Malgré les sacrifices déclarés de la Sonara et de la Csph, les prix des produits pétroliers ne cessent de grimper. De quoi craindre pour la stabilité, à terme, de l’économie camerounaise.
On n’en sort plus. Depuis que le gouvernement a cédé, en juillet dernier, à la pression des bailleurs de fonds en laissant les prix locaux des produits pétroliers s’ajuster mensuellement aux cours mondiaux, les cours des produits pétroliers ne cessent de grimper. En quelques mois, c’est près de 30 francs qui se sont ajoutés au prix du litre de l’essence super, aujourd’hui vendu à 529 F Cfa le titre. La tendance n’est pas près de s’arrêter, car même si certains facteurs conjoncturels liés aux catastrophes naturelles semblent avoir contribué au renchérissement du cours du pétrole répercuté chez nous dans les essenceries, les facteurs structurels qui tirent les cours mondiaux du pétrole vers la hausse persistent. Pour ce mois d’octobre, la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures explique la hausse des prix par une conjugaison de facteurs de diverses origines. “ Cette envolée des cours internationaux est essentiellement due à : L’Ouragan Katrina qui a entraîné la destruction ou l’arrêt de la production de plusieurs plates-formes pétrolières dans le Golfe du Mexique, ainsi que la fermeture de plusieurs raffineries en Louisiane, au Mississipi et dans l’Alabama, représentant près de 8 % de la capacité totale de raffinage des Etats-unis ; La baisse d’environ 800 000 barils, des stocks de produits pétroliers raffinés aux Etats-Unis d’Amérique ; L’offre insuffisante des bruts légers non sulfureux plus adaptés aux vieilles raffineries ; La demande mondiale en produits pétroliers toujours soutenue face un déficit des capacités mondiales de raffinage ”.
Variation des courts
Selon les conjoncturistes de la Csph, ces facteurs ont conduit les cours de différentes variétés de brut à connaître une hausse moyenne de 16 % avec des pics pouvant atteindre 22 % de hausse pour certaines variétés plus prisées. En toute logique, en tant que producteur de pétrole brut, le Cameroun n’aurait pas dû être gravement affecté par ces variations des cours du pétrole brut sur les places internationales, aiment à penser certains Camerounais. Problème, la structure même du secteur pétrolier local le rend largement tributaire des influences extérieures. Cette extraversion du secteur pétrolier national se traduit en deux déclinaisons fondamentales. Le pétrole camerounais est presque entièrement exporté, tandis que la Sonara doit importer d’autres variétés de pétroles, aux cours du marché, pour alimenter ses usines. Par exemple, les équipements de la Société nationale de raffinage sont de type dit hydroskeaming (à distillation atmosphérique) qui traite essentiellement des types de pétroles riches en produits légers, qui ne produisent pas beaucoup de résidus. Or dans le même temps, le pétrole camerounais est réputé lourd et pauvre en produits légers (pétrole lampant, carburant, etc).
De fait, la Sonara se trouve obligée d’importer, aux cours mondiaux, le pétrole brut nécessaire à son activité de raffinage. Encore que, même pour la maigre partie du pétrole que la Sonara acquiert auprès de la Snh, le prix d’achat est le prix en vigueur sur les marchés mondiaux. Étant entendu que ce sont les produits raffinés sortis de l’usine Sonara qui alimentent ensuite les véhicules, les ménages et les industries camerounaises. Un spécialiste de la filière confirme : “ Une partie seulement, la moins importante des approvisionnements de la Sonara en pétrole brut est assurée par la Snh qui les facture à la raffinerie suivant les cours observés au niveau du marché mondial, l’autre partie, la plus importante, étant importée ”.
En 2004, par exemple, le pétrole brut camerounais représente à peine 14 % de l’ensemble des stocks traités par la Sonara. Par conséquent, la détermination des prix sortie usine à la Sonara est largement dépendante de l’allure des cours mondiaux. Pareillement, puisque la Sonara alimente le marché local en produits raffinés, le prix du carburant à la pompe est donc élevé. De quoi se demander pourquoi la part de pétrole à raffiner, fourni par la Société nationale des hydrocarbures, ne l’est pas à des taux permettant de contenir le prix des produits pétroliers.
Accords
Pour les autorités, la réponse est là encore dans la série des accords signés avec les bailleurs de fonds. L’accord de 1997 avec le Fmi stipulait en effet que, dès 1999, les prix des produits pétroliers à la pompe seraient indexés sur les cours mondiaux. Jusqu’en 1999, l’Etat avait gardé un contrôle important sur le déploiement du secteur pétrolier, subventionnant à grands frais les prix des produits pétroliers à la pompe. Suite à la libéralisation en 1999, ces prix ont été indexés sur les cours mondiaux. Malgré la libéralisation, l’Etat a été contraint de soutenir, d’une manière ou d’une autre, les prix pour limiter la proportion de hausse. Les mécanismes d’intervention de l’Etat qui permettent d’éviter de fortes et brutales hausses des prix des produits pétroliers à la pompe, sont étroitement liés aux rôles de la Csph et de la Sonara.
Le Cameroun, dont la marge de manœuvre est considérablement réduite par ses accords avec le Fonds monétaire international, ne pouvait que s’appuyer sur la Csph et la Sonara pour pondérer l’impact fatal de l’explosion des prix des produits pétroliers. Pour donc freiner la hausse des prix du carburant, le Cameroun a d’abord aligné les droits, de douane sur le tarif extérieur commun de la Cemac, ce qui entraînait une baisse desdits droits de l’ordre de 15 à 10 %. Par la suite, la Csph a dû corriger, à la baisse, le montant des péréquations transport, pour alléger le prix du carburant. Dans le même temps, la Sonara ne pratiquait plus des prix sortie usine en rapport avec l’évolution du marché. Selon les responsables camerounais du secteur pétrolier, les prix sortie usine pratiqués par la Sonara sont en deça des prix réels qu’aurait dû pratiquer cette usine de raffinage. “ Cette situation a lourdement pesé sur la trésorerie, non seulement de la Sonara qui a enregistré d’importants manques à gagner financiers sur les prix des produits pétroliers à la sortie de la raffinerie, mais également de la Csph qui a dû procéder à des réajustements successifs à la baisse du taux de péréquation transport ”, explique un responsable de la Csph. Pour les deux dernières années, le manque à gagner enregistré par les deux structures se chiffre à environ 24 milliards, selon les données officielles.
Il n’empêche, malgré ces efforts déclarés, que la hausse du prix du carburant pourrait, à terme, déstabiliser la structure déjà fragile de l’économie. Car, en renchérissant les charges d’exploitation d’un secteur industriel déjà mis à mal par une situation économique fragile, la hausse des cours du carburant ne manquera pas de rejaillir en termes d’augmentation des coûts du transport. Ce qui pourrait bien se traduire par une poussée d’inflation préjudiciable à la stabilité économique que préconise pourtant le Fmi.
Source : La Nouvelle Expression
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