Vencelas Dabaya, ex-champion camerounais
Hier, aux Jeux Olympiques de Pékin, se déroulait un évènement à priori anodin :
un certain Vincelas Debaya remportait la médaille d'argent en
haltérophilie moins de 69 kilos, rapportant à la France une de ses huit
médailles de la journée. Si cela n'attire pas l'attention, on peut constater au
premier abord la consonnance du nom de l'athlète qui est très fortement
camerounaise.
On pourrait donc penser que l'athlète est simplement d'origine camerounaise
comme beaucoup d'autres sportifs de haut niveau qui ont choisi l'étendard
français - Boumsong, Nouma, Itandje, Victor Samnick et autres -, et représente
depuis longtemps les couleurs françaises, mais il n'en est rien. En effet,
Vinceslas Debaya Tchientcheu- notez bien le Vinceslas - qui est né le 28 Avril 1981 au
Cameroun, (Yaundé selon Afrik.com et Kumba selon Wikipedia) a longtemps eu la
nationalité camerounaise et défendu les couleurs vert-rouge-jaune aux
compétitions internationales. L'histoire et les liens qui unissent le récent
médaillé d'argent "français" et le Cameroun sont pourtant forts et datent.
En effet, Venceslas Debaya qui a grandi au Cameroun a avoué dans les colonnes du
Nouvel Observateur avoir eu sa passion pour l'altérophilie dès l'âge de 12 ans
dans la salele de sport du "Lion populaire", où il regardait en cachette les
habitués du coin s'entraîner en cachette :"On était chassé à coups de bâton
si on était surpris à les regarder. Mais j'avais trouvé une petite ouverture
entre deux morceaux de bois de la palissade. Là, j'observais leur explosivité et
leur vitesse d'exécution. Ces hommes forts me fascinaient. Mais mes
parents ne voulaient pas que je pratique ce sport, ils avaient peur des effets
que ça aurait sur mon corps."
Têtu, il commence tout de même l'altérophilie secrètement mais est forcé trois
ans plus tard de demander l'autorisation de son père - alors mourant - pour
participer aux championnats nationaux qui se déroulent à Douala. Ce dernier lui
paie sa licence et lui donne sa bénédiction : "fais le de la plus belle des
façons. Fais-toi connaître du monde entier."
Fort de cette bénédiction testamentaire, Vencelas enchaîne les succès : champion
du monde junior à 17 ans, troisième des jeux africains à 18, et vainqueur des
jeux du Commonwealth à 21 ans. En 2004, il fait logiquement partie de la
délégation camerounaise envoyée à Athènes et en est même le porte drapeau. Pour
ses premiers Jeux Olympiques, le "Camerounais" arrive jusqu'en finale où il
accède à la cinquième place.
De Venceslas le Camerounais à Vencelas le Français
Aujourd'hui, Vencelas Dabaya savoure sa médaille française
Et c'est là que s'arrête son histoire avec le Cameroun et que le divorce
commence. Vencelas décide d'aller tenter sa chance en France pour "progresser
et s'épanouir totalement". La vie n'y sera pas facile, car il est reçu en
France comme un Camerounais, et est sans papiers. Ne se décourageant pas, il y
obtient sa naturalisation, et suite à une erreur d'ortographe, perd un s et
devient Vincelas. Courant chez les naturalisés africains.
Deux ans plus tard, avec la France, il remporte le mondial de 2006 et devient
officier : l'intégration est réussie. Hier encore, celui qui défend maintenant
les couleurs de la France, a remporté et offert une médaille d'argent à la
France, sa huitième médaille de la journée. Pour l'instant, le Cameroun n'en
compte aucune.
Si l'histoire est belle, elle soulève néanmoins une question : comment le même
athlète peut-il, avec quatre ans d'intervalle participer à la même compétition,
les Jeux Olympiques avec deux nationalités différentes ? Comment, alors qu'il y
a quatre ans, Vinceslas était le porte drapeau de la délégation camerounaise, et
est aujourd'hui champion du monde et vice champion olympique français ? Il y a
comme un problème, une note qui sonne faux. S'il est habituel et courant de voir
bon nombre d'athlètes et sportifs européens avoir des origines fortes ancrées en
Afrique, il est tout de même moins habituel et plus surprenant de voir un tel
cas.
Un exode qui désavantage l'Afrique
Santos est l'un des rares à avoir fait l'exode inverse
En football, la règle est claire : "quiconque participe à un match officiel
avec une sélection A ne pourra plus prétendre, quelle que soit sa nationalité
future, à porter les couleurs d'une autre sélection". La règle était même
plus rigide et s'étendait aux A', mais a été changée par Blatter il y a 4 ans,
permettant par exemple à Frédréric Kanouté de porter les couleurs du Mali alors
qu'il avait joué en espoirs avec la France. Cet assouplissement avait fait pour
avantager les pays africains, car beaucoup de pays européens faisaient jouer
tous les joueurs prometteurs en espoirs pour s'assurer leur "appartenance" pour
d'éventuels besoins futurs.
Il faudrait peut-être réglementer un peu plus les autres sports, pour essayer de
stopper l'hémorragie, qui prive l'Afrique de ses meilleurs talents et chances de
médailles. Le Cameroun a porté Vinceslas pendant plus de 20 ans, attendant
patiemment qu'il lui fasse l'honneur de rapporter des titres internationaux, et
la France a eu un champion du monde et une médaille d'argent - de plus. Car si
Vincelas est toujours fortement attaché au Cameroun - il rend visite à sa mère
une fois par an - , les titres qu'il remporte sont aujourd'hui la fierté et la
propriété de la France, tout comme un Rolland Garros remporté il y a des années
par un certain Yannick Noah...
Loin de vouloir porter un jugement sur Vincelas, qui a fait les choix qu'il a
estimé bons pour lui et sa carrière, c'est la réglementation en vigueur qui est
problématique. Car il est rare voire impossible de voir un athlète ou sportif
rejoindre l'Afrique alors qu'il avait une orgine différente ; il y a bien eu le
cas Santos qui a rejoint la Tunisie en 2004 pour la CAN, mais c'est un cas
isolé. Cette flexibilité des nationalités et des pays d'adoption ne tourne donc
pas à l'avantage des pays africains. Blatter avait fait un geste pour une
Afrique en mal de victoires sur le plan international, il revient aux autres
fédérations de faire de même.
De la responsabilité du Cameroun
Françoise Mbango a elle aussi connu des problèmes de primes
Mais il y a aussi un dernier acteur dont la responsabilité ici ne doit pas être
occulté : le Cameroun. Le phénomène est habituel, et la chanson commence à être
connue lors de toutes les compétitions auxquelles participent les lions
indomptables : les primes, l'organisation, le soutien et la reconnaissance des
sportifs. Françoise Mbango, l'une des rares médailles d'or du Cameroun s'est
plainte à plusieurs reprises. En ce qui concerne les footballeurs, la chose ne
surprend plus.
En 2004, Dabaya et 18 autres athlètes avaient revendiqué une augmentation des
primes pour une "faire prévaloir une certaine équité" ou au moins que "que
leurs frais
de transport sur Athènes et de préparation des jeux en cours leur soit
remboursés". Celui qui était alors camerounais, avait exprimé sa déception
:"Avec tout ce qu‘on dépense pour venir ici (Ndrl : Jeux Olympiques.) entre
nos entraînements, l’abandon des études. C‘est vrai qu’il faut courir pour la
patrie mais il y a quelque chose qu‘on engage pour arriver ici. Au lieu de trois
millions, on se retrouve avec cinq cent milles francs CFA, je préfère ne rien
avoir. On se dépense depuis quatre ans pour préparer ces jeux, c’est la moindre
des choses."
Ils auraient donc ainsi claqué la porte au nez du ministre Siegfried Etame
Massoma, chef de la délégation camerounaise à Athènes, qui tentait de les
ramener à la raison.
C'est d'ailleurs à cause de cette ambiance et de ces problèmes que l'athlète
aurait annoncé, au lendemain des Jeux, qu'il aurait annoncé les larmes aux yeux
qu’il «n`allait plus participer aux compétitions pour le Cameroun"
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