Genève 3 n’a pas été ponctuée de la poignée de mains chaleureuse qui avait cloturé les deux premiers épisodes, à l’issue du point de presse du trio Paul Biya – Kofi Annan – Olusegun Obasanjo. Cependant, le chef de l’Etat camerounais s’est dit "confiant" à l’issue du mini sommet d’hier. "Nous avons pris des décisions", prétend-il. Cependant, sa mine grave trahissait sa déception. Olusegun Obasanjo, plus serein dans l’échange avec la presse, n’a point cédé sur le point d’achoppement, pourtant vital pour la partie camerounaise la date du retrait des troupes nigérianes de la péninsule.
Le communiqué sanctionnant cinq heures de discussions est en cela un modèle de d’ambiguité diplomatique : "Un nouveau programme de retrait des troupes nigérianes sera mis au point et convenu dès que possible par les deux présidents et le secrétaire général" Le Camerounais se montre plus explicite. "Nous attendons que le chef de l’Etat nigérian nous fasse une proposition de date." Autrement dit, Olusegun Obasanjo dispose même d’un atout de poids : la fixation, à sa convenance, de l’agenda du départ de ses militaires de la presqu’île querellée.
Le statu quo est donc de mise sur ce sujet, et Yaoundé continuera de ruminer son agacement devant les atermoiements d’Abuja depuis le 15 septembre 2004. La veille de cette date théoriquement prévue pour le transfert effectif de Bakassi au Cameroun, Ahmedou Ould-Abdallah, le représentant de Kofi Annan en charge du dossier Bakassi, par ailleurs président de la commission mixte Cameroun-Nigeria, indiquait que "(…) l’opération prévue pourrait être retardée pour des raisons techniques inattendues." Abuja apportait une légère éclaircie à ce message brumeux, en évoquant des difficultés internes.Pourtant, de décembre 2003 à juillet 2004, aucun grain de sable n’avait enrayé la dynamique des transferts de souveraineté de part et d’autre.
Consolation
En guise de consolation, Paul Biya se contente de la relance du "processus de délimitation des démarcations de la frontière." Comme le laisse supposer le communiqué du secrétaire général des Nations unies, seule la frontière maritime est sujette à remises en cause, au regard des ressources halieutiques et en hydrocarbures en jeu.
Conséquence, l’évaluation de terrain de la démarcation, qui devait débuter en mars 2005, reste à l’état de projet, bien qu’on ait, par ailleurs, connu des avancées sur ce terrain. Du 7 au 9 fevrier, dans la capitale nigériane, l’équipe technique mixte de démarcation, composée d’experts du Cameroun, du Nigeria et des Nations unies, avait examiné une vingtaine de cartes préliminaires représentant les différents segments de la frontière.
L’un des obstacles à la réalisation de cette délimitation des frontières réside dans la pénurie des fonds. Déjà, Ahmedou Ould-Abdallah s’en était fait l’echo, lors de la douzième session de la commission mixte, en octobre 2004. Depuis lors, le fonds spécial d’affectation pour la démarcation prend progressivement du volume. La Grande Bretagne a déjà versé un million de livres sterling (près d’un milliard de francs Cfa). La Commission européenne y a injecté 400 mille euros (plus de 260 millions francs Cfa) et promet de multiplier sa contribution par dix, selon le communiqué sus-cité.
Yaoundé est donc réduit à compter sur ses amis pour qu’une pression intense s’exerce sur un Olusegun Obasanjo tenté de jouer, une fois de plus, la montre. En cela, l’implication de la France, qui s’est engagée en faveur du Cameroun dans ce dossier, comme cela a été réarffirmé par l’ambassadeur de France, lundi, au sortir d’une audience au palais de l’Unité, peut s’avérer salutaire.
Source: La nouvelle expression
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