Le ministre de la Culture, Ama Tutu Muna, a choisi un nouveau “ cheval de bataille ” pour contrôler l’argent du droit d’auteur. Magloire Ondoa qui, jusque-là, trônait à la tête de la Commission permanente de médiation et de contrôle (Cpmc), est viré.
Par Souley Onohiolo
Le Pr. Adoplhe Mikoa She le remplace au poste. La nouvelle s’est disséminée hier mercredi 05 mars 2008 comme une traînée de poudre à travers la République. Elle est parvenue à son lieu de service (l’Université de Yaoundé II – Soa), alors qu’aux cotés du recteur Jean Tabi Manga, le Pr. Minkoa She participait à une conférence.
Approché, il a refusé de faire une déclaration à la presse. “ Laissez-moi le temps de rencontrer la ministre qui m’a porté à la tête de la commission. Le reste on verra après ”, a-t-il affirmé. En plus de ses fonctions de vice-recteur chargé de la recherche et de la coopération avec le monde des entreprises à l’Université de Yaoundé II, cet agrégé de droit privé et spécialiste des sciences criminelles devra désormais consacrer une partie de son temps au droit d’auteur. Pas une partie de plaisir. Magloire Ondoa qui quitte le poste en sait quelque chose.
Agrégé de droit public, le désormais ex-président de la Cpmc est enseignant à l’Université de Yaoundé II – Soa et chef du département du droit public. Joint au téléphone, il a lui aussi refusé de commenter la décision du ministre. Promu à la présidence de la Cpmc le 03 juin 2004, Magloire Ondoa laisse, selon certains observateurs, une stabilité dans le secteur du droit d’auteur. Mais pour certains, il n’a pas su donner satisfaction d’une part aux quatre sociétés de gestion collective, et d’autre part aux artistes.
Au-delà du débat qui pourrait s’ouvrir sur la gestion de Magloire Ondoa, l’un des mérites de la décision du ministre de la Culture, c’est que son acte met fin à la polémique sur la prétendue illégalité de la Cpmc. En décidant de nommer un autre juriste émérite à sa tête, Ama Tutu Muna donne une crédibilité à cette structure qu’elle voulait d’abord dissoudre. La dissolution lui avait en effet été recommandée par ses collaborateurs directs. Mais pour ne pas donner l’image de quelqu’un qui veut à tout prix effacer l’héritage de son prédécesseur, Ama Tutu a créé un comité chargé de l’évaluation de l’application de la loi de 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins.
Selon elle, l’effectivité du cadre législatif de ces droits était sérieusement compromise par des dysfonctionnements de toutes sortes, à cause de la Cpmc.
Le comité dans le quel ont travaillé des éminences grises comme Alain Didier Olinga, Magloire Ondoa, Adolphe Minkoa She, Ephraim Ngwafor, François Anoukaha, Jean Emmanuel Pondi, … a apporté une justification à l’existence d’une structure en charge de la médiation et du contrôle. La décision du ministre de procéder à la nomination d’un président de la Cpmc, avant d’avoir reçu la copie des travaux dudit comité dirigé par l’inspecteur des Impôts Paul Emmanuel Tonye donne raison à l’ancien ministre de la Culture, Léopold Ferdinand Oyono. Après avoir répudié Magloire Ondoa, “ l’assainissement et le changement à la tête des conseils d’administration sont envisagés par Madame le ministre ”. Sam Mbende, potentiel candidat à sa propre succession à l’assemblée générale élective de la Cameroon music coorporation (Cmc), le mois prochain, n’a qu’à bien se tenir. En attendant la passation de service à la Cpmc, les bureaux de la structure sont scellés.
Entretien avec Ange Bagnia
Les artistes femmes se sont rarement prononcées sur la gestion de la Cameroon music corporation (Cmc), et spécifiquement sur la répartition des droits. Au plus fort de la crise actuelle, Ange Bagnia a accepté de donner son avis sur les accusations et contre accusations qui menacent d’éclater le Conseil d’administration dont le mandat expire en principe le 16 avril prochain.
“ Le problème à la Cmc, c’est les répartitions ”
Comment appréciez-vous la situation actuelle à la Cmc ?
La Cmc traverse un autre moment décisif de son histoire. Bientôt la fin du mandat de l’équipe Sam Mbende. Le tohu-bohu et la déferlante qu’on observe à l’heure actuelle sont une pure agitation. Des apprentis sorciers et quelques activistes font feu de tout bois et sont passés maîtres dans des actes d’anti-jeux et des tacles par derrière. Il y a quelques jours, trois administrateurs de la Cmc à savoir Ange Ebogo Emérant, Messi Ambroise et Moussa Haïssam ont porté des accusations de malversation à l’endroit du Pca. L’on se serait attendu que de telles affirmations soient adossées sur des preuves irréfutables pouvant permettre de confondre définitivement Sam Mbende. Mais il n’en a rien été. Les accusateurs n’ont pas encore présenté des éléments, ni même des documents sur les malversations et les détournements.
Pendant les travaux de la 8e session ordinaire du Conseil d’administration de la Cmc le 16 février dernier, on leur a demandé de confondre le Pca. Au lieu d’apporter les éléments de preuve de leurs accusations et la nature de leur démarche, ils ont plutôt présenté des excuses à Sam Mbende. Il s’agit bien là d’une situation qui permet de comprendre que tout ce qu’on a entendu ces derniers jours sur le droit d’auteur doit être pris avec des pincettes. Les artistes doivent considérer les accusations des trois administrateurs comme non fondées. Ce sont des remous de surface d’un trio qui se sent à l’étroit dans un conseil qui travaille bien, pour parvenir à garantir des lendemains meilleurs aux œuvres de musique.
Vous semblez défendre bec et ongle, le bilan de Sam Mbende…
Certainement. Nous sommes entrés dans une zone de turbulence. Certains artistes sont déjà en campagne. Ils excellent dans l’art des accusations faciles. Beaucoup d’entre eux ne cherchent pas à comprendre le fonctionnement de leur société. Ils ignorent tout des textes et ne font pas une différence entre les attributions du président du conseil et celles du Dg. Pour être fixé ou donner son point de vue par rapport au fonctionnement actuel de la Cmc, il faut être bien outillé et techniquement futé.
Il reste que des voix se sont levées pour décriées les dernières répartitions. Certains artistes pensent même que le Pca a tenté de détourner de faramineuses sommes d’argent…
Il n’y a aucun nuage sur les répartitions. Moi, par exemple, je touche régulièrement mes droits. Qu’il s’agisse des droits d’exécution publique (Dep) comme des droits de reproduction mécanique (Drm). En l’espace de trois ans, il y a eu treize répartitions de droits d’auteurs par l’équipe actuelle de la Cmc. C’est un mérite à saluer. La 6e répartition des Dep qui a eu lieu à la fin du mois de décembre 2007 est le principal détonateur de tous les problèmes. Quelques confrères qui avaient été nommés dans le cadre de la commission de vérification des répartitions sont allés au delà de leurs prérogatives. C’est ainsi qu’ils ont procédé aux répartitions, en lieu et place du Dg de la Cmc. Résultat, leur option qui a consisté à donner de l’argent au plus grand nombre d’artistes et parfois à des gens qui ne le méritaient pas a entraîné d’énormes complications. Ils ont oublié qu’en matière de Dep, seuls les artistes effectivement diffusés sur les antennes de radios, télévisions et bars méritent d’être pris en compte dans les répartitions.
Selon certaines informations, la fameuse commission s’est octroyée de gros montants. Elle aurait distribué de l’argent à des petits copains et à des artistes fictifs. Un audit de la 6e répartition se déroule en ce moment. Il va permettre d’y voir plus clair. En dehors de ce grain de sable qui pourrit la soupe, le bilan de l’équipe actuelle est positif dans l’ensemble. Les droits sont régulièrement répartis aux artistes méritants. Ce qui n’a pas été le cas pendant ces dix dernières années. Les insuffisances que les uns et les autres peuvent constater ne sont pas insurmontables. La Cmc est très jeune. Toute œuvre humaine étant perfectible, nous devons continuer à embellir ce qui existe déjà. S’agissant des sommes supposées distraites par le Pca, nous pensons que lorsqu’on avance une accusation aussi grave, on doit être à même de le démontrer clairement.
Le trio de la dissidence accuse Sam Mbende de gérer la société au quotidien et surtout de mettre en minorité son 2e vice-président Ange Ebogo Emérant. Est-ce votre avis ?
Là encore les auteurs de ces propos font fausse route. La Cmc est dirigée par un directeur général. Il est le principal responsable qui gère au quotidien la société. Par quelle alchimie le Pca se retrouve-t-il gestionnaire de la société ? Quand bien même il en serait ainsi, il y aurait certainement des éléments montrant clairement son ingérence. Que les auteurs de ces allégations présentent aux artistes la signature du Pca sur les documents d’entreprise ! Il faut admettre que certains artistes musiciens n’ont qu’une connaissance lacunaire des attributions. Lorsque le 2e vice-président, Ange Ebogo Eméran, affirme qu’il n’a pas de pouvoir, on ne peut qu’être étonné. C’est bien lui qui a en charge le dossier de la Crtv dont il assure chaque mois le retrait du chèque destiné aux quatre corporations, et dont le partage se fait dans le cadre de dépôt spécial. Par ailleurs, la lutte contre la piraterie dans les provinces du Centre, du Sud et de l’Est lui incombe puisqu’on a bien vu des ordres de mission signés de lui. C’est encore lui qui a procédé à la nomination des membres du Fonds d’action sociale et culturelle (Facso). On ne voit donc pas comment il peut prétendre qu’il pas de pouvoir (…)
Est-ce à dire que les vrais problèmes de la Cmc sont ailleurs ?
Je le crois sincèrement. Plutôt que de céder à la tentation du diable, ou à des batailles stériles qui ne font pas avancer la cause des artistes, il faut s’engager dans d’autres défis. Au-delà de ce qui a déjà été fait jusqu’ici, nous devons admettre qu’il y a encore du chemin à parcourir. Pour cela, il faut une réelle collaboration des utilisateurs des œuvres de l’esprit. Les médias audiovisuels qui sont par exemple de grands consommateurs des œuvres musicales ne payent pas la redevance du droit d’auteur comme il le faut. L’on peut compter sur les doigts le nombre de chaînes de radio et télévision à capitaux privés qui payent les 250.000 Fcfa qu’on leur demande par an. L’autre problème, à l’origine des difficultés dans la gestion des répartitions, est celui des “ play-lists ”. Nous souhaitons que les fiches radios, sur la base desquelles les répartitions des Dep sont effectuées, soient bien tenues par les régisseurs d’antenne et retournées à la Cmc. D’après nos estimations, seulement 30% de ces fiches radios sont retournées à la Cmc. Ce qui est grave.
Par ailleurs, le plus grand enjeu est relatif à l’application de la décision signée par le ministre d’Etat, ministre de la culture, Léopold Ferdinand Oyono, le 12 mai 2006. Celle-ci invite les sociétés brassicoles à prélever 15 Fcfa par casier de boisson vendu et à les reverser aux organismes de gestion collective. Jusqu’à présent, les sociétés brassicoles éprouvent des difficultés à mettre en œuvre cette décision. En conséquence, les sociétés civiles de gestion collective sont privées de plus de 80% de leurs ressources. Si ça chauffe tout le temps dans le droit d’auteur, c’est aussi parce que le fonctionnement des quatre corporations est devenu extrêmement difficile.
On a également appris que la Cmc entendait porter plainte à ses anciens dirigeants à l’instar de Manu Dibango. Qu’en savez-vous ?
Une fois de plus, il s’agit là du dilatoire. Nous nageons dans le délire. Contrairement à ce que j’ai pu lire dans un journal, le point sur les poursuites contre Manu Dibango n’a pas été débattu lors du conseil. Tout au plus, le conseil a voulu s’assurer (en vertu des recommandations des assemblées générales extraordinaires et ordinaires du 16 avril 2005 et de mars 2007), que le directeur général disposait de tous les éléments permettant de parler de malversations en ce qui concerne la gestion de la Cmc dans la période comprise entre septembre 2003 et avril 2005. Il ne s’agissait donc pas d’une quelconque plainte contre Manu Dibango. C’est au directeur général de l’époque de répondre des actes de gestion qu’il a posés. L’ordre du jour de la 8e session du Conseil d’administration est d’ailleurs explicite à ce sujet. Il parle clairement des ex-dirigeants de la Cmc et non de Manu Dibango. Nous retenons que c’est une diversion entretenue par des marchands d’illusions.