Mgr Jean Kounou, assassiné en 1983
Note de la rédaction : Le titre de cet article est relatif à une série
d'enquêtes effectuée par le Quotidien Le Jour concernant des meurtres commis au
Cameroun sur des personnalités de l'Eglise catholique (du Cameroun).
L'article posté ci dessous est le second de cette série. Vous pouvez consulter
le premier :
assassinat du curé Joseph Yamb de la paroisse de Mandoumba en 1983
Samedi 02 août 2008. Mbalmayo, quartier Mbokoulou. Il est 13 heures devant la
maison où Mgr Jean Kounou a été assassiné. L'appartement est fermé.
La porte de la clôture grillagée aussi. Cette clôture est la même qui y était
en 1983, à la différence qu'elle est déjà un peu détériorée et soutenue par des
herbes d'environ 1,5m de hauteur. Le petit prunier qui s'y trouvait dans la cour
à l'époque porte déjà des fruits noirs. La maison est aujourd'hui habitée par un
religieux : " Le frère Olivier ", nous apprend-on sans autre précision. La croix
accrochée à la porte du bâtiment atteste qu'un religieux y habite. C'est dans le
salon de ce bâtiment que Mgr Jean Kounou et l'abbé Materne Bikoa ont été
assassinés en 1983 par Emarand Ebanda, cuisinier de Mgr Paul Etoga, évêque du
diocèse, en compagnie de cinq autres personnes. Tout à côté de cet appartement
se trouve l'ancien évêché, aujourd'hui habité par l'abbé Wenceslas Mvogo, un
ancien prêtre de Mbalmayo à la retraite. Tout en face l'évêché, se dresse le
petit séminaire de Mbalmayo.
Jean Baptiste Kounou, fils spirituel de Mgr Jean Kounou, figure parmi les
personnes qui ont le plus connu le vicaire général et curé de la cathédrale
Notre Dame du Saint Rosaire du diocèse de Mbalmayo, Mgr Jean Kounou. Il lui doit
d'ailleurs son nom. Un signe de reconnaissance de son père, enseignant à l'école
catholique de Ngomezap, qui a reçu le soutien moral et matériel de Mgr Jean
Kounou. De 1971 à l'assassinat " du prophète de Ngomezap ", Jean Baptiste
Kounou a habité le même appartement que son homonyme. D'abord à Ngomezap où Mgr
Jean Kounou, né vers 1991, était curé et ensuite à Mbalmayo. L'image du corps
meurtri de son père spirituel restera à jamais gravée dans sa mémoire. Il a été
traumatisé pendant huit ans.
" A la veille de son assassinat, j'avais demandé à mon homonyme d'aller
rendre visite à ma maman à Ngomezap. Il m'a autorisé d'y aller, mais m'a
demandé de vite revenir, car il n'y avait personne pour me relayer. J'étais
celui qui arrangeait son lit, faisait le ménage, les commissions etc. J'y ai
passé une seule journée. A mon retour, dès la gare, l'on m'a fait comprendre que
mon homonyme a été assassiné. Je n'arrivais pas à croire à cela".
La scène du crime
Au moment où les policiers, aidés par un menuisier, cassent la porte aux
environs de 12h, ils retrouvent la carte nationale d'identité d' Emarand Ebanda
sous la fenêtre de la maison, non loin des deux corps baignant dans le sang.
Mais, le cuisinier nie tout en bloc. Une perquisition à son domicile, à
Zamengoué, à 10 km de Mbalmayo, fait découvrir son pantalon imbibé de sang.
Suffisant pour qu'il passe aux aveux trois semaines plus tard et dénonce ses
complices. Quatre sont arrêtés alors que le dernier reste introuvable jusqu'à ce
jour. Mgr Jean Kounou est enterré le jour suivant son assassinat au cimetière
la cathédrale Notre Dame du Saint Rosaire de Mbalmayo. La cérémonie funèbre est
célébrée par le prononce apostolique en présence de l'évêque local et de
nombreuses personnalités dans la cathédrale Notre Dame du Saint Rosaire de
Mbalmayo.
Deux mois plus tard, sur demande du procureur, l'on procède à la reconstitution
des faits. La ville est prise d'assaut par les forces de l'ordre. Huit camions
de gendarmes et policiers venus en renfort de Yaoundé protègent les assassins,
car les populations sont déterminées à en découdre avec eux. C'est à ce moment
que Emérand Ebanda explique que c'est lui qui a assené quatre coups sur la tête
de Mgr Jean Kounou à l'aide du fusil de chasse que le prélat détenait chez lui.
Il va par la suite, à l'aide d'un tournevis, percer les yeux du corps inerte
ainsi que ceux de l'abbé Jean Materne Bikoa, tué de la même manière par ses
complices. Ensuite, il est allé chercher l'argent qu'il venait prendre dans la
cachette qu'il connaissait bien. Il n'y trouvera rien. Au bureau du vicaire, il
trouve 45 000 francs, qu'il emporte.
Le cuisinier expliquera à la police qu'en plus de l'argent qu'il venait
chercher, il a assassiné le vicaire parce qu'il avait une rancune contre lui.
Mgr Jean Kounou l'avait emmené au commissariat pour une affaire de vol d'argent.
Les policiers l'avaient alors bastonné. Depuis ce jour, il en voulait au vicaire
et le répétait chaque fois à Jean Baptiste Kounou. Les meurtriers seront tous
condamnés à mort par le Tribunal de grande instance de Mbalmayo, à l'exception
du jeune éclaireur, condamné à 25 ans d'emprisonnement. Ce dernier pensait qu'il
ne s'agissait que de vol d'argent. Il s'était d'ailleurs mis à pleurer lorsqu'il
a vu le sang sur les vêtements du cuisinier.
Mgr Paul Etoga va demander de les
gracier et de transformer leurs peines en emprisonnement à vie. Ce qui sera
fait. Ils passeront six mois dans la prison principale de Mbalmayo et seront par
la suite transférés à la prison de Kondengui à Yaoundé. A ce jour, ils sont tous
morts en prison. " En mourant, ils étaient devenus des déréglés. Certains
mangeaient d'ailleurs leurs peaux et leurs excréments. Le jeune qui est sorti de
la prison avant de mourir, est devenu fou. Il marchait de ville en ville ",
affirme Jean Baptiste Kounou. Aujourd'hui à Mbalmayo, Mgr Jean Kounou est
considéré comme un prophète et un martyr. De nombreux fidèles s'y identifient
comme ses fils. Ils n'hésitent pas à commencer leurs phrases par : " Selon les
enseignements de Mgr Jean Kounou… ".
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Source : Le Jour
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