Cameroun : Les vacances de Paul Biya font couler beaucoup d'encre
(03/09/2009)
Les vacances à près d'un million d'euros du président de la république camerounaise ont fait couler beaucoup d'encre. Retour sur l'affaire.
Par Nkwayep Mbouguen
Paul Biya et le maire de La Baule
Le Cameroun a eu une semaine mouvementée. En effet, deux accidents de train en
fin de semaine dernière avaient produit un incendie grave pour le premier, et
plus de 300 blessés pour le second. Au plus fort de la détresse des familles des
victimes, la population n'a eu pour interlocuteur que le ministre de la
communication Issa Tchiroma Bakari qui a promis une enquête, de même que
Camrail, la société des chemins de fer.
Venant du président de la République Paul Biya, le Cameroun n'a eu droit qu'à un
rapide et léger mot de réconfort publié dans les journaux et sur le site de la
Présidence du Cameroun. Pour cause, le chef de l'Etat - comme souvent,
pourrait-on être tenté de dire - ne se trouvait pas au Cameroun, mais était en
séjour à la Baule. Déjà assez pour faire grincer des dents dans un Cameroun qui
en mal de son président, qu'il estime pas assez au fait des souffrances de son
pays et de ses ressortissants.
Pis encore, le montant de la note du séjour de celui qui est en excercice depuis
plus d'un quart de siècle : près d'un million d'euros, ou encore plus d'un
demi-milliard de francs CFA. A l'heure où des trains déraillent et font des
victimes, où les cultivateurs de maïs pleurent 3 milliards de francs qui leur
seraient un coup de pouce de taille pour augmenter leur productivité, où les
familles sont réduites à aller au "poteau" pour équiper leurs enfants pour la
rentrée scolaire faute de moyens, le président est en pleine relaxation avec son
épouse et des membres de son cabinet en Loire Atlantique.
Interrogé sur la présence du président camerounais dans ses hôtels de luxe, sur
les biens mal acquis ou sur la situation économique camerounaise, le maire de La
Baule s'est contenté de répondre qu'il n'était au courant de rien et "ne
s'engagera sur aucune question politique". Quoi qu'il en soit, les vacances
du président font couler beaucoup d'encre : les associations militantes de
Camerounais ont interpellé les dirigeants français sur la situation du Cameroun
et des vacances du président, les quotidiens et sites camerounais critiquant le
coût faramineux d'un tel séjour.
Comme il est souvent d'usage, le ministre de la communication a vivement réagi,
mettant en garde les opinions camerounaise et internationale contre "la
manipulation des média contre les forces tapies dans l'ombre". Des termes
qui rappellent le discours du président en Février 2008, où il s'était agi
d'apprentis sorciers qui avaient poussé le peuple à se révolter. Selon le
ministère de la communication, le président Paul Biya est victime dans cette
histoire, victime des forces tapies dans l'ombre. Il s'est aussi félicité de la
réaction de Yannick Urrien, journaliste français travaillant pour... La Baule+.
Dans le communiqué, le ministre a cité plusieurs fois le journaliste français,
qui a affirmé que le président avait le droit de prendre des vacances, d'emmener
avec lui son cabinet, et est allé jusqu'à relativiser le caractère luxueux des
vacances en les comparant aux vacances d'émirs ou de rock stars...
Mais comme souligné par le quotidien Mutations, qui a analysé la réaction du
journaliste, il n'y a aucune allusion à la situation économique du Cameroun ni
au montant des vacances mis en cause. Pas moyen de se faire une idée précise
dans le communiqué du ministre de la communication, qui a par contre beaucoup
insisté sur la manipulation médiatique. Concernant l'information, il a
simplement affirmé qu'elle provenait des médias français et avait été reprise en
masse par les médias camerounais. S'il sous-entend que les médias camerounais
ont repris l'information sans la vérifier, il n'a non plus jamais infirmé le
montant de la facture.
Mais si le ministère de la communication a joué son rôle qui était de servir de
relais au président de la République, les questions de corruption au ministère
de l'agriculture, de la flambée des prix des céréales et les accidents
récurrents de train au Cameroun sont par contre incontestables et avérés, et
attendent une réponse des autorités compétentes. Autant de chantiers qui
attendent le président de la République pour son retour au Cameroun.
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