse-t-il entendre.
Le discours tenu par le "patron des patrons" il y a une semaine, avait en effet été suffisamment édifiant sur les fondements de son départ "inattendu" de la tête du Gicam. En plus, disait-il alors, "le Gicam se porte bien à plus d’un titre" et il bénéficiait toujours de la confiance de ses pairs membres du bureau. Néanmoins, dans un contexte camerounais où la démission à un quelconque "poste prestigieux" relève quasiment de la démence, cet argumentaire n’a pas semblé convaincre grand monde. Y aurait-il des antagonismes au sein du Gicam ? Sera-t-il remplacé à la direction générale des Brasseries du Cameroun ? Lui aurait-on promis un poste ministériel ? En tout cas, dans les salons feutrés et sous les lambris dorés de la capitale économique, on spécule sans discontinuer sur le cas André Siaka.
Il faut cependant regarder dans le rétroviseur pour mieux cerner celui qui est aujourd’hui, mieux que par le passé, sous les feux de la rampe. Pendant les quinze années qu’il a passées à la présidence du Gicam, M. André Siaka a, en effet, continuellement projeté l’image d’un manager moderne, comme certaines entreprises publiques et privées de la place en rêvent. Ceux qui l’ont côtoyé le présentent comme un homme simple, toujours à l’écoute de ses collaborateurs et privilégiant le consensus pour la résolution des différends de quelque nature que ce soit. Un style de vie, qu’il semble d’ailleurs avoir "contaminé" à la plupart des membres du Groupement qui, dit-on, ont une approche bien différente des autres hommes d’affaires.
Suppôt du régime Biya ?
Pendant son long règne au Gicam, M. André Siaka n’a quasiment pas connu de moments de doute. Officiellement, aucune tentative de "putch" n’a été signalée au sein du Groupement. Au contraire, au moment où il a manifesté l’envie de passer la main, ses pairs, dit-il, ont insisté pour qu’il poursuive son œuvre. Une unanimité autour d’un homme, qui peut ainsi expliquer que M. Siaka ait finalement choisi de prendre tout le monde à contre-pied, en gardant sa décision "secrète" jusqu’au dernier moment. A présent que les dés sont jetés, que retenir donc finalement de l’œuvre de cet homme ? Personnellement, il parle de la construction de l'immeuble-siège du Gicam à Douala; de la création d'un Centre d'arbitrage pour la résolution des conflits d'affaires; de l'institution d'une cellule de lutte contre le commerce illicite; de la contribution à l'institutionnalisation du dialogue entre les secteurs public et privé; de la contribution à la création de l'Union des patronats d'Afrique centrale, etc.
A ce bilan, d’aucuns ajoutent ses prises de position fréquentes, au nom du patronat camerounais, sur des sujets économiques et sociaux de l’heure. Des sorties qui, disent les mauvaises langues, ont rarement été suivies d’effets du côté des pouvoirs publics, sans que des "résolutions fortes" ne soient prises par le Groupement pour faire pression à un Etat camerounais réputé apathique. D’où ce rapprochement vite fait, entre le président du Gicam et le régime Biya dont d’aucuns le disait simplement inféodé. D’ailleurs, l’engagement manifesté par M. Siaka en faveur du candidat Biya au cours de l’élection présidentielle d’octobre 2004, avait semblé conforter cette thèse. Argument de défense : "J’ai pris le parti de soutenir le candidat qui, pour moi, présentait le meilleur programme économique", expliquait alors M. André Siaka.
Quoiqu’il en soit, le Directeur général de la société anonyme des Brasseries du Cameroun vient de donner, à travers sa décision de ne plus présider aux destinées du Gicam, une bonne leçon d’alternance aux gouvernants camerounais. A bientôt 60 ans, ce natif de Bandjoun affirme cependant qu’il continuera d’apporter sa pierre à l’édification du Gicam. En plus du Groupement, M. André Siaka reste par ailleurs DG des Brasseries du Cameroun, président du Comité national de facilitation du trafic maritime international, administrateur de la Caisse nationale de prévoyance sociale, du Fonds national de l’emploi et de l’Agence de régulation du secteur électricité ; et… membre de la Commission des marché financiers de Douala Stock Exchange. Pas moins. Un acteur clé de la vie économique du pays, en somme.
Ingénieur de l’Ecole polytechnique de Paris depuis 1974, M. Siaka a servi à la Société générale à Paris (1974 – 1976), avant d’amorcer, dès 1977, sa longue carrière au sein de la Société anonyme des Brasseries du Cameroun. Il y a, tour à tour, occupé les fonctions de gestionnaire des procédés à Bafoussam, de chef d'embouteillage à Yaoundé, de directeur d'usine à Douala, de directeur adjoint d'agence puis directeur d'agence à Yaoundé, de directeur général adjoint et… de Directeur général en 1988. Un bel exemple de confiance, de stabilité et de fidélité…
Source: Quotidien Mutations
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