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“Le poulet congelé tue la production locale”
(18/01/2006)
José Bové : La souveraineté alimentaire, c'est le combat de l'heure
Par Emmanuel Gustave Samnick

Il fut exclu du lycée, accusé d'avoir fait, dans une dissertation, l'apologie de la drogue. Il a été activiste de Greenpeace contre la reprise des essais nucléaires français dans l'Océan pacifique.


M. Bové a été condamné plusieurs fois par la justice pour avoir démonté un restaurant Mc Donalds, détruit des semences transgéniques ou arraché des plantes dans des champs d'essai des Organismes génétiquement modifiés (Ogm). Ce syndicaliste agricole français de 55 ans qui mène à travers la planète un combat contre la mondialisation libérale, les Ogm et la "malbouffe", a quitté ses brebis dans le Larzac cette semaine pour venir appuyer l'action de l'Ong camerounaise, Acdic, contre l'importation massive du poulet congelé. Dès sa descente d'avion dans la nuit de lundi dernier, il s'est confié à Mutations.

Quelles sont vos premières impressions, à votre arrivée au Cameroun?
Je suis là seulement depuis quelques heures, et j'arrive la nuit. J'ai eu quelques problèmes à l'aéroport de Yaoundé parce que je n'ai pas pu obtenir mon visa à Paris. Mais bon, tout est rentré dans l'ordre parce que les autorités locales ont été compréhensibles. Je suis heureux d'être ici parce que j'avais discuté avec Bernard Njonga, pendant le sommet de l'Omc à Hong-Kong, de cette importante question de la souveraineté alimentaire qui est la question centrale dans le monde aujourd'hui et particulièrement en Afrique. Les populations doivent pouvoir se nourrir avec leur propre agriculture, sans être victimes du dumping.

Le poulet congelé, contre lequel vous deviez participer à une marche à Yaoundé, est-il une grosse préoccupation?
Malheureusement je connais bien cette question du poulet congelé pour avoir participé à la campagne en France et en Europe contre les exportations de poulets congelés qui viennent de l'Union européenne et notamment de la France.
Je suis venu ici, au nom des paysans français, pour dire que c'est un scandale et une honte, et que les paysans français étaient solidaires de leurs frères camerounais qui ont refusé cette logique d'importation à bas prix en dessous des coûts de production des paysans locaux, et qu'en même temps ces produits étaient quelque chose de dangereux pour la santé. Ce sont des poulets produits de façon industrielle et qui arrivent au Cameroun après une rupture de la chaîne de froid qui n'est pas sans conséquence sur le plan sanitaire. Ce poulet congelé importé d'Europe est donc une catastrophe autant pour les producteurs locaux que pour les consommateurs et l'économie nationale.

Ce combat que vous menez à travers le monde contre la toute puissance des lobbies capitalistes et la mondialisation des échanges peut-il réellement porter des fruits?
Je peux dire que c'est une action efficace. Aujourd'hui, on voit clairement que les choses avancent. La première fois qu'on a parlé de la souveraineté alimentaire, c'était en 1996 à Rome au sommet de la Fao. A ce moment là, personne n'y croyait. Désormais, dans tous les grands rassemblements internationaux, tout le monde, même le secrétaire général de l'Onu, reconnaît le droit à la souveraineté alimentaire qui doit être inscrit dans les droits fondamentaux des peuples, à côté des droits civils et politiques, des droits socio-économiques et culturels. De plus en plus, on constate que la société civile est porteuse de ces revendications là.
En venant ici, c'est aussi pour apporter mon soutien à la société civile africaine qui est réellement forte et qui ne cesse d'apparaître comme un acteur important dans la régulation de la vie des populations.

Comment êtes-vous arrivé à ce combat?
J'y suis arrivé par la logique de mon exploitation agricole. Moi je suis producteur de brebis; je fais du lait de brebis que je transforme en fromage... Quand on a créé notre syndicat, la Confédération paysanne, on s'est rendu compte que la politique agricole en vigueur était dangereuse, parce qu'elle permettait qu'on exporte de plus en plus en éliminant les paysans. C'est ce qui nous a emmenés à dire qu'il faut changer complètement les règles de la politique agricole européenne, qui tue les paysans chez nous mais qui a aussi des effets catastrophiques sur d'autres peuples, comme on le voit avec le poulet congelé, lequel empêche les producteurs du Sud de vivre de leur production.

Vous qui voyagez beaucoup, pensez-vous que les paysans sont de même condition partout?
Il y a de très grandes disparités en termes de productivité. L'échelle est grande par exemple entre le producteur de céréales du bassin parisien et son homologue du Cameroun. Mais partout dans le monde, les paysans sont les premières victimes de la mondialisation et de l'industrialisation de l'agriculture. Or, si on regarde de près la situation on verra qu'il y a aujourd'hui 1,5 milliards de paysans dans le monde soit 55% de la population globale. Mais il n'y a que 28 millions de paysans qui ont un tracteur, tandis que 1,3 milliard travaillent avec des outils manuels. Pour moi, la question de l'agriculture et la question de l'eau sont les principales questions actuelles de l'humanité.

Quel discours êtes-vous venu tenir au consommateur camerounais?
C'est un message de solidarité. Je partage le combat des producteurs et des consommateurs camerounais. Les consommateurs ont un rôle essentiel dans le combat des paysans. Ce sont leurs choix alimentaires et leurs choix d'achat qui peuvent entraîner une prise en compte de la réalité paysanne, de la souveraineté alimentaire. Les consommateurs doivent boycotter les poulets de carton et s'engager de manière très claire dans l'achat de la production locale. Ceci crée de l'emploi et maintient un niveau sanitaire correct.
A force de parcourir le monde pour mener ce rude combat contre les effets pervers de la mondialisation, est-ce que vous vous occupez encore de vous-mêmes?
C'est un combat exaltant, mais je ne m'oublie pas. Jusqu'à hier (Ndlr: dimanche 15 janvier), j'étais encore dans ma ferme où, avec mes associés, on est en train de construire un bâtiment agricole pour mettre nos brebis. L'agnelage c'est bientôt: les agneaux vont naître en début février. C'est donc un peu une course contre la montre entre le combat international et ma ferme privée, mais comme les paysans sont solidaires, ensemble on arrive à la faire.

Source: Quotidien Mutations


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