Aimé Nouma
La vie dAimé Nouma ressemble à un match de foot. La première mi-temps commence
en 1958 à Yaoundé, où il est né. Son père, Olivier-Richard, est un excellent
footballeur, membre du onze camerounais. Ambitieux, celui-ci tente sa chance en
France, sans succès. Frustré et malheureux, il demande à sa femme de le
rejoindre avec Aimé, son fils aîné, alors âgé de 5 ans. Il travaille dur et se
reconvertit dans la comptabilité, tandis que son épouse, illettrée, enchaîne les
petits boulots.
Nouma Jr, lui, tente de faire du ballon rond une arme de séduction massive. « Je
jouais très bien, se souvient-il, et du coup, javais beaucoup de potes. En
revanche, avec les filles, cétait plus compliqué. Je ne comprenais pas pourquoi
elles nétaient pas aussi emballées par le foot que les garçons ! » Quà
cela ne tienne. Il affine son jeu sur les terrains de Saint-Gratien, la ville
dîle-de-France où il grandit. « Pour une moitié de la population, Aimé était
une sorte de coqueluche. Lautre moitié soutenait un autre joueur [Manuel Abreu,
NDLR] qui a fait une belle carrière en D2, à Reims », se souvient Pélagie,
lune de ses trois sœurs.
Pendant sa dernière année en tant que junior, le club de Saint-Gratien
figure, avec Auxerre et le Red Star, parmi les seize meilleurs de France. Aimé
Nouma, qui porte le numéro 9, ny est pas pour rien. « Jai marqué 72 % des
buts de léquipe ! », senthousiasme lex-avant-centre.
Galvanisé par les résultats de son fils, Olivier-Richard lui décroche un stage
aux Girondins de Bordeaux. Une occasion en or ? Non, car le jeune prodige, en
pleine crise dadolescence, ne concrétise pas. « Je navais pas spécialement
envie de passer pro, alors, je ne me suis pas entraîné. » Les cadres bordelais
saperçoivent vite de sa médiocre condition physique. Carton rouge : laventure
sarrête là.
Il sen mord encore les doigts. « Si je pouvais revenir en arrière, je me
botterais les fesses, dautant que mon frère, lui, a réussi dans le foot »,
regrette-t-il. Ancien professionnel, Pascal Nouma joua en effet au
Paris-Saint-Germain, à lOlympique de Marseille et dans le club turc Besiktas.
Entre autres. Aimé sait quil a déçu les espoirs de nombreux fans. « Tout le
monde voyait en lui un futur international », se souvient Pélagie.
Début de la deuxième mi-temps. Rongé par la honte, Aimé Nouma sexile à Paris.
Il a 19 ans, il vient de rater son baccalauréat G3 (technique commerciale) et ne
songe quà faire la fête, à rencontrer des VIP et à… séduire les femmes. « À
partir du jour où mon père ma dit que jétais le plus moche de la famille, jai
eu besoin de paraître », confesse-t-il. Il vit damour, deau fraîche et, féru
de cinéma, rêve de crever le grand écran. Il décroche des rôles de figurant et
fait du doublage. Rien de concluant. En 1990, fatigué de « se chercher » et en
proie à une grave dépression, il écoute la voix qui lui souffle de retourner en
Afrique.
Direction Yaoundé, où il rencontre le chanteur Donny Elwood. Avec lui, Aimé
Nouma, qui snobait lécriture pour préserver son image rebelle, prend la plume.
« On écrivait des nouvelles, des séries télé… Jétais heureux car jexprimais
ce que javais en moi de créativité. » Mais « le Blanc » qui parle mal son
« patois » finit par quitter Donny Elwood et, plusieurs années durant, travaille
comme commercial pour une société dévénementiel et participe à la réalisation
de films institutionnels sur la pauvreté et le sida, financés par des
associations. Puis, un jour, il postule pour représenter le Cameroun dans
lédition internationale de lémission de télévision Questions pour un champion.
Il se qualifie et, en 1997, revient en France pour le jeu. Quil perd. Retour à
la case départ : manutention, doublage, figuration
Certes, à la demande de
Luc Besson, le producteur français à succès, il incarne un petit rôle dans Le
Baiser mortel du dragon, sorti en 2001. Mais lhorizon ne se dégage pas pour
autant.
Consolation : depuis son aventure camerounaise, il assume son goût pour
lécriture. À se demander même comment il a pu vivre sans ! « Quand jécris,
il ny a que ça qui compte, dit-il. Le temps nexiste plus, les soucis non plus.
Il reste juste le besoin de sortir quelque chose de soi. »
Match nul ? Larbitre finit par siffler les prolongations. « Lors dun
déménagement, lun des déménageurs, informé de ma passion pour lécriture, me
demande : “Tu connais pas le slam ?” » Un art métissant deux univers quil
apprécie : celui des poètes-chanteurs francophones Georges Brassens et Jacques
Brel et celui des rappeurs africains-américains 2Pac et Notorious BIG. Bon sang,
mais cest bien sûr !
Aimé Nouma griffonne, rature, réécrit. En décembre 2003, à lAbracadabar de
Paris, il « slame » pour la première fois. « Toi, tes un Black Titi de
Paname ! », lui lance, conquis, lun des animateurs. Dès lors, il multiplie
les scènes, intègre les collectifs Universlam et Planetslam, initie des jeunes à
son art et, un temps, anime lémission Slam parle de… sur la chaîne La Locale.
Le but n’est pas loin.
Un album bouclera la boucle en février 2010. Aimé Nouma, étonnant mélange
dassurance, dautorité et de réserve, y raconte les arrondissements de Paris
découverts au gré de ses relations amoureuses. Il évoque aussi la délinquance,
la prostitution et le devoir de mémoire. « Marianne, change de disque, cesse
donc dêtre amnésique », déclame-t-il de sa voix éraillée.
Père de trois enfants, dont deux nés au Cameroun, militant de la cause des
sans-papiers, il reproche aujourdhui à la France « davoir tiré profit des
immigrés et de minimiser aujourdhui leur apport ». Pour que le message
passe, point de termes tarabiscotés et place à lhumour. « Jai un langage
assez imagé, qui ne boude pas largot et le verlan. Jai envie quen mécoutant
les gens en aient plein les yeux et les oreilles, quils vibrent. »
Apparemment, ça marche. « Aimé a un sens du rythme et du swing imbattable,
lance, admiratif, le compositeur et musicien Yao Dembelé. Il y a beaucoup de
rappeurs quil pourrait mettre à lamende ! » Seul petit reproche, « sa
fringale de faire trop de choses en même temps. Parfois, je suis obligé de le
ramener à lessentiel ! »
La prochaine priorité dAimé Nouma ? Le Téléthon 2009 (4 et 5 décembre), un
programme télévisé récoltant des fonds pour combattre les maladies génétiques
rares. Il slamera à cette occasion Tous plus forts que tout, un titre travaillé
avec Yao Dembelé. Cest sa façon de se rapprocher des familles et des patients
dont, quelque part, il partage la douleur. Depuis une rupture danévrisme, en
2002, son père est en effet hémiplégique. Un drame qui a accru les échanges
entre les deux ex-footballeurs. Jadis avare de compliments, Olivier-Richard
nhésite plus à féliciter son fils. Pour lui montrer combien il est fier de
lui.
A voir aussi :
Tous plus forts que tout, slam d'Aimé Nouma et clip de camapgne du Téléthon 2009
Vidéo - Aimé Nouma parle de son engagement
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