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A la découverte du sultan Njoya
(22/02/2004)
Au Cameroun au début du 20è siècle, le jeune souverain Njoya inventa une écriture qui allait lui valoir une extraordinaire renommée.
Par Paul Yange
 Intelligent, ambitieux, innovateur en de nombreux domaines, Njoya ici photographié en 1912 est considéré comme un souverain exceptionnel
Intelligent, ambitieux, innovateur en de nombreux domaines, Njoya ici photographié en 1912 est considéré comme un souverain exceptionnel
En 1907, une revue missionnaire publiée à Bâle, "Der evangelische Heindenbote" diffuse la nouvelle qu’un jeune roi,un certain Njoya, souverain d’un royaume montagnard du Cameroun dont les habitants s’appelent les Bamoun,a crée une écriture.Cet accomplissement vaudra à son auteur une grande renommée.
Njoya commence à gouverner vers 1892/1896, vers l’âge de 19 ans (il est né en 1876). Arrivé sur le trône, il a écarté du palais comme le veut la tradition le 1er grand officier du palais, Gbetnkom, hérité de son père. Ce dernier, ne l’entendant pas de cette oreille, se soulève contre Njoya. Le jeune souverain décide de faire appel aux Peul du lamidat de Banyo à quelques 200 km du pays bamoun. Leur soutien et celui de leur cavalerie sera décisif puisqu’ils permettent à Njoya de gagner la bataille. Impressionné, Njoya décide de se doter des éléments qui forgent selon lui la puissance de ceux qui l’ont aidé à gagner.



Njoya se dote d’une cavalerie, demande au lamidat de Banyo de lui envoyer des marabouts pour l’initier à l’islam (il veut mâîtriser les rites qui lui paraissent plus puissants que ceux auxquels se livrent les Bamoun). Le 3è élément de cette puissance est l’écriture. Ayant vu un coran, ayant également été en contact avec les allemands, Njoya veut lui-même disposer d’une écriture et entreprend le projet d’en créer une. Le souverain bamoun réussira non seulement à créer une écriture, mais en plus à l’utiliser et à la répandre de façon à ce qu’elle soit accessible à tous.
La naissance de cette écriture est mythologisée comme suit : "un homme apparut en rêve au roi et lui ordonna de prendre une planchette, d’y dessiner une main, de laver son dessin et de boire l’eau. Le lendemain, le roi prit une planchette et but l’eau qui avait servi à ce lavage, comme cela lui avait été indiqué dans le songe".


 Le roi Njoya
Le roi Njoya
Njoya appela beaucoup de gens et leur dit : "si vous dessinez beaucoup de choses différentes, et que vous les nommiez, je ferai un livre qui parlera sans qu’on entende". Quelque temps après le roi appela ses gens : "eh bien ! leur dit-il, qu’avez vous pensé au sujet de ce livre ?" "Quoi qu’on fasse on ne réussira pas"- "Bien j’accepte ce que vous dites. Je veux pourtant essayer moi même et si je n’arrive pas, je laisserai ; allez dessiner des choses différentes et vous m’apporterez ce que vous aurez fait". Ils allèrent et firent ce qui leur était demandé, puis vinrent présenter leur travail au roi. Le roi lui-même avait fait des essais de son côté. Il appela Mama et Adzia pour qu’ils l’aident à comparer le travail qui avait été fait de part et d’autre. Par cinq fois, le roi essaya d’obtenir un résultat en vain. Ce fut à la 6ème tentative que l’écriture fut trouvée.
C’était le point de départ d’une invention qui allait valoir à Njoya un extraordinaire renom. L’écriture comptait au départ plus de 500 signes. Elle sera perfectionnée tout au long des années et connaîtra 6 transformations, la dernière intervenant vers 1918.

Dès 1911, l’écriture était commode à utiliser car le nombre de signe avait été ramené à 80. L’usage de l’écriture se répandit et le nombre de textes rédigés avec l’écriture royale augmenta. Njoya institua un bureau d’Etat-civil où l’on enregistrait les naissances, mariages, quelques recensements locaux. Les jugements du tribunal royal étaient également notés : on assistait à la naissance d’une véritable bureaucratie moderne.

 Une statue érigée en l'honneur de Njoya
Une statue érigée en l'honneur de Njoya
En quelques années, Njoya pris conscience des possibilités qu’ouvrait l'écriture. L’enseignement de ces écritures était diffusé dans les écoles qu’il avait fait ouvrir à cette époque. Il créa une école au palais, la "Bamun Schule des Häupling Ndschoya in Fumban".
C’est à cette époque que la rédaction systématique du livre de "l’histoire" (recensant l’histoire, les lois et les coutumes des Bamouns et de leur voisins) fut entreprise, bien que les collectes des traditions aient commencé quelques années plus tôt (il existe des textes relatifs à l’histoire des différents règnes rédigés dans le 3è alphabet). L’histoire que Njoya appela son magnum Opus (écriture royale) compte plus de 1 100 pages et sa réplique se trouve actuellement au Pitt-Rivers museum d’Oxford.

En 1912, Njoya décida d’etablir la carte du pays. Il accompagna l’expédition qui dura 52 jours et fit un relévé topographique des 2/3 du territoire. Le relevé fut achevé en 1920.
Parmi les autres accomplissements de Njoya, on peut noter qu’il accomplit une œuvre législative importante puisque selon "l’histoire", 78 changements furent apportés à la coutume : il abolit certains privilèges royaux et allégea les coutumes à caractère pénal en supprimant un grand nombre de règle dont la transgression était punie de la peine capitale (ceux qui mangent la chèvre du roi ou récoltent du vin de sa palmeraie cessent d’être condamnés à mort, les voyages à l’etranger sont autorisés...etc). Parmi quelques unes des autres réalisations de Njoya, on peut citer le domaine agricole, puisqu'il introduisit des plantes européennes en pays bamoun. Le roi Bamoun inventa également une religion inspirée à la fois de l’islam et du christiannisme...

 Njoya est le 17ème souverain de la dynastie bamoun
Njoya est le 17ème souverain de la dynastie bamoun
A la fin de la première guerre mondiale, les allemands, présents depuis 1900/1902 quittèrent le royaume bamoun, laissant la place à l’administration française qui allait se montrer plus aggressive à l’égard de Njoya. Ainsi selon un officier français en poste en pays bamoun, "Njoya était propriétaire des biens et des hommes (...) était un potental orgueilleux, luxurieux, un tyran théocratique qui avait inventé une religion". La vision que donnait l’officier français de Njoya était en complète opposition avec celle qu’avaient les allemands du souverain bamoun : le dernier gouverneur allemand du Cameroun, karl Ebermaier affirmait en effet : "Njoya fut le plus capable, le plus intelligent et le plus loyal de tous les chefs du Kamerun que j’ai appris à connaître ; il amena la prospérité dans son pays en développant l’agriculture, l’artisanant et le commerce, et fut pour tous un modèle".

De fait, les administrateurs français vont affaiblir Njoya qui sera privé de ses pouvoirs traditionnels vers 1924-1925, puis finalement arrêté et exilé à Yaoundé en 1931, en compagnie de quelque proches et de quelques fidèles. Il y mourra le 30 mai 1933.

Citons un des biographes de Njoya :

Le règne de Njoya dura près de 40 ans (dont 30 ans de gouvernement effectif) (...) Njoya pris personnellement part aux transformations. Non seulement il s’informait, et décidait, mais il travaillait dans des biens des cas, avec son entourage à la réalisation de projets. Il devint à la fin du 19è siècle cavalier, pratiqua l’islam, élabora une écriture, surveilla les plantations, visitait des ateliers d’artisans, assista aux séances scolaires, participa à l’élaboration de la carte du pays bamoun, et dicta les préceptes d’une nouvelle religion.

Njoya s’écartera des allemands, louvoiera avec les anglais, puis finalement se heurtera aux français et refusera de leur céder. Il n’aura pas davantage été l’allié fidèle et loyal qu’ont vu en lui les allemands qu’il ne sera devenu l’auxilliaire de la colonisation en quoi voulaient le transformer les français.

Il est à noter que Njoya avait également réussi à faire créer une imprimerie. Selon certains, il la détrusit lui même sous le coup de la colère. Selon d’autres, ce sont les administrateurs français qui détruisirent son imprimerie et interdirent l’usage de l’écriture Bamoun (craignant qu'elle serve de facteur unificateur à une possible rebellion), qui deviendra hors d’usage.

Njoya nous a une fois de plus surpris : ce remarquable africain, à l’esprit constamment en éveil, trouve toujours quelque chose de nouveau et entretient chez ceux qui l’entourent une émulation constante (...) sa dernière réalisation est la création d’un grand atelier de tissage et de teinture. (Marie Pauline Thorbecke "auf der Savane Tagebuch einer Kamerun-reise", 1914)










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