Video - Suicide d'Ebenizer Folefack Sontsa en Belgique : le témoignage de NGAJUI FOSSO Serge
(02/05/2008)
Du nouveau dans l'affaire du Camerounais qui s'est donné la morte dans le centre fermé de Merksplas : un passager du vol où le Camerounais devait être expulsé donne sa version des faits.
Par NGAJUI FOSSO Serge
Les sans papiers se font souvent reconduire comme des animaux
Du nouveau dans l'affaire du Camerounais qui s'est donné la morte dans le centre fermé de Merksplas : un passager du vol où le Camerounais devait être expulsé donne sa version des faits.
Madame, Monsieur,
Nous sommes le 26 avril 2008, je me rends au Cameroun pour mes
vacances. Je pars de Clichy à 5:30 en taxi pour l'aéroport CDG1. Nous
partons de Paris à 7:40 pour Bruxelles avec le vol SN3610 Brussels
Airlines et je dois prendre la correspondance pour Douala à 10:40 à l'aéroport de Bruxelles.
Lors de mon entrée dans l'avion entre 10:00 et 10:45, je suis bien
accueilli par les hôtesses, je vais rejoindre mon siège, le N° 41H qui
se trouve à 5 ou 6 rangées du fond de l'avion. Lorsque j'y arrive, il
y a au fond de l'engin, à la dernière rangée, des hommes habillés en
tenue grise qui essayent de maîtriser un homme de couleur noire.
Celui-ci se débat et crie : « Au secours, laissez moi, je ne veux pas
partir ». Les hommes en gris essaient de l'empêcher de parler en
l'étouffant. Le jeune homme se débat comme il peut et continue de
crier car il y a autour de lui 4 colosses en gris qui essaient de le
neutraliser. D'autres policiers en civil ont établi un périmètre de
sécurité et personne ne peut aller vers le lieu du drame qui se
déroule sous nos yeux.
Je me rends compte que c'est une expulsion, l'homme que l'on expulse
est toujours maîtrisé et étouffé et pousse des cris que l'on n'entend
plus bien.
Je me souviens alors de Semira Adamu, une jeune nigériane qui était
morte en septembre 1998, il y a 10 ans lors d'une expulsion similaire
à celle qui se déroule sous mes yeux dans un avion de Sabena. Que
dois-je faire ? Rester sans rien dire ? Et s'il lui arrivait un
malheur ? Agir ? Je suis tourmenté.
En tant que militant des droits de l'homme et des droits des
étrangers, je ne peux pas supporter une scène pareille. Je me lève,
interpelle l'hôtesse de l'air la plus proche de moi et proteste
fermement et à haute voix que nous sommes dans un vol commercial et
que je ne saurais voyager dans ces conditions. D'autres passagers
jusque là restés calmes se lèvent et protestent à leur tour. Je filme
comme d'autres passagers la scène avec mon appareil photo. Devant
cette protestation générale, les hommes en gris quittent l'avion avec
leur passager. Quelques minutes plus tard, alors que le calme revient,
des policiers montent dans l'avion, trois personnes sont désignées par
les policiers en civil qui avaient établi le périmètre de sécurité : je suis parmi ces trois personnes. Les policiers nous demandent de
quitter l'avion. Lorsque je pose la question de savoir "pourquoi", ils se jettent
sur moi, me menottent les mains, des coups surgissent par ci et par
là, je saigne, je suis traîné dans les couloirs de l'avion et dans les escaliers avant d'être jeté dans un fourgon de la police
sans mes 2 valises en soute et ma petite valise de cabine.
Leur
acharnement sur ma personne laisse à penser qu'ils n'ont pas digéré la
protestation des passagers. J'ai quelques bobos sur le visage et les
mains blessées par les menottes. De ce fourgon, je remarque qu'une
policière en civile qui était aussi dans l'avion a mon appareil photo
dans les mains et visionne certainement ma petite vidéo de la scène
dans l'avion. Une dure et longue journée commence pour moi sous les
insultes et les maltraitances des policiers qui m'emmènent au cachot
de l'aéroport de Bruxelles.
Le centre où Ebenizer Folefack Sontsa s'est donné la mort
A 13:35 la police nous libère. Nous sommes 2 à ce moment là. Un autre
camerounais qui était dans la bande des trois expulsés et moi. Je n'ai
plus vu le troisième, un homme de couleur blanche.
Au moment de notre libération, la police nous informe que nous ne
voyagerons plus avec Brussels Airlines pendant les six prochain mois. A la
question de savoir comment nous allons faire pour nous rendre au
Cameroun, la police nous renvoie vers la compagnie.
Avec mon compagnon d'infortune, nous nous y rendons. Nous demandons à
rencontrer l'un des responsables de la compagnie, on nous indique que
le responsable de la sécurité de la compagnie arrivera bientôt. Nous
patientons, j'ai une pensée pour ma petite fille qui m'attend à Douala
avec impatience, joie et enthousiasme et qui certainement sera très déçue de ne pas me voir ce soir. Je suis en colère, très en colère.
La responsable de sécurité de la compagnie arrive enfin et nous
informe que nous avons tous les 2 étés fichés dans la liste noire (pas
blanche) de la compagnie et que nous ne pourrons plus voyager avec elle pendant
les 6 prochains mois. Je lui demande alors comment nous faisons dans
ce cas pour arriver à Douala. Elle nous indique que c'est de notre
responsabilité et qu'en plus, nous ne serons pas remboursés. Après ces
mots, ma colère monte de plus en plus, mon ton aussi, je signale a
cette dame que je n'ai pas de problème si je ne voyage plus jamais
avec Brussels Airlines, mais que je souhaite rentrer à Paris et
surtout me faire rembourser car sa compagnie n'a pas rempli son
contrat.
Mon ton est haut mais courtois, les passants nous regardent,
la dame appelle la police qui vient et me ramène cette fois seul au
cachot. J'y resterai jusqu'à 22:00 sans manger, ni boire et ni
contacter ma famille.
Mon neveu qui habite Mons est contacté et arrive avec son épouse entre
21:00 et 22:00. Les policiers m'informent de leur présence et
m'indiquent que je suis libre de rentrer avec eux. Je leur dis que je
ne comprends pas pourquoi j'ai été en cellule toute la journée dans
ces conditions et que je ne souhaite pas la quitter avant qu'une
solution ne soit trouvée à mon problème : partir à Douala ou rentrer
sur Paris et être remboursé.
Des explications se font de part et
d'autres, les policiers souhaitent que je quitte la cellule et moi, je
souhaite y rester, ce qui visiblement ne les satisfait pas. Les
policiers décident donc de me sortir de la cellule par la force, me
remettent mes affaires, je refuse de les prendre. L'un d'entre eux me
menace, me tient par le cou et me pousse hors de leurs bureaux et me
balance mes affaires sur la figure, je m'en vais sans les ramasser.
Mon neveu et son épouse me rejoignent je suis une fois de plus en
colère, très en colère de tout ce qui se passe. Je leur demande de
rentrer à la maison, ils refusent évidemment.
L'épouse de mon neveu va voir l'un des policiers qui lui donne mes
affaires et des informations sur les démarches que je devrais faire.
Elle revient avec mes affaires, il y manque mes lunettes de soleil Ray
Ban et en plus la vidéo de la scène dans l'avion a été effacée de mon
appareil photo, sûrement par la policière qui avait mon appareil
photo. Une preuve vient d'être détruite, heureusement pas toutes, car
d'autres passagers ont filmé la scène. Je suis toujours en colère,
très en colère, je pense à ma petite fille pour qui j'ai
exceptionnellement pris mes congés, je suis en colère parce que ces
derniers jours ont été éprouvants professionnellement, physiquement et
moralement. Je suis en colère, très en colère parce que je suis du
genre calme, courtois et surtout pas violent.
Or toute cette journée,
j'ai été traité avec mépris et violence parce que j'ai été un moment
la bouche d'un malheur qui n'avait point de bouche, parce qu'en
protestant dans l'avion, je suis allé au secours d'un être humain qui
était maltraité et qui demandait du secours.
Je suis en colère parce que je suis fatigué et que je souhaitais
prendre quelques semaines de repos et aller passer du temps avec ma
petite fille. Je ne sais pas quand et comment je me rendrai au
Cameroun.
Je ne sais pas au moment où je vous écris où sont mes
valises.
Avec patience mon neveu et son épouse m'ont convaincu de le accompagner chez eux à Mons. Nous avons demandé une attestation indiquant que j'étais en cellule de 11:00 à 22:00, le policier de faction a eu la
gentillesse de m'en donner une en Néerlandais. Nous sommes arrivés à
Mons peu après minuit. J'avais des douleurs partout, sur le visage,
les bras, les doigts au dos et une très grosse faim, j'ai mangé sans
appétit et je suis allé me coucher.
Ce matin, je suis un peu plus calme, j'ai encore quelques douleurs aux
doigts, aux bras et au visage. Je vais me rendre à Bruxelles pour me
faire signifier officiellement que je suis sur la liste NOIRE de la
compagnie, que je ne voyagerai plus avec cette compagnie et que je ne
serai pas remboursé. J'espère également retrouver mes valises dans
l'état où je les avais confiées à la compagnie. Une autre dure journée
va commencer, comment se terminera-t-elle ? Je n'en sais pas
grand-chose pour le moment.
Je peux simplement préjuger qu'elle ne sera pas facile car je ne
compte pas laisser passer cette histoire sans réagir. Je vais faire un
appel à témoins et engager une action contre Brussels Airlines. On en
reparlera.
Sur ce, je vous souhaite un bon et agréable dimanche.
Prière de diffuser largement ce message.
A bientôt !
Et mon combat continue. NGAJUI FOSSO Serge 9, Villa Jean Jaurès 92110 Clichy-La-Garenne
– France +33.6.26710385