Samuel Eto'o : mon cycle en Espagne touche à sa fin
C'est le dernier scoop alléchant de la planète football : Eto'o en a marre de ne
rien gagner avec le Barça. Celui qui a toujours fait jouer sa bonne humeur sur le
terrain, qui a été le premier à calmer les hostilités en défendant Ronaldinho, encensant
Henry, Messi ou Bojan a changé. Fini le temps des sourires et de la langue de bois,
le Camerounais critique ouvertement son club, et affiche son désir de changer d'air
à moins de gagner des titres. Est-ce une réelle volonté d'aller voir ailleurs, ou
un simple stratagème du goléador pour remobiliser troupes et dirigeants ? Il est
clair en tout cas que Barcelone survivrait très mal à un départ de celui qui n'en
finit plus de battre des records avec le club, et il ne serait pas étonnant de voir
les dirigeants s'activer sur le marché pour recruter des joueurs d'un calibre suffisant
pour permettre au club catalan de retrouver le chemin de la victoire.
Partir, est-ce toujours la solution ?
Si on peut comprendre la lassitude d'Eto'o, qui sur le terrain semble être le seul
à s'activer, à avoir encore l'envie et la volonté de gagner, on ne peut qu'être
pessimiste quant à son projet de partir chercher les récompenses en
Italie ou en
Angleterre. En effet, les exemples sont nombreux de superstars qui, au sommet de
leur gloire ont décidé d'aller dans d'autres clubs, pour un meilleur salaire, une
perspective de titre, ou la recherche d'un ballon d'or. Et en général, ça n'a pas
toujours été un succès.
L'exemple le plus criant se trouve aux côtés de l'attaquant, en attaque. En effet,
Henry a longtemps pesté contre dirigeants et staff d'Arsenal pour les pousser à
recruter, affirmant être tenté d'aller voir ailleurs. Lassé par le manque d'ambition
de son club qui n'a jamais réellement recruté de gros calibre, il a fini par s'en
aller pour venir à Barcelone. Même si la saison n'est pas finie, on peut dire aujourd'hui
que c'est un échec personnel et collectif. Les performances d'Henry peinent à venir,
et le club patauge, tandis qu'Arsenal a illuminé l'Europe, même s'ils n'auront pas
de titre. Nul doute qu'avec l'apport de l'international français, les Gunners auraient
raflé la cagnote en terme de titres.
Et l'histoire est souvent
bien cruelle. Patrick Vieira avait lui aussi quitté Arsenal pour la Juve, plus costaude
et plus mature selon lui en coupes d'Europe. L'année d'après, Vieira et ses nouveaux
coéquipiers avaient été éliminés en ligue des champions par... Arsenal. Même sanction
pour Owen, qui avait quitté Liverpool, fatigué de courrir après la 4e place et de
ne jamais aller très loin en ligue des champions. Depuis, ses ex-coéquipiers ont
gagné une C1, disputé une finale et joueront demain une demi-finale. Ronaldo avait
lui aussi rejoint les galactiques pour trouver la seule récompense qui l'a toujours,
fui, ce fut un échec total.
Shevshenko, Emerson, Anelka... Les exemples sont nombreux de joueurs ayant décidé
de changer de cap alors que tout allait bien, et qui se sont cassé le nez.
Pourquoi est-ce dangereux de partir ?
Sans vouloir remettre en question le talent de
Samuel Eto'o qui est indéniable, il faut savoir que changer de club, c'est faire
un double pari. Tout d'abord qu'on réussira à avoir un niveau de performance au
moins égal à celui qu'on connait, sous-entendu qu'on réussira à passer l'étape du
facteur intégration. Car il faut reconnaître qu'un joueur qui brille, quel que soit
le poste, c'est tout d'abord un joueur qui s'entend bien avec ses coéquipiers, qui
se sent bien mentalement par rapport aux supporters, aux dirigeants et même par
rapport à la ville. Mis à part quelques globe trotters reconnus comme Ruud Van Nistelrooy,
Hasselbaink ou Ronaldo, qui ont cartonné partout où ils sont passés dès la première
saison, il est dur, même quand on fait partie des meilleurs d'être constant lorsqu'on
déménage. Pour atteindre le plus haut niveau de performance, il faut aussi la constance,
les automatismes, la confiance qui ne s'acquièrent pas facilement.
Le second pari est celui
sur le club où on s'en va, qui doit faire mieux que celui d'où on vient, du moins
remplir les objectifs que le joueur n'a pas pu atteindre lors de sa précédente escale,
bien souvent la ligue des champions. Pari tout aussi risqué, car il suffit souvent
d'un rien pour faire basculer un club qui va bien : le départ de Beckham de Manchester,
ou de Makele du Real ont plongé deux équipes qui faisaient la référence Europe dans
un marasme total, et il a fallu bien des années aux deux pour retrouver la victoire
et se reconstruire. Et bien malheureux alors tous ceux qui avaient misé sur le standing des galactiques ou la légende d'Old Trafford pour leur assurer d'augmenter le nombre
de lignes de leur palmarès. L'expérience montre qu'en misant sur la stabilité et
la construction, on augmente en moyenne les succès plutôt qu'en s'en allant ailleurs
chercher mieux. Et des joueurs comme Pirlo, Steven Gerrard, Raul ou Paul Scholes
ne pourront dire le contraire, eux qui ont juré fidélité à un seul. Il est sur qu'ils ont connu des mauvaises passes, mais ils ont chacun pleinement profité de chaque
année où l'équipe a été compétitive.
Que doit faire Samuel Eto'o ?
Quoi qu'il en soit, la décision de partir ou de rester ainsi que les motivations
derrière ces choix n'appartiennent qu'au principal concerné, qui a lui même toujours
déclaré être maître de son destin et savoir exactement ce qu'il voulait. Alors que
les divers clubs d'Europe semblaient vouloir s'attacher ses services, il a eu le
nez fin en choisissant de poser ses bagages à Barcelone, avec la suite que l'on
connait : plus de 50 buts marqués, 2 ligas et une ligue des champions dans l'escarcelle.
On peut donc faire confiance au joueur quant à la suite de sa carrière, puisqu'il
ne s'est pas trompé jusqu'ici.
Mais au delà des simples résultats, il devrait tout de même peser le pour ou le
contre, et analyser les perspectives d'avenir que propose le FC Barcelone en termes
d'ambition, de recrutement et aussi de formation. Les exemples comme ceux d'Arsenal,
qui a recruté des jeunes qui explosent aujourd'hui, ou de Manchester qui a patiemment
attendu l'éclosion de Christiano Ronaldo ou de Wayne Rooney montrent bien qu'une
machine peut mettre du temps avant d'être huilée, et rouler des mécaniques quand
tout est en place. Affaire à suivre.
|