S’il réussit à faire sa saison, Christian Ebong, pilote camerounais de 24 ans vivant
en France, pourrait devenir un symbole, une réussite emblématique. Du jamais vu
dans le monde automobile, le métis antillais Lewis Hamilton, mis à part. Christian
Ebong est de ces personnalités qui sont nées sans cuillère en or dans la bouche
mais qui bravent les lois. Aujourd’hui, il est à deux doigts de réussir à s’imposer
comme champion international si un sponsor lui permet de sortir son épingle du jeu.
Le virage s’annonce sévère, mais ce jeune pilote doué a déjà tout sacrifié pour
réussir là ou aucun noir d’origine africaine n’a percé.
Afrik.com : Christian Ebong, pilote automobile professionnel n’est
pas vraiment le métier auquel on pourrait penser quand on vit en afrique noire...
Christian Ebong : C’est vrai qu’au Cameroun, à Yaoundé, j’obligeais
mes autres copains à venir suivre avec moi les courses de Prost ou de Sénat, sur
les télés des bars. Je suis né avec la fièvre de l’automobile. Même le très grave
accident de voiture dans lequel j’ai failli mourir quand j’avais dix ans ne m’a
mis aucun frein : au contraire, après mon coma j’avais encore plus envie de conduire
! Au pays, je reconnaissais tous les modèles de voiture et j’ai rapidement appris
la mécanique. Ma mère qui conduit super bien a sans doute contribué à me donner
le goût du pilotage. Elle prenait les rond-points à fond sans perdre le contrôle.
Elle me subjuguait ! A onze ans, je rentrais et je sortais sa voiture du garage.
Je m’imaginais déjà être à la place de Prost que j’admirais comme un dieu !
Afrik.com : Vous n’avez jamais lâché votre rêve...
Christian Ebong : J’avoue que j’ai dû tout sacrifier pour arriver là
où je suis, c’est-à-dire à deux doigts d’être le premier pilote noir d’origine africaine
à être connu internationalement... A l’âge de quatorze ans, j’ai quitté toute ma
famille. En France, je me suis retrouvé dans la rue, sans argent, sans vêtement...
Ma bonne étoile m’a permis de m’en sortir. Je croyais à mon rêve dur comme fer et
j’étais prêt à tout. La seule discipline qui ne coûtait pas d’argent, c’était le
cross car. A mon premier championnat, en 2000, sans avoir jamais touché un kart
ni même effleuré un circuit, j’ai pris les commandes de la voiture, je me suis battu
comme un fou et j’ai été vice champion d’Ile-de-France. C’est cela qui m’a donné
la force de continuer. L’année suivante, j’étais champion d’Ile-de-France dans cette
discipline. Aujourd’hui, je sais que j’ai d’immenses possibilités.
Afrik.com : Personne ne vous a remarqué ?
Christian Ebong : Bien sûr que si. Mais c’est l’argent qui m’a toujours
posé problème. Je n’ai jamais eu de famille en France pour m’aider, me soutenir.
Il me fallait gérer toutes sortes de problèmes à la fois. Et vous savez qu’un pilote
n’a pas droit à l’erreur : s’il est distrait une seconde, c’est le mur. Pour l’instant,
je n’ai jamais pu courir dans de bonnes conditions. Quant aux personnes extérieures,
elles ne comprennent pas qui je suis et ce que je peux réaliser. Je les comprends
un peu : je viens de nulle part, je n’ai pas de nom, je suis noir... Je multiplie
les handicaps ! Mais j’ai espoir que quelqu’un me donne enfin ma chance. Je sais
que cela arrivera.
Afrik.com : Avez-vous déjà songé à abandonner ?
Christian Ebong : « Si je réussis, je vais changer le sport automobile »
Christian Ebong : J’y ai songé plusieurs fois tellement c’est dur.
Certaines personnes me disent que je devrais faire du foot compte tenu de mon gabarit
(1,86m, 77kg). D’autres chanteur, ou mannequin, mes autres passions. J’entends souvent
que pour être pilote, il faut être blanc et riche. Tout ce que je ne suis pas !
Mais quelque chose m’a toujours raccroché à mon rêve.... J’ai été admis en 2004
à l’auto sport Académie. Malheureusement, l’argent m’a encore fait défaut ! Du coup,
je me suis entraîné comme un boxeur pour être au top physiquement, j’ai encore endurci
mon mental et en 2006 j’ai participé au championnat de France super tourisme. Là
pas de miracle : impossible d’arriver premier quand on n’a presque jamais couru...
En revanche, les ingénieurs de Solution F ont été bluffés parce qu’ils ont vu mon
potentiel. Ils ont vu qu’en un week-end, ma marge de progression était énorme. Et
surtout que j’étais un battant !
Afrik.com : Et aujourd’hui, où en êtes-vous ?
Christian Ebong : Je n’ai jamais été aussi proche du but. Le Nascar
m’attend en avril, si je trouve des sponsors avant le 28 mars prochain... Ainsi
que le Geoscan Concep... La saison m’attend ! Et je veux faire mes preuves. Si je
réussis, ça va changer le sport-automobile. Vous vous rendez compte ? Un noir dans
ce milieu très fermé ? Moi qui vénère les femmes, je dirais que je serai un peu
la Rosa Parks de l’automobile... Je n’ai jamais pris de vacances, je ne suis jamais
retourné près des miens au Cameroun depuis 10 ans, j’ai passé mes week-ends à travailler.
J’ai tout sacrifié pour être pilote. Ce n’est pas à la veille de réussir que je
vais baisser les bras ! Je suis un vrai champion africain, un immigré accueilli
par la France. Et pour ces deux continents, je réussirai ! Si je réussis, j’espère
donner des forces au Cameroun et à toute l’Afrique noire.
Consulter
le site de Christian Ebong
Source : Afrik.com
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