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Chronique : Et si l'Afrique refusait le développement ?, d'Axelle Kabou
(25/12/2005)
1990 : une Camerounaise du nom d'Axelle Kabou publie un livre qui va retentir comme un coup de tonnerre. Il est intitulé "Et si l’Afrique refusait le développement".
Par Paul Yange

Axelle Kabou : « Le sous développement de l’Afrique n’est pas du à un manque de capitaux. Il serait naïf de le croire. Pour comprendre pourquoi ce continent n’a cessé de régresser, malgré ses richesses considérables, il faut d’abord se demander comment cela fonctionne au niveau micro-économique le plus élementaire : dans la tête des africains. »

Et si l’Afrique refusait le développement ? Retour sur un livre majeur paru il y a déjà 15 ans...

Dans ce livre, Axelle Kabou stigmatise les mentalités africaines et ajoute que depuis Levy Bruhl, critiquer les mentalités africaines relève du tabou. (Lucien Levy Bruhl est un intellectuel français qui expliquait le retard technologique des non occidentaux par leur mentalité "prélogique". Sa thèse lui survécut bien qu’il l’ait reniée à la fin de sa vie NDLR).

Axelle Kabou va à l’encontre de tout ce qui se dit généralement concernant le développement de l’Afrique et appuie là où ça fait mal. Elle pointe du doigt les responsabilités africaines et se demande même si "la volonté de développement des africains n’est pas un mythe". Elle donne comme exemple le projet panafricain de Nkrumah, torpillé par les dirigeants africains eux-mêmes, soucieux de jouer leurs cartes personnelles et de conserver leurs "territoires".

Kabou cite Nkrumah : « Nous sommes, dit-il entré dans un monde où la science a transcendé les limites du monde materiel où la technologie a envahi les silences mêmes de la nature. Le temps et l’espace ont été réduits au rang d’abstraction sans importance. Des machines géantes tracent des routes, ouvrent les forêts à l’agriculture, creusent des barrages, construisent des aérodromes (...) le monde n’avance plus au rythme des châmeaux ou des ânes. Nous ne pouvons plus nous permettre d’aborder nos problèmes de développement, de besoin de sécurité, au rythme lent des châmeaux et des ânes! » Selon Kabou, Nkrumah a le culot de reconnaître avec le colonisateur que l’Afrique est arriérée et de le dire sans ménagement. (p 37) et c’est justement ce que les africains ont du mal à faire...


Le livre d'Axelle Kabou paru en 1990
Le livre d'Axelle Kabou paru en 1990
Axelle Kabou continue : au bout de 30 années consacrées à détruire les prégugés du colonisateur, l’Afrique, pour n’avoir fait que cela, s’est terriblement momifiée et a attrapé des tics regressifs dont elle se débarrassera difficilement. A part le débat supériorité/infériorité du Blanc sur le Noir, quoi de neuf? "Le monde entier a reconnu l’innanité des thèses qui faisaient des africains des primitifs depuis les années 30 au moins. On peut donc se demander s’il est vrai que l’africain alphabétisé en 1990 continue de fonder des réactions au développement sur des propos racistes datant de la seconde moitié du XIXè siècle tant la chose paraît invraisemblable. Or loin d’être un faux débat, le problème de la supériorité ontologique du Blanc sur le Noir est resté d’une incomparable actualité en Afrique Noire".

Le refus du développement, présent dans les têtes africaines se manifeste encore par ce qu’elle appele une "idéologie parasitaire". Elle donne comme exemple : "Je suis Noir. Le Noir n’a pas inventé l’ordinateur. L’ordinateur est donc anti-africain." Ou encore : "La technique dégrade la vie familiale et les rapports humains. Les Occidentaux eux même le disent. Donc l’Afrique doit rejeter la technique". (p 93)

Selon Axelle Kabou, les africains alphabétisés ont été dressés "pour percevoir la tradition et la modernité comme des valeurs conflictuelles". "Appliquée à l’Afrique d’aujourd’hui, la notion d’ aliénation culturelle est un mythe ayant pour fonction d’instaurer un climat de résistance à la pénétration d’idées nouvelles dans les mentalités". (p 94). Qui plus est, pour Axelle Kabou, les africains ne sont pas préparés à revivifier leurs valeurs de civilisation par des apports extérieurs ou par la recherche scientifique :

"La vérité c’est que les africains n’y ont pas été préparés, au contraire". "L’image d’un Japon se développant par entrisme, ingurgitant fiévreusement tous les éléments exogènes susceptibles de le hisser au rang de puissance mondiale, investissant autant que les puissances industrielles dans la recherche scientifique, ne s’applique pas à l’état psychologique actuel de l’Afrique. L’Afrique hait les chercheurs (...) Or en trente années d’indépendance, l’Afrique n’a toujours pas effectué l’inventaire de ses valeurs traditionnelles objectivement dynamiques qui pourraient, non seulement constituer le fondement solide de politiques cohérentes de développement, mais aussi servir à minimiser les effets pervers de la domination extérieure".

La version allemande du livre de Kabou
La version allemande du livre de Kabou
Autre point soulevé par Kabou : la vision qu’ont les africains de la colonisation et de la traite négrière. "la lecture africaine de la traite négrière et du fait colonial est d’un simplisme ahurissant : j’étais tranquillement chez moi lorsque je vis arriver un homme de couleur blanche qui me demanda l’hospitalité et profita de ma gentillesse pour me déposséder de mes biens, tuer les miens et les réduire à la domesticité. Par conséquent, je porte plainte et j’exige des réparations". (p 105)

Axelle Kabou rappelle sans ménagement que "tout peuple est, en première et en dernière analyse, responsable de l’intégralité de son histoire, sans exclusive". Plus loin : "la question n’est-elle pas plutôt de savoir ce qui, en dehors de la morale pourrait bien obliger un occident puissant à payer des dettes coloniales et surtout à faire passer l’intérêt de l’Afrique avant le sien". ( p 114)

Elle argumente en disant que les africains posent en fait les mauvaises questions du genre "la colonisation a t-elle été une bonne ou une mauvaise chose ?". Là n’est pas l’essentiel du débat selon elle. Il faut prendre acte de la colonisation et passer selon elle à autre chose.

Comparant l’Afrique et le Japon, elle relève que le Japon, a su conserver sa culture tout en s’engageant dans la voie de l’industrialisation bien que ne possèdant aucune richesse dans son sous-sol contrairement aux pays africains. "Depuis que le relativisme culturel a été inventé" (c’est à dire qu’il est grosso modo admis que toutes les cultures se valent), les africains en profitent pour dénigrer "la robotisation, le machinisme, l’industrialisation à outrance dont seraient victimes les pays riches". Kabou souligne pourtant que cette industrialisation est source de richesse, et que les africains feraient mieux de se retrousser les manches et de s'y lancer, au lieu de tomber dans le piège du relativisme culturel. Bref, les africains devraient regarder du côté de l'Asie.

A sa sortie, le livre irrita beaucoup dans les cercles intellectuels africains. Son auteure fut taxée de "traîtresse" de l’Afrique ou de "voix de ses maîtres blancs". Pourtant, force est de noter qu’il demeure d’une actualité étonnante bien qu’ayant été publié il y a 15 ans. Un grand nombre des points soulevés par Axelle Kabou demeurent encore valables aujourd’hui...

Les citations d'Axelle Kabou...

« Tout peuple est responsable de l'intégralité de son histoire, sans exclusive. »

« Tout se passe comme si l’africain d’aujourd’hui ne se concevait d’ancêtres que de l’envergure de Soundiata, de Samory ou de Chaka. Le village réel paraît le mettre mal à l’aise parcequ’il manque d’éclat. »

« Ainsi, l’enfant africain, qui, avant sa scolarisation, fait preuve d’une grande curiosité et montre de remarquables capacités d’observation et d’invention en fabriquant lui-même ses jouets, devient, dès les premiers jours d’école, une sorte de petit veau nourri au lait de la traite négrière, de la résistance à la colonisation, et, en grandissant, ne reste que cela. »

« L'Afrique en est encore à se comporter comme si toutes ses valeurs étaient dignes d'être conservées. »

« L’Afrique au contraire du Japon situe ses références narcissiques si loin dans le temps qu’elle ne peut transformer sa fierté culturelle en moteur de développement. »







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