La Zambienne Dambisa Moyo
Dans son édition du 12 avril 2009, le New York Times classait « Dead Aid»
[1] au 29è rang des livres les plus vendus
aux Etats-Unis. L’ouvrage de la Zambienne Dambisa Moyo
[2] décrypte avec méthode, chiffres
et exemples, comment le business de l’aide au développement accroit la
dépendance de l’Afrique et profite à des réseaux d’ONG rompues aux techniques de
guerre économique. Dans son éditorial du 29 avril 2009 au Time, Paul Wolfowitz,
ancien directeur de la Banque Mondiale, confirme l’analyse de l’économiste
africaine de 40 ans (classée parmi les 100 personnalités les plus influentes au
monde[3]) et comprend la tension déclenchée
par la parution de l’ouvrage dans les milieux de la solidarité internationale.
Désormais dotées de stratèges et de lobbyistes, de business models et de
commerciaux, de réseaux et de communicateurs, les grandes ONG maîtrisent
parfaitement les techniques d’intelligence économique et les appliquent sans en
parler.
Ceux qui ont pratiqué les milieux de la solidarité internationale savent qu’à
chaque début d’exercice, la plupart des responsables financiers d’ONG de
développement se posent systématiquement ces trois questions : 1. Quels
bailleurs financent tel type de projet ?, 2. Quels projets finance tel bailleur
de fonds ?, 3. Comment rester compétitif en développant des sources de
financements autonomes ? Les professionnels de la competitive intelligence
les aident à y répondre grâce à:
-
La veille et les enquêtes ciblées (sur les bailleurs de fonds, leurs projets, leur
langage, leurs enveloppes, leurs exigences, leurs réseaux…) ;
-
La cartographie et le profiling des acteurs (décideurs, concurrence,
entreprises, relais d’opinions, donateurs publics et privés…) ;
-
La recherche, l’innovation et la sécurité de l’information (Benchmarking,
knowledge management, anticipation des tendances, protection du patrimoine
informationnel pour éviter des intrusions comme celle d’EDF
sur Greenpeace récemment.)
Depuis une décennie, les grandes figures de l’action humanitaire telles que
l’Abbé Pierre ou Mère Teresa sont étudiées dans les meilleurs cursus
d’intelligence économique et stratégique. Leur décryptage révèle que les
techniques utilisées pour attirer les financements dans ces « organisations à
but non lucratif » n’ont rien à envier aux opérations de guerre
psychologique conçues par des officines ou des agences de marketing. Avec la
bénédiction des Nations Unies, la multiplication des acteurs de la société
civile a généré une extraordinaire concurrence dans ce secteur d’autant qu’à
l’instar du marché de Dieu, de la sécurité ou de la beauté, le business
de la pauvreté se nourrit des failles décelées dans nos perceptions. Ce sont
aussi ces failles que Dambisa Moyo a mis en
exergue dans Dead Aid. Son courage et son expertise lui valent
aujourd’hui d’avoir l’oreille des présidents Mouhammar Khadafi de Libye et Paul
Kagamé du Rwanda sur les questions d’aide au développement.
Par Guy Gweth, consultant en intelligence économique & stratégique.
[1] Dans Dead aid ou L’aide fatale, en
français, l’auteur soutient que la suspension dans un délai de 5 ans de toute
aide accordée à l’Afrique, hors aide d’urgence « permettrait de stimuler la
croissance » du continent.
[2] Dambisa
Moyo est titulaire d’un doctorat en économie de
l’université d’Oxford, d’un master de l’université de Harvard et d’un MBA de
l’American University of Washington D.C.. Après la Banque Mondiale, elle a
travaillé pendant 8 ans chez Goldman Sachs avant de prendre la direction du
hedge fund Absolute Return for Children. Dambisa Moyo milite pour des mécanismes
innovants d’autofinancement du développement en Afrique à travers la
microfinance, l’accès aux marchés de capitaux et le commerce avec la Chine.
[3] Classement 2009 du New York Time
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