Ainsi en a-t-il été de l’acte qui guide ces quelques lignes !
Je suis chercheur en histoire politique sur une thématique qui te semble chère et qui requiert nos consciences meurtries par la pesanteur du mensonge institutionnel, lui-même fortement alimenté par une forte pensée sclérosée depuis des siècles par des dogmatismes à la validité apocryphe et à la limite du fanatisme, gangrenés par des relents putrides de communautarisme et de conservatisme rédhibitoires à toute lecture contradictoire.
Vois-tu mon frère, je suis convaincu que ton réveil de conscience est justifié par un constat que nous faisons tous, à savoir la lecture univoque d’une histoire dont le socle serait fortement érigé en référence par des pseudo-penseurs qui se revendiquent d’une pensée universaliste, intrinsèque et pourtant fortement vindicative et subjectiviste; ceux-là mêmes dont les écrits et les actes incitent à une monopolisation de la souffrance et du martyr d’un peuple (le peuple juif), réduisant en dérision et euphémisant toute autre revendication communautaire dont les répercussions réduiraient considérablement le travail de mémoire depuis longtemps entrepris par les tenants de ce que tu qualifies, par souci de provocation de « pornographie mémorielle ».
Pour ces laudateurs de la sapience captieuse qui se drapent d’un cénacle de vertu et s’embaument d’un encensoir de sainteté pour asséner des enthymèmes manipulatoires aux circonlocutions insidieuses, tu fais absence d’une grande cautèle.
Chemin faisant, ton engagement souffre, à mon avis, d’une quadruple lacune :
1.- Tu occultes (peut-être ne t’en rends-tu pas compte !) de ton combat ceux-là mêmes qui en sont les victimes, à savoir les Noirs de toutes origines, les laissés-pour-compte de la conscience universelle dont tu te fais le porte-parole, et qui dans un souci (légitime ?) de satisfaction de leurs besoins physiologiques cèdent au chant des sirènes de l’uniformisation intellectuelle et du mutisme républicain. Tu devrais savoir, depuis Festinger, que toute novation, si elle n’est reprise par le corps social fait l’objet d’un rejet, or le corps social se nourrit de leaders d’opinions qui, dans le cas de ta communauté, sont minoritaires, voire insignifiants, voire même inconscients,
2.- Pour défendre ta propre cause (à mes yeux légitime, authentique et hypostatique), tu dénonces une autre communauté dont le martyr depuis des décennies révélé, fortement intériorisé, aux séquelles vivaces et douloureuses la pousse à faire de toi le parfait bouc-émissaire d’un délire paranoïaque obsessionnel ; autrement dit, tu fais de l’anti-communautarisme à l’envers, jouant ainsi le jeu de tes détracteurs farouchement communautaristes,
3.- Tu sors de ton champ de prédilection, l’humour et la satire pour rentrer dans le champ politico-intellectuel qui te sied mal, dont les mécanismes d’élaboration et de conceptualisation se prêtent mal au jeu de la pensée subversive et autonome, dénuée de toute inféodation économique, donc capitalistique à forte dominante industrielle (au sens d’Adorno et Horkheimer, de même qu’Edgar Morin ),
4.- Ce faisant, tu commets une erreur de positionnement très forte : tu prêtes le flanc à toutes sortes de stigmatisations au nom du monopole de la souffrance institutionnalisée depuis des décennies, donnant alors l’impression de refouler un antisémitisme latent, faille dont des chantres de cette intelligentsia communautariste que je qualifie de «veilleurs» (tels Claude Askolovitch du «Nouvel Observateur», Bernard-Henri Lévy, P.A Taguieff…tous comme par hasard aux origines connotées) n’hésitent pas à euphémiser pour te dénigrer, te « lapider », non plus non plus uniquement par rapport à ton combat, mais sur ta nature supposée judéophobe à leur idéation unilatéraliste, en stigmatisant ton ipséité, favorisant ainsi l’atteinte à ton intégrité physique et morale.
Tu devrais savoir depuis les attaques répétées ces dernières années sur Tariq Ramadan, intellectuel, (de confession musulmane, cette fois-ci) dont le constat d’une montée en puissance d’un communautarisme rédhibitoire à toute interrogation, guidé par des références identitaires non pas républicaines mais sectaires et donc exclusives et anti républicaines (celles-là), a fait couler beaucoup d’encre, qu’il existe dans ce pays, le tien, le mien, une veille effrénée exercée par des gardiens du temple au fanatisme monothétique et rétrograde !!! La seule différence au contraire de toi fut que, outre son sens poussé de la rhétorique, Tariq Ramadan, lui peut compter sur une plus grande réceptivité de son auditoire et un soutien sans failles de sa communauté !!!
Tu faillis là à une des règles fondamentales des sciences humaines qui n’ont pas pour but premier d’agir directement sur le monde, mais de lui donner sens. Et pour cause ! L’on doit bien à la vérité de reconnaître que tu ne t’es jamais revendiqué tel. Tu devrais t’appuyer sur des travaux de recherche effectués par des intellectuels, des spécialistes de la pensée critique, et sur des sources inaliénables que seule l’exigence de rationalité qu’apporte la recherche pourrait légitimer et normativiser.
Tu pourrais, à titre d’exemple, t’appuyer sur des chercheurs dont les thèmes de recherche se rapprochent précisément de ta problématique et qui défendent une conception plurielle du monde ainsi qu’une approche contradictoire de la pensée.
Tu as choisi de t’entourer de personnes de ta communauté, dont les seules références consistent dans le mirage qui leur est fait d’une reconnaissance médiatique biaisée par la forte propension à satisfaire leur besoin alimentaire, leur quête désespérée de survie, et qui n’ont pas hésité par pusillanimité à se désolidariser de toi au premier accroc qui aurait donné d’eux l’impression de se ranger du côté de la stéréotypie propagandiste que l’on t’accuse d’incarner ; ces personnes-là, (et nous les connaissons tous très bien, à l’instar de Calixte Beyala), qui se revendiquent d’un intellectualisme forcené et auto-proclamé pour satisfaire à une exigence de crédibilité publique, ne sont rien moins que des tenants d’une philosophie du moindre risque. Ainsi, pour elles, mieux vaut accepter cet état de ladrerie (pour reprendre une expression de Louis Sala-Molins ) que de dénoncer des actes qui de toutes façons « font partie du passé . Ce même passé qui, si nous y regardons de très près, engendre aujourd’hui encore dans nos actes et réflexes de graves séquelles, tant dans ses incidences dans notre rapport aux autres que dans leur regard sur nous, de même que sur notre visibilité politique et sociale.
Ensuite, tu t’es retrouvé seul, te coupant ainsi des véritables amis de la vérité, dont travaux de recherche et systèmes de valeurs convergent vers une exhortation à une plus grande objectivité dans l’analyse dialectique des questions sociales ; par cet isolement relatif, tu t’exposes à toutes sortes de diffamations et d’accusations qui sont autant d’actes de mésinformation générant de la désinformation dont ta carrière ne pourrait que souffrir.
Ces personnes, dont je me revendique, et qui se réclament d’une conception éthique du monde et d’une approche objective des questions sociales dénoncent autant les actes d’antisémitisme que d’antikémitisme qu’aucun scientisme ne saurait tolérer !!!
Sur l’essentiel, je suis heureux que nous soyons d’accord, même si la forme que prend ton combat relève plus de maladresses dues à une culture essentiellement livresque et parcellaire, qu’à une recherche fondamentale irréprochable ; je supporte ton combat que tu auras eu le mérite de porter sur la place publique et désormais, toute campagne, tout acte, toute considération à caractère anti-noir devra faire l’objet d’une stigmatisation pour antikémitisme que les chantres de l’amour universel devront condamner avec autant de vigueur qu’ils mettent à baptiser les dénonciateurs de corporatismes juifs, d’antisémites ; la lutte acharnée (car c’en est une de tous les jours) qui nous incombe, je la mène moi-même en souterrain depuis des années (je fus même un temps directeur de campagne pour les dernières législatives de la liste « France Diversité » menée par Dogad Dogoui...)
Je pense pour ma part, cher Dieudonné, que tu es sincère dans ton engagement pour la représentativité et la visibilité des Noirs, pour la reconnaissance du martyr de ton peuple que les tabous, sans doute dus à une culpabilité refoulée et que l’histoire républicaine nous invite à taire, mais à qui l’histoire donnera inéluctablement raison car comme le disait un juif célèbre: «Tout comme le bien, le vrai se diffuse tout seul.»
Henri Georges MINYEM Chercheur en histoire politique - PARIS
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