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Correspondace: Affaire Dieudonné
(23/03/2005)
Correspondance concernant Dieudonné
Par Cameroon Info
Vouloir comparer la Shoah à l’esclavage est non seulement malsain, mais surtout une preuve d’ignorance de la logique de ces deux crimes contre l’humanité. Le danger est que les populations qui se reconnaissent victimes de l’un et de l’autre crime s’opposent alors même qu’elles devraient s’unir pour dire: plus jamais d’esclavage et plus jamais de génocide partout dans le monde. Opposer ces populations c’est surtout oublier qu’il existe toujours des poches de haine et de racisme qu’il faudrait combattre. Si l’on part de l’hypothèse que l’humanité court perpétuellement après plus d’humanisme et de tolérance, ce qui se manifeste de nos jours par le renforcement et la propagation de la démocratie républicaine, on se rend bien compte que, progressivement, on a fait des progrès et que beaucoup reste à faire. Depuis l’époque romaine, l’esclavage a longtemps été un fait social accepté par les sociétés qui l’avaient institué comme organisation normale du système de production. Ce phénomène qui a des fondations racistes, est la tyrannie au sens absolu, celle qui sanctionne une perte totale de la liberté et enlève à l’homme son caractère humain, le ramenant à une condition animale, condition qui donne à son maître un droit de vie et de mort sur celui sur qui il exerce un droit de propriété.

Le génocide des populations juives procéda de la même folie qui consiste à s’octroyer le droit de vie et de mort sur des hommes réduits à zéro puisqu’on leur retire tous les droits en s’érigeant en dieu alors qu’on est que des hommes comme eux. Mais il va même plus loin en réduisant à néant, c’est-à-dire en supprimant l’existence même des êtres réduits à la condition animale. Ce sont les Lumières qui l’ont introduit : le principe d’égalité de tous les hommes. L’homme entièrement libre doit être son propre dieu. Depuis l’intrusion de ce principe dans les sociétés occidentales, tout n’a pas été que « rose » et ne l’est toujours pas. Ainsi la shoah même a constitué un tournant dans l’élaboration du droit concernant l’esclavage. L’expérience des camps de concentration dont on vient de célébrer le 60ème anniversaire de la libération, le génocide des populations juives et tsiganes ainsi que d’autres catégories de populations (francs-maçons, homosexuels…), l’institution du travail forcé perpétués au nom de la supériorité d’une race sur d’autres ont transformé radicalement la réflexion sur la privation des libertés. L’un des crimes des nazis est d’avoir rétabli l’esclavage en Europe. Depuis lors, la traite et l’esclavage sont devenus un crime contre l’humanité reconnu universellement. Entre les conventions internationales et la pratique des Etats, il y a un grand écart et parfois les esclaves d’hier sont devenus les esclavagistes d’aujourd’hui. L’abolitionnisme est d’abord une lutte menée au sein même de la société occidentale dans son élan de démocratisation. L’Afrique doit avancer vers plus de démocratie afin d’être moralement à la hauteur. Le combat pour la mémoire de l’esclavage passe par là, car il se fait actuellement à armes morales inégales. Nous sommes en train de réduire nos populations à zéro en leur privant des droits les plus élémentaires et nous voulons mener des combats qui relèvent des valeurs républicaines qui nous sont encore très souvent étrangères. C’est une contradiction énorme.

Par ailleurs, l’esclavage et la colonisation qui l’a remplacé ont appartenu à un contexte socio-économique qui avait aussi une finalité économique. L’esclave avait au moins une utilité économique et une valeur marchande pour son bourreau. Le génocide c’est la haine absolue. Une volonté d’exterminer des populations afin de les réduire à néant. Ça suppose donc qu’elles n’ont aucune valeur, aucune raison d’être. Les opprimés, tant qu’ils sont en vie peuvent espérer une libération prochaine, mais « les morts sont morts ». Les une diront qu’il est préférable de mourir que de supporter d’être esclave et que l’opprimé est lâche tant qu’il supporte sont état. L’histoire a prouvé que l’oppression a toujours une fin si des luttes sont menées. Mais il faut du temps. Or l’extermination ne laisse aucun espoir aux victimes. Le but n’est pas seulement d’avoir le droit de vie et de mort sur elles, mais de leur retirer la vie en renonçant même à ce droit de vie et de mort. La question ne se pose plus en effet une fois que la « solution finale » est exécutée. L’industrie de la mort instituée par les nazis est si effrayante que je pense qu’il appartient à l’humanité entière de communiquer ses souvenirs aux nouvelles générations. L’Afrique, qui a connu d’autres génocides entre temps doit enseigner cette histoire monstrueuse à ses enfants. Ce n’est pas encore le cas et c’est pour cette raison qu’il y a cette opinion qu’exprime Dieudonné. Le grand danger pour moi n’est pas Dieudonné, mais la réalité de cette opinion qui naît d’une ignorance qu’il faut combattre. On nous dira qu’il n’est même pas possible actuellement de dispenser en Afrique à tous les enfants une éducation de base. Mais il faut faire quelque chose. Les télévisions africaines doivent diffuser autant de documentaires sur la shoah qu’on voit en Europe. Les programmes scolaires en Afrique doivent éviter de limiter l’enseignement de l’histoire à la colonisation et aux luttes des indépendances, mais mettre aussi au centre de ces programmes l’enseignement de la shoah et d’autres génocides afin de concourir à l’établissement de sociétés tolérantes et ouvertes. Car les populations africaines partagent la fausse opinion qu’on en fait trop sur la Shoah parce qu’on n’en fait pas assez à leur destination. Si bien qu’elles ne s’intéressent vraiment pas à cette véritable entreprise de la mort. Elles observent tout ça de loin et se plaignent de ce qu’elles ne connaissent pas vraiment. Dans le cadre de l’Afrique francophone, les institutions de la francophonie devraient mettre en place un programme d’enseignement commun sur la shoah afin que toute la jeunesse francophone soit informée.

A Dieudonné, je voudrais dire ceci : tu es un grand frère parce que tu viens d’où je viens : du centre du Cameroun. C’est-à-dire d’où est partie la campagne de libération de la France qui t’offre la liberté de t’épanouir aujourd’hui. Je t’ai souvent admiré parce que tu n’as jamais eu de complexe d’infériorité et que tu as su t’approprier les valeurs républicaines. Tu t’es servi de ces valeurs pour combattre le parti de la haine. Chez nous, on dit « qu’il n’y a qu’aux étrangers qu’on ne dit pas la vérité, dire la vérité à un frère est un devoir ». Je pense personnellement que tu déconnes au mieux, en espérant que tu n’es pas perdu. S’il te plait, sors de là. Non seulement tu cultives déjà la haine que tu combattais, mais aussi tu ne rends pas service aux populations africaines que tu enfermes dans une ignorance avec des jugements simplistes. Fais quelque chose qui fasse honneur à nos grands pères, morts pour la liberté. Ils se sont sacrifiés pour libérer ces camps de la mort et les populations africaines doivent mener le seul combat qui est le leur : faire de l’Afrique une terre de liberté garantissant à tout être humain sa dignité et son autonomie. Au lieu de retarder l’universalisation des valeurs démocratiques et républicaines par des combats injustifiables, rejoints ceux qui luttent pour la restauration complète de la dignité des Africains, sans chercher à segmenter l’humanité et à opposer les victimes des diverses oppressions.



Amvouna Atemengue Jean-Baptiste Martin
Président de l’association Diaspora Solidaire
Auteur de «Sortir le Cameroun de l’Impasse» ; l’Harmattan.
88 av. Aristide Briand 60 230 Chambly.
Tél : 06 19 69 91 77
E-mail : amvouna@caramail.com



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