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Sur le trottoir : Takala et Muyenga
(29/08/2006)
Takala : Bonjour, mon cher. Tu sais bien que je ne t’aime pas beaucoup, mais je n’accepte pas que nous restions longtemps sans nous voir.
Par Le Messager
Takala : Bonjour, mon cher. Tu sais bien que je ne t’aime pas beaucoup, mais je n’accepte pas que nous restions longtemps sans nous voir.
Muyenga : Et ton problème avec moi, c’est quoi ?

Takala : C’est que quand je cause avec toi, j’apprends beaucoup de choses. Malheureusement, tu ne sais pas que toute vérité n’est pas bonne à dire.
Muyenga : Tu as déjà vu, toi, un dictionnaire qui a listé les vérités qui sont bonnes à dire ?

Takala : Pas encore. Mais, je sais que la vérité blesse.
Muyenga : Est-ce que la vérité peut blesser plus que le mensonge qui tue ?

Takala : Ça, c’est du toi tout craché ! Maintenant, dis-moi pourquoi un homme peut choisir de se suicider en abandonnant femme et enfants pour éviter d’aller en prison alors qu’il n’est même pas encore jugé !
Muyenga : Un homme comme qui, par exemple ?

Takala : Comme ce caissier du Chantier naval qui s’appelait Ngu’ Samuel, et que, semble-t-il, des feymen auraient poussé à se suicider.
Muyenga : Tout dépend des raisons pour lesquelles il est menacé d’aller en prison…

Takala : Ecoute : on dit qu’il a écrit à sa famille avant de se tuer. Il aurait, selon ses proches, décaissé 34 millions de Fcfa destinés au paiement de jetons de présence des membres du Conseil d’administration du Chantier naval qui devait avoir lieu dans les 48 heures suivantes, mais dans la soirée, le chauffeur du directeur général – qui était au courant, comme par hasard – se serait pointé chez lui, le caissier, accompagné des inconnus qui seraient parvenus à le flouer de cet argent pour s’enfuir.
Muyenga : Que voilà un conte à dormir debout ! Et pourquoi un homme aussi imaginatif aurait-il oublié de prévenir plutôt la police ?

Takala : Personne ne l’explique. Par contre, on dit qu’il aurait “ préféré se suicider pour échapper à la honte… ”, “ le temps matériel pour remplacer la somme emportée s’étant avéré trop court ”.
Muyenga : Tu aurais pu m’épargner la question, puisqu’on te dit qu’il s’est suicidé pour échapper à la honte.

Takala : D’accord, mais je voulais te donner cette information pour avoir ton jugement sur un tel comportement, parce que je ne comprends pas la logique de l’histoire. D’abord, combien y a-t-il de membres de conseil d’administration du Chantier naval, pour qu’on doive leur payer 34 millions de Fcfa de jetons de présence ? Ensuite, pourquoi le chauffeur du directeur général était-il dans la confidence du décaissement ?
Muyenga : Tu connais bien le dicton selon lequel “ une faute avouée est à moitié pardonnée ”, non ?

Takala : Je le connais.
Muyenga : Tu connais aussi, je suppose, le principe de droit qui veut que tout suspect soit présumé innocent jusqu’à ce qu’un jugement établisse sa culpabilité, non ?

Takala : Tout à fait. Ta supposition n’est pas fausse.
Muyenga : Si quelqu’un se tue pour échapper à la honte, cela veut dire qu’il avait une très haute idée de lui-même, n’est-ce pas ?

Takala : C’est à croire.
Muyenga : Et qu’il devait soigner sa réputation en conséquence, n’est-ce pas ?
Takala : Il faut le croire aussi.
Muyenga : Alors, comment pouvait-il, en dépit de l’épée de Damoclès que représenterait l’opération Epervier sur la tête des gestionnaires et caissiers de l’Etat, transporter 34 millions d’une caisse d’entreprise pour entreposer à son domicile comme si le Conseil d’administration allait se tenir chez lui dans la nuit ? Et comment pouvait-il être aussi convaincu qu’il irait en prison ou aurait à subir la honte de quelque manière que ce soit si les choses n’avaient pas seulement mal tourné pour lui ?

Takala : Je vois que tu veux m’amener à conclure que, soit il a été braqué, soit il a été suicidé… et pourquoi pas sur ordre ?
Muyenga : Ah ! Ce n’est pas moi qui t’y amène, hein ! C’est ton choix. Ma conclusion à moi va plutôt t’amuser, parce qu’elle affirme le contraire de ce que beaucoup de Camerounais croient.

Takala : Et qu’est-ce que beaucoup de Camerounais croient ?
Muyenga : Que la prison est la seule réponse à la délinquance. Désormais il suffit de se suicider pour y échapper. Surtout que de cette manière on peut résoudre pas mal de problèmes.

Takala : Quels problèmes peut-on résoudre en se suicidant, alors qu’on laisse peut-être des veuves et des orphelins ?
Muyenga : Justement !… Sachant que la responsabilité pénale est individuelle, et que le tribunal n’irait pas poursuivre sa famille pour le délit dont il est accusé, l’un des prévenus de l’opération Epervier racontait dernièrement, à un de ses visiteurs, que même si on le condamnait à mort, sa famille “ ne sera plus jamais démunie ”. Ensuite, il faut dire que “ suicider ” ou laisser se suicider les suspects et prévenus des délits criminels permettrait de diminuer la population carcérale du Cameroun dont le taux de croissance annuel dépasse les 10 %.

Takala : Mais, dans ce cas-là, l’un des voyous qui ont braqué ou “ suicider ” le caissier du Chantier naval aura donné un meilleur exemple…
Muyenga : Ah bon ? Et en quoi faisant ?

Takala : Après que la police ait mis aux arrêts le chauffeur du Dg du Chantier naval et deux de ses complices, l’un d’eux a tout simplement et mystérieusement disparu de la prison de New-Bell.
Muyenga : Ahan ! Ça fait toujours deux habitants en moins dans ce cajibi construit avant l’indépendance du Cameroun pour contenir moins de 1000 prisonniers, et dont les chiffres officiels à fin juillet 2006 indiquent une population carcérale de 3469 personnes, parmi lesquelles seulement 748 condamnés.

Takala : Mais, comment ?… Si sur les 3469 prisonniers, il n’y a que 748 condamnés, les autres font donc quoi à New-Bell ?
Muyenga : Les 2711 autres sont des prévenus en attente de leur jugement, ou des gens qui ont fait appel de leur jugement en première instance et attendent la cour d’appel. Certains y vivent dans cette attente depuis une durée allant de 6 mois à plus de 15 ans, dans des conditions de précarité, d’insalubrité et de promiscuité dont tu ne devineras jamais l’inhumanité.

Takala : Mais, mon frère, que font les juges de Douala pour qu’il y ait tant de gens et depuis tant de temps sans jugement ?
Muyenga : D’abord, Douala n’est pas seule dans ce cas. La prison de Kondengui à Yaoundé est peuplée de 3663 (27/07/2006) détenus dont 2281 sont des prévenus. C’est-à-dire des innocents ou des non coupables qui paient de leur liberté, et sans attendre réparation, pour des délits ou des crimes dont ils sont seulement suspectés. Et puis, mon ami, dis-toi que ce n’est pas une affaire de juges, même si je ne leur donnerais pas le Bon Dieu sans confession !

Takala : D’où vient le problème alors ?
Muyenga : Je ne vais certainement pas te plaire, mais le problème est politique. Il y a un déficit de politique judiciaire qui se traduit concrètement par l’inexistence des juges d’instruction criminelle, par l’insuffisance des juges de siège, et de greffiers pour enrôler les dossiers et matérialiser les jugements. Et la poignée de personnels judiciaires que se disputent les 3,5 millions de justiciables de Douala, par exemple, manque chroniquement de matériel de travail. Alors, je crois que c’est dans le camp du parti au pouvoir que se trouve la balle.

Takala : Je savais que tu en finirais là. Alors, termine tranquillement ta bière et… à plus !


Source : Le Messager






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