La sous-préfecture de Douala

Le 23 avril 2007, par décret n° 2007/115, le chef de l’Etat, Paul Biya, créait 51 nouveaux arrondissements. Ce qui porte le nombre total de ces unités administratives à 319 sur l’ensemble du territoire. Les populations espéraient que leurs localités allaient immédiatement être pourvues en structures, infrastructures et responsables. Et que leurs peines allaient enfin être soulagées. Parce que dit-on, il faut rapprocher l’administration des administrés. Mais, un an plus tard, c’est le statu quo ante.

Les nouvelles unités administratives continuent d’être sous le commandement des sous-préfets et chefs de district pourtant territorialement incompétents. Paul Biya a alors créé des terres sans chefs. Certains anciens arrondissements ont été fractionnés en trois unités administratives. C’est le cas de l’ancien arrondissement de Kribi éclaté en arrondissement de Kribi 1er, Kribi 2e et de la Lokoundjé. Mais les 3 entités administratives continuent de vivre au rythme de l’arrondissement de Kribi 1er dont le chef-lieu est Massaka. Jean Claude Eloundou, l’ancien sous-préfet de l’ancien arrondissement de Kribi, continue seul d’assumer les fonctions de sous-préfet dans ces trois arrondissements.
Comme Jean Claude Eloundou, la plupart des « chefs de terre » sont des cumulards, comme si le Cameroun manquait d’administrateurs civils. Les sous-préfets des ex arrondissements de Kumba, Limbe, Ebolowa, Bafoussam, Bamenda, Garoua, Edéa, Nkongsamba, Maroua, Bertoua, Ngaoundéré, règnent encore, chacun en maître absolu sur 2, 3, 4 ou 5 unités administratives après l’éclatement. Ils y président des cérémonies de tous genres, organisent des tournées économiques et en récoltent des dividendes.

Il n’y a pas que les responsables qui ne sont pas encore nommés à la tête des nouvelles unités administratives. Celles-ci ne bénéficient jusqu’ici d’aucune infrastructure adéquate. Les populations des circonscriptions administratives concernées ne cachent plus leurs frustrations. « Quitter Elogbatindi qui est situé à plus de 60 km de Kribi pour y aller établir nos pièces officielles est un véritable budget pour nous. Nous dépensons 2.000 Fcfa pour le transport en plus de la pièce qui coûte 1.000 Fcfa, sans compter ce que nous devons manger et boire. Cela ne contribue pas vraiment à lutter contre la pauvreté, surtout qu’on nous avait fait savoir que le découpage favoriserait le développement», hurle de colère Mathieu Mang, originaire d’Elogbatindi.

Du politiquement correct

La dernière balkanisation du Cameroun cause d’ailleurs plus de problèmes aux populations qu’elle n’en résout. Il se pose un problème de délimitation des ressorts territoriaux de certaines unités administratives. Il y a des arrondissements qui traversent parfois deux autres pour retrouver une partie de leur territoire de l’autre côté. Que dire de ces localités appartenant à un arrondissement situé au milieu de deux autres localités appartenant à un autre arrondissement ?

L’éclatement des unités administratives avait certainement des visées politiques. En principe, la création de nouvelles unités administratives tient objectivement compte du territoire et du peuplement. Or on sait que le chef de l’Etat a fait le découpage alors que les résultats du recensement général de la population n’était pas encore publié. Qui plus est, on se demande si certains micro territoires que l’on a tout de même trouver les moyens de diviser davantage méritaient de l’être. En tout cas, l’acte du chef de l’Etat est intervenu au lendemain de la convocation du corps électoral pour les élections législatives et municipales du 22 juillet 2007. Il s’agissait de fournir aux militants du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), un argument de campagne qui attendait le retour d’ascenseur. Les résultats sont là. Mais, émietter le pays est une chose, l’équiper en infrastructures viables et déployer les services administratifs partout en est une autre.
Dans tous les cas, le démarrage effectif du fonctionnement des 51 nouveaux arrondissements devrait encore attendre longtemps. Leur mise en place ne rentrait pas dans les prévissions budgétaires. Ce n’était d’ailleurs pas une priorité pour le président de la République.

Les arrondissements créés il y a un an