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Une jeune fille se fait voler son nouveau né dans un hôpital de Yaoundé
(27/01/2012)
Vanessa Tchatchou a accouché en août 2011, et depuis ce jour, elle n'a plus jamais revu son bébé
Par Irène Fernande Ekouta, Quotidien Le Jour
Vanessa Tchatchou traîne des pieds.


Elle avance lentement vers l’un des sièges de la salle d’attente du pavillon néo-natal de l’hôpital gyneco-obstétrique et pédiatrique de Ngousso à Yaoundé. S’asseoir là pour prendre un peu d’air, c’est le seul moyen de tuer le temps qu’elle a trouvé. Six mois que Vanessa séjourne dans cette formation hospitalière, sans savoir quand est-ce qu’elle partira avec son bébé dans les bras. Malgré ces incertitudes, la jeune maman, 18 ans le 23 février prochain, a choisi de se battre.

Ce dimanche 15 janvier 2012, il est 10h. Vanessa a l’air fatiguée, mais pas moins déterminée. « Je ne sortirai pas de cet hôpital sans mon bébé », déclare-t-elle fermement. Sa vie a basculé le 20 août 2011. A l’aube de ce samedi-là, elle venait de donner naissance à une petite fille prématurée d’à peine 2 kg. « Je l’ai prise dans mes bras, mais je ne l’ai pas regardée parce que j’étais épuisée et je me suis dit que j’aurais tout le temps de la voir plus tard », regrette Vanessa. La jeune élève du lycée de Ngousso n’aurait pas parié qu’elle en serait privée dès sa descente de la table d’accouchement. Le bébé, auquel elle n’a pas eu le temps de donner un nom, disparaît de la couveuse quelques heures après sa naissance.

« Quand on m’a dit que le bébé n’était plus dans sa couveuse, je n’y ai pas cru. Je me suis dit qu’une infirmière l’avait peut-être pris pour des soins. J’ai commencé à réaliser tout ce qui se passait, des heures après l’annonce de la disparition de ma fille. J’ai pleuré sans arrêt pendant plusieurs jours en me demandant pourquoi cela m’arrivait. Je devais supporter cette peine en plus des douleurs insoutenables que je ressentais au niveau du bas-ventre. En plus, les infirmières passaient leur temps à me menacer et à me dire des méchancetés. J’ai vécu dans la peur que l’hôpital me fasse du mal et, aujourd’hui encore, j’ai peur qu’il m’arrive quelque chose. Si ma mère n’était pas auprès de moi, je crois que je serais morte », raconte la jeune fille. En effet, les premiers jours à l’hôpital sont difficiles à vivre, tout comme le feuilleton à rebondissements qui s’ensuit.



Confusion

Malgré les explications de l’hôpital, des zones d’ombre persistent dans cette affaire. Les circonstances du vol sont floues, les versions discordantes. En plus, le jour du forfait, les infirmières de garde étaient au courant d’une présence suspecte dans l’hôpital. En septembre 2011, nous avons rencontré Edith, une jeune femme ayant accouché dans le même hôpital, le 19 août 2011. Celle-ci disait avoir surpris une fille essayant d’extraire son bébé du berceau dans lequel il était couché. C’était le 20 août à 1h du matin. « Je lui ai demandé ce qu’elle voulait. Elle a répondu qu’elle trouvait ma fille très belle. Elle a ensuite prétendu être venue rendre visite à une de ses voisines dont elle ignorait le nom. Mais elle avait un sac contenant des habits de nouveau-nés. Quand j’ai voulu réveiller les autres mamans en salle d’hospitalisation, elle s’est enfuie », témoignait Edith. Celle-ci affirmait avoir alerté les infirmières de garde après l’incident. « Pourquoi n’ont-elles pas avisé ? Pourquoi n’ont-elles pas cherché à savoir qui était cette femme ? Pourquoi personne n’en a parlé lorsque le bébé a disparu ?» Vanessa s’interroge quand elle se souvient des déclarations d’Edith.

Fort de ces doutes, la famille déduit que le vol s’est opéré avec la complicité de l’hôpital. Malgré les deux plaintes déposées contre l’établissement sanitaire et son directeur général, les choses n’avancent pas. « C’est M. Shanda, le président de la Commission indépendante contre la corruption et la discrimination est venu faire bouger les choses. Il a adressé de nombreuses correspondances au Premier ministre et à d’autres personnalités. C’est grâce à lui que la Conac a demandé à la police Judiciaire de mener son enquête. Ils vont payer pour le mal qu’ils nous ont fait », déclare Sylvie Jueyep, la mère de Vanessa.

A ce jour, le(s) coupable(s) n’a (ont) pas encore été appréhendé(s). Mais, une source proche du dossier a fait savoir à Vanessa et sa mère que l’enfant se trouve entre les mains d’une femme magistrat résidant à Mfou. A celle-ci, Vanessa parle : « Rendez-moi mon enfant. Vous pouvez adopter des enfants. Ils sont nombreux dans des orphelinats. Pour la douleur que j’ai ressentie lors de l’accouchement et pour tout le traumatisme que j’ai enduré jusqu’ici, rendez-moi ma fille ». A l’endroit du directeur général de l’hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique, l’adolescente n’a qu’une chose à dire : « Vous êtes méchant ». Vanessa Tchatchou a les yeux rivés vers le sol. Elle presse ses doigts sans arrêt. Elle revit en silence tout ce qu’elle a traversé depuis six mois. L’adolescente fronce les sourcils, puis regarde furtivement la porte d’entrée de la maternité. Elle a mal, mais retient ses larmes.
Vanessa Tchatchou n’a plus envie de pleurer. L’espoir de revoir son enfant un jour l’habite désormais plus que jamais. A aucun moment, elle ne l’a cru mort. Instinct maternel, peut-être. Et, à la question de savoir comment elle réagirait si un jour elle retrouvait son bébé, Vanessa sourit. Son visage s’illumine, comme par enchantement. Elle répond ensuite : « J’y pense tous les jours. Je ne sais pas quelle serait ma première réaction. Je ne sais pas ce que je lui dirais. Une chose est sûre, je serais heureuse de la voir et de la regarder comme j’aurais dû le faire le jour de sa naissance. » Mais, elle se ravise tout de suite : « En attendant que ce jour arrive, je suis résolue à rester dans cet hôpital, quelles que soient les conditions dans lesquelles je vis, malgré toutes les menaces que j’ai reçues et les injures que j’ai encaissées ici.» Sylvie Jueyep, la mère de Vanessa, ne doute pas de la détermination de sa fille unique. « A un moment, j’ai voulu tout abandonner, mais elle-même a refusé de partir. Elle est très courageuse », témoigne Sylvie.



“Je veux retrouver ma vie”

Ce caractère, Vanessa a dû le forger. Sa vie n’a pas été rose jusqu’ici. Elle a perdu son père, il y a douze ans, alors qu’elle était à l’école maternelle. Avec ses trois petits frères, Vanessa a grandi et a continué d’aller à l’école, grâce aux petits commerces de sa mère. Des études qu’elle a choisi de sacrifier pour son enfant. L’élève du lycée de Ngousso a choisi de vivre dans cet hôpital, afin que triomphe la vérité et que les coupables soient punis. Son seul regret est de ne plus pouvoir pratiquer le sport. Son mètre 75 et sa carrure d’athlète lui ont permis de disputer de nombreuses compétitions scolaires. Avant de concevoir, elle était la capitaine de l’équipe de handball de son lycée. Un rôle qu’elle a assumé pendant trois ans.

Malgré le cauchemar qu’elle traverse depuis six mois, Vanessa Tchatchou rêve de retrouver sa vie. Celle dans laquelle elle était férue de vernis à ongles et d’autres coquetteries. Ses photos d’il y a deux ans en témoignent. Dans son ancienne vie, elle aimait passer du temps avec ses amis, quand elle n’aidait pas sa mère à vendre des légumes ou du maïs récoltés du champ familial. Encore le rêve d’une fin heureuse : « Je pourrai m’occuper de mon enfant, aller à l’école et devenir professionnelle de handball, même si c’est le football que j’aimerais pratiquer à l’échelle internationale», avoue-t-elle en souriant.

La vie de Vanessa a changé du jour au lendemain, celle de sa petite famille aussi. Aînée d’une famille de quatre enfants, Vanessa a conscience de l’influence de sa situation sur le quotidien de sa mère et de ses frères. A ce sujet, Sylvie Jueyep se plaint : « Deux de mes fils risquent de se faire renvoyer du lycée à cause des multiples heures d’absence. Tout ça parce que je suis moins présente à la maison. Il faut apporter de la nourriture à Vanessa, être à ses côtés pour lui remonter le moral, lui dire qu’on va y arriver. En plus, je dois chercher de l’argent pour nourrir mes enfants, leur permettre d’aller à l’école. C’est tout ça qui fait que je ne suive plus mes enfants de près, comme avant. »

Malgré tout, Vanessa veut rester positive. Elle veut croire que demain sera meilleur et que tout va finir par s’arranger. Même si, aujourd’hui, les jours se suivent et se ressemblent. « Je me lève le matin avant 8h, je me lave aussitôt et je sors de la salle d’hospitalisation pour m’asseoir dans la salle d’attente. La raison pour laquelle je préfère passer mes journées ici est que ça me dérange de voir les autres mamans avec leurs enfants. Ça me rappelle trop ce qui s’est passé. Je me mets à leur place et ça me fait de la peine. Donc, je préfère rester dehors, à ne rien faire. Il m’arrive de faire des tours dans l’hôpital, de marcher un peu, mais je n’en sors pas. Je ne suis pas isolée. Je reçois des visites des amis, de la famille. Pendant les fêtes, par exemple, mes amis venaient me voir et ça me faisait vraiment plaisir. Pour la suite de la journée, poursuit-elle, il y a le repas. J’attends que ma mère apporte ou envoie à manger, sinon, quand elle vient sans nourriture, elle me donne un peu d’argent. J’envoie quelqu’un m’acheter de quoi manger. C’est pareil tous les jours. Un vrai cauchemar », raconte la jeune fille qui attend ses 18 ans. La seule chose qui pourrait rompre son train-train quotidien, c’est le retour de son bébé.

Source: Irène Fernande Ekouta, Le Quotidien Le Jour




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