La situation du secteur des hydrocarbures est aussi contrastée qu’incertaine. La production pétrolière décline, tandis que de grands espoirs se fondent sur des perspectives gazières prometteuses. En même temps, les possibilités de relance de la production pétrolières existent, mais restent difficiles à mettre en œuvre sans une volonté politique forte.
Lancée en 1977 après plusieurs années de prospections, menées par le Bureau français des recherches pétrolières d’alors, l’exploitation pétrolière s’est développée sur deux bassins Offshore sur la côte ouest camerounaise. Le bassin du Rio Del Rey, contiguë aux champs pétroliers nigérians, a toujours connu une nette domination de la défunte Elf, puis de Total Fina Elf. Au total, et à la faveur du toilettage de la législation pétrolière, une dizaine de firmes opèrent dans l’exploration et la production.
Total E&P, Pecten, Perenco, Phillips, Nomeco, Turnberry et Euroil ; Fusion Oil and Gas (Australie) et Rsm, filiale de Grynberg Petroleum (Usa). Ces opérateurs interviennent sur tous les 38 champs en activité ; mais, les autorités camerounaises ne désespèrent pas de relancer la production. “l’histoire pétrolière du Cameroun est loin d’être close, ” aime à répéter Adolphe Moudiki, l’administrateur directeur général de la Snh.
Un avis partagé par le Fonds monétaire international : “ La production camerounaise devrait diminuer à moyen et à long terme, mais le rythme de cette diminution demeure incertain. La production pétrolière a chuté de moitié au cours des deux dernières décennies. Cependant, grâce aux dernières découvertes, la production devrait augmenter de 5 % en 2006-20007, et rester stable sur 2008-10 ”. Le temps pour les autorités de distribuer d’autres permis de recherche.
Classé septième producteur d’Afrique sud-saharienne, le Cameroun a vu sa production décliner de manière vertigineuse, ce qui a entraîné à la modification de loi pétrolière dans le sens de l’assouplissement. Cette loi introduit principalement la notion de partage de production, et renforce l’implication, y compris financière, de la Société nationale des hydrocarbures (Snh), dans les travaux de prospection.
Cette législation attractive a permis le lancement de recherches dans le bassin Douala Kribi Campo, aux frontières de Guinée équatoriale, où le Cameroun espère trouver des gisements d’envergure. Le premier champ pétrolier, mis en exploitation dans cette zone, est celui d’Ebomé au large de la ville balnéaire de Kribi, baptisé champ marginal, du fait de son faible potentiel.
Même le forage des puits dans cette nouvelle zone n’a pas encore permis au Cameroun d’inverser la tendance de sa production. Au total, la production camerounaise est passée de 10 millions de tonnes par an en 1985 à un peu moins de 5 millions de tonnes aujourd’hui.
Tendance à la déprime
Cette tendance à la déprime de la production pétrolière a d’ailleurs déteint sur l’industrie pétrolière locale ; notamment la Société nationale de raffinage qui a risqué la faillite, ces dernières années, tandis que le Cameroun affrontait de brèves, mais sérieuses pénuries de produits pétroliers raffinés. Les équipements de la Société nationale de raffinage sont de type dit hydroskeaming (à distillation atmosphérique) qui traite essentiellement des types de pétrole riches en produits légers, qui ne produisent pas beaucoup de résidus.
Or, dans le même temps, le pétrole camerounais est réputé lourd, et pauvre en produits légers (pétrole lampant, carburant, etc). De fait, la Sonara, l’usine à capitaux mixtes de raffinage, se trouve obligé d’importer, aux cours mondiaux, le pétrole brut nécessaire à son activité de raffinage. Un spécialiste de la filière pétrolière camerounaise confirme : “ Une partie seulement, la moins importante des approvisionnements de la Sonara en pétrole brut, est assurée par la Snh qui les facture à la raffinerie suivant les cours observés au niveau du marché mondial, l’autre partie, la plus importante, étant importée ”.
En 2004, par exemple, le pétrole brut camerounais représente à peine 14 % de l’ensemble des stocks traités par la Sonara. Le Cameroun importe le pétrole brut du Nigeria, pour alimenter son usine ; mais, en cas de pénurie, il est arrivé que le pétrole raffiné soit acheté pour alimenter le marché.
Dans le même temps, la Sonara, mise à contribution par l’Etat pour tenter d’endiguer la hausse des prix intérieurs des produits pétroliers, s’est rapidement retrouvée en difficulté.
Elle ne pratiquait plus des prix sortie usine en rapport avec l’évolution du marché. “ Cette situation a lourdement pesé sur la trésorerie, non seulement de la Sonara, qui a enregistré d’importants manques à gagner financiers sur les prix des produits pétroliers à la sortie de la raffinerie, mais également de la Csph qui a dû procéder à des réajustements successifs à la baisse du taux de péréquation transport ”, explique un responsables de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (Csph).
Par conséquent, au cours des 18 derniers mois, la Sonara a dû subir un manque à gagner de 14,6 milliards de F Cfa, pour maintenir les prix du carburant à la baisse ; tandis que, dans la même période, le manque à gagner, subi par la Csph, se situait à 8,2 milliards de francs Cfa. L’Etat a donc dû se résoudre à indexer les prix intérieurs sur les cours internationaux.
Sur les marchés internationaux, le pétrole camerounais n’est certainement pas le plus couru déjà par son origine au Golfe de guinée. “ Dans le Golfe de guinée, les bruts, s’ils ne sont pas proches du brent, ne présentent une décote moyenne que de 1 à 2 dollars par rapport au brent ”, indique l’observatoire de la gestion des revenus pétroliers dans une lettre récente.
Mais au niveau du Cameroun, cette décote semble aggravée du fait d’une qualité peu prisée, comme en témoigne cette note de conjoncture du Fonds monétaire internationale (Fmi), datant de 2005 : “ Les bruts camerounais sont des bruts lourds, et la décote par rapport au brut de référence Weo (World Energy Outlook) s’est récemment accrue. Les capacités de raffinage mondiales existantes privilégient le brut léger ces temps derniers ; ce qui a cause une augmentation sensible des écarts léger-lourd.
Au Cameroun, le décote par rapport au Weo de référence a atteint 5 dollars Eu par baril au dernier trimestre 2004, au lieu de 2 dollars Ue par baril en moyenne antérieurement ”. Pourtant, le pétrole reste de loin le principal produit d’exportation du Cameroun, représentant près de 45 % des recettes d’exportation, et surtout faisant rentrer plus de 250 milliards de francs Cfa dans les caisses de l’Etat. Pour l’instant, les pays de la communauté européenne, principalement la France et l’Espagne, se partagent la production camerounaise avec la Chine et les Etats-Unis.
Cette chute vertigineuse préoccupe les autorités, qui ont distribué plusieurs permis de recherche ces dernières années. Si aucune découverte majeure, pouvant reverser la tendance de la production n’a encore été faite, le bassin Onshore du Logone Birni (dans le voisinage des champs pétroliers de doba au Tchad), offre d’intéressantes perspectives de production d’huiles brutes de pétrole, si on en croit les données sismiques acquises sur le terrain, et récemment rachetée par des firmes chinoises, pour poursuivre les recherches.
Au total, une dizaine de permis de recherche ont été distribués ces deux dernières années aux firmes déjà présentes dans l’exploitation, pour tenter de stopper la baisse de la production.
Code gazier
Autre mesure envisagée par le Cameroun, pour relancer sa production pétrolière, la restauration de la souveraineté du Cameroun sur la presqu’île de Bakassi, en partie occupée par les forces nigérianes depuis plus de 10 ans. En 2002, la Cour internationale de justice saisie par le Cameroun avait rendu un arrêt confirmant la souveraineté du Cameroun sur cette presqu’île réputé riche en pétrole et en ressources halieutiques.
Malgré l’intermédiation de l’Onu, qui s’est impliquée, au plus haut niveau, le Nigeria n’a que symboliquement retiré ses troupes. D’autant que le pétrole présent dans cette zone maritime frontalière entre les deux pays, est de grande qualité, contrairement au pétrole lourd vendu par le Cameroun avec une grande décote.
Toujours pour relancer le secteur des hydrocarbures, les autorités camerounaises ont également publié un code gazier, qui devrait permettre l’exploitation du gaz naturel Cameroun dont le potentiel est estimé à quelque 300 millions de m3, non compris le gaz torché sur les plates-formes pétrolières. Selon les chiffres officiels, les réserves de gaz naturel prouvées s’évaluent à 156 milliards de m3, ce qui représentent déjà quelque trente ans d’exploitation.
A quoi il faut ajouter 110 milliards de m3 supplémentaires estimés par les firmes spécialisées. Ces chiffres, d’ailleurs, ne correspondent qu’au Gaz non associé, extrait du sous-sol en l’état. Car, le Cameroun étant producteur de pétrole, ses champs pétroliers évacuent annuellement dans la nature, et en pure perte, environ 1 milliard de m3 de gaz naturel torché. La technologie, permettant de récupérer ce gaz inutilement brûlé, existe, et il est d’autant plus urgent de s’en procurer que l’environnement en est perturbé lors de la combustion.
Au total, estime la Société nationale des hydrocarbures, qui gère les intérêts de l‘Etat dans ce secteur, “ les réserves prouvées sont de l’ordre de 157 milliards de m3 pour un potentiel de 270 à 300 milliards de m3. Néanmoins, les opportunités de monétisation de cette ressource se profilent à l’horizon, aux plans national et sous-régional. Des axes de développement ont été identifiés, notamment dans la génération de l’énergie électrique et l’approvisionnement des industries en gaz et la production de Gpl ”.
Une centrale thermique à gaz est en cours de construction à Kribi, pour résorber le déficit d’énergie électrique. Elle devrait fonctionner au gaz. A côté de ces ressources d’hydrocarbures, le sous sol camerounais regorge de bien d’autres denrées minières, qui pourraient d’ailleurs compenser le manque à gagner causé par la baisse de la production pétrolière.
Source: La Nouvelle Expression
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