Bonjour Idy, Tu es un brillant artiste ce qui a attiré notre attention aujourd’hui. Peux-tu te présenter aux Bérinautes ?
Je suis né en 1977 à Mayo-Oulo dans les montagnes du nord du Cameroun. J’appartiens à l’ethnie Peul et Mon nom de baptême est Idrissou-Mana. J’ai fait partie, quand j’étais encore au Cameroun, du groupe Faadah Kawtal. Je vis actuellement dans le sud de la France ( Angoulême) ou je continue à travailler ma musique. Mon nom de scène est IDY qui est le diminutif de mon nom de baptême musulman Idrissou et OULO qui signifie flèche en Foul-Foul-De (ma langue) car mes ancêtres ont beaucoup lutté pour son existence.
Depuis quand chantes tu ? Comment t’es tu retrouvé dans l’univers de la musique ?
J’ai été intéressé par la musique dès l’age de 11 ans, par les percussions et la guitare. Cependant, ayant grandi dans la cour royale, il était difficile de s’adonner à ce genre de loisirs car la musique était mal vue et surtout réservé aux familles de griots. Peu à peu, en cachette, j'ai commencé à fabriquer toutes sortes d’instruments avec des conserves et du nylon et, j’ai eu ma première guitare (Garaya) grâce à des bergers lorsque j’ai été en vacances chez ma grand mère. Puis, mon instituteur de l’époque m’a appris les notes en guitare et enfin, lorsque je suis arrivé à Douala, j’ai pu intégrer le groupe Faadah-Kawtal.
En écoutant ta musique, nous ne sommes pas arrivés à te situer musicalement. Comment définis tu ta musique et d’où tires-tu tes influences ?
Je définirais ma musique comme étant ce qu'on appelle communément la musique du monde, ce créneau qui englobe World music, Jazz et Reggae. Néanmoins, je pense pouvoir interpréter tous types de musiques même si celui que je préfère de loin reste le reggae à l’africaine, un peu comme Mory Kante ou Alpha blondy. Mes influences musicales sont le Makossa et les musiques mandingues de l’Afrique de l’ouest, pays dans lesquels on retrouve aussi des peuls.
Quels sont tes faits d’armes artistiquement parlant ?
Je vous parlerais d’abord de mes faits d’arme avec le Groupe Faadah Kawtal qui m’a permis d’être là où je suis aujourd’hui : Composition de la musique originale du film « le maître des éléphants » en 1995, Prestations au Masa en cote d’ivoire en 1997, participation à la cérémonie d’ouverture de la coupe du monde en 1998 place de la concorde puis, tournée européenne en 2000 après laquelle je décide de m’installer en France après le passage aux festival des musiques métisses d’angoulême.
Mes faits d’armes personnels sont, sur le plan musical, le prix du lauréat au concours musique et danse en 2002, ainsi qu’une place de finaliste aux découvertes du Printemps de Bourges. En octobre 2003
, j’ai été sélectionné comme lauréat du Label mozaic du crédit agricole et Universal Music de la région Charente-Perigord. Sur le plan cinématographique, j’ai participé à un fil appelé Loby en 1997 au dernier comptoir colonial( Zone portuaire de Douala) et dans un téléfilm « l ‘homme qui venait d’ailleurs » qui attend d'être diffusé sur France 2.
Quels sont tes ambitions en tant qu’artiste ? Quels sont tes projets ?
En tant qu'artiste, on a effectivement tous des ambitions : faire des collaborations avec d’autres artistes, prévoir des albums mais malheureusement, quand on n'a pas encore de producteur, tout cela reste à l’état de projet, de planification, mais après, la réalisation reste toujours plus complexe. Pour le moment, je dirai donc que concrètement, j’ai un album qui paraîtra vers fin Avril – début Mai de cette année.
On a remarqué que tu chantais en Dialecte, étant Francophone à la base et vivant actuellement en France, pourquoi n’avoir pas chanté en Français ?
Le Français est pour moi une langue de communication , une langue d’affaires, c’est la langue indispensable pour communiquer avec mes collaborateurs ici. Mais le fait est que, le Peul est ma langue maternelle, ma mère m’a toujours parlé peul. Quand je chante en Français, je n’arrive pas à ressortir les mêmes émotions que quand je chante en Peul. Ce sont mes tripes qui sortent quand je chante en Peul, c’est ma culture qui résonne, mon inspiration vient de ma tribu, c'est de là que je tire mon essence, c'est mon âme. Et ne dit-on pas souvent que l'âme d’un peuple réside dans sa culture ?!
En tant qu’artiste noir en France , quelles difficultés rencontres tu ou as tu déja rencontrées ?
Vous savez… les difficultés existent partout. Moi ici en France, je ne sais pas si je peux dire que j'ai rencontré de réelles difficultés dans le sens où je ne sais si ça aurait été différent si j'avais cherché à me produire dans un autre pays. Je vais vous expliquer deux trois choses : je pense que certaines difficultés découlent généralement du fait qu’il y a qu’un seul décideur et que, si celui ci est subjugué par la chanson ça passe sinon, dans le cas contraire, même si on pense que la chanson est bonne ou qu'elle l'est effectivement, elle passe à la trappe. Je pense aussi qu’il ne faut pas mélanger la musique préfabriquée et la musique noire. Nous sommes dans un pays qui n’a pas une racine noire profonde, c’est donc tout à fait normal que ce genre de musique se vende moins et donc que ce ne soit pas facile de trouver des personnes prêtes à se lancer avec vous. Je rajouterai quand même que la musique Africaine est trop riche, elle est l’inspiration de beaucoup de grands artistes actuels aujourd’hui en France, il faut donc que certains artistes Africains ne fassent pas dans l’imitation, dans la dénaturation de leur essence musicale, conservent cette culture, de façon à la promouvoir et toucher, séduire ainsi un nouveau public, ça facilitera peut-être les choses. Je pense enfin que, même dans les difficultés, un vrai artiste doit être content de ce qu’il apporte, du message qu’il véhicule, être content de son art. La musique est un charme, quand on l’écoute, on l’adore et il faut savoir l'utiliser pour séduire le public.
Parlant de message à véhiculer, l’on a constaté que le contenu des chansons de nos artistes en Afrique n’est généralement pas beaucoup engagé par exemple socialement et politiquement, Est ce pour toi par crainte de sanctions ?
Je ne pense pas. Je pense plutôt que chaque artiste est marqué par quelque chose, chaque artiste a une sensibilité différente et la retranscrit de manière différente. Moi, pour ma part, je parle de la souffrance africaine, je parle de la haine religieuse qui n’a pas lieu d’être et de la reconnaissance de la négritude. L’Afrique doit s’unir, la lumière doit jaillir car on est encore trop dans l’obscurité.
Le musicien Africain et Camerounais en particulier peut-il vivre de sa musique ?
Vous savez, pour tout artiste, vivre de son art est très compliqué. J’ai remarqué que, quelques fois, les artistes ici en Europe dénaturent leur style musical pour se mettre à jour si on peut dire en utilisant par exemple trop de synthétiseurs. Ce n’est pas la démarche à avoir, du moins je le pense, je suis toujours resté proche de mes racines et je pense que tout artiste africain devrait en faire autant. Maintenant, c'est vrai que le système pousse des fois les artistes à faire n’importe quoi, justement pour en vivre et ça, c'est vrai que ce n’est pas évident.
Ecris tu tes chansons toi même ou te contentes tu de les interpréter ?
Je suis auteur compositeur interprète. Par contre, Il m’arrive de reprendre des chansons qui m’ont particulièrement touché et que j’ai trouvé belles. Je les reprends pour faire un hommage.
Comment justement procédez vous pour écrire et composer vos chansons ?
Je n’ai pas d’inspiration particulière. Ca peut être quand je rêve, quand je suis nerveux, quand il pleut, quand il fait froid, bref ça dépend des circonstances de la vie…
Si tu rencontrais d’autres jeunes qui voudraient se lancer comme toi dans la musique, quels conseils leur donnerais-tu ?
Je lui dirai : « Mon grand, Bosse beaucoup, ne compte sur personne, compte sur toi même ». Ce milieu là est un milieu très ingrat où il n’y a vraiment pas d’entraide.
Il vaut mieux passer son temps à écouter les réprimandes d’un professeur de chant, de musique que de perdre son temps à suivre et attendre des promesses qui très souvent, n’aboutissent à rien. Je pense qu’un travail bien fait finit toujours par avoir un salaire.
Quelle est la rencontre musicale que tu as le plus appréciée ?
Je pense que c’était Alpha Blondy. C’est une légende, un monument, il a créé un style de reggae particulier, unique, Africain. Il a inventé un style de musique inimitable. Il a tout fait. Et en plus, humainement aussi, c'est quelqu'un de très bien et tout ça, je n'ai pas manqué de le lui dire...
Que deviennent vos partenaire de Faddah Kawtal ? Allez vous un jour reprendre tous ensemble pour reformer le groupe mythique Faddah Kawtal?
Nous sommes toujours en contact et nous avons joué dernièrement ensemble en Allemagne. Reprendre ensemble ? Pourquoi pas. Idy Oulo doit beaucoup à Faddah Kawtal et je ne rechignerai pas à y retourner si l’occasion se présente ou si jamais il avait besoin de moi.
As tu un message particulier pour tes mélomanes? pour l'afrique?
Pour mes mélomanes je serais bientôt dans les bacs avec un album à paraitre Fin avril- début Mai.
Pour l'afrique et surtout pour le cameroun qui est ma patrie, je dirai qu'il faut que nous restions unis, l'union fait la force, c'est ce qui fera avancer notre pays et l'afrique en général, surtout si nous tirons tous dans le même sens.
Quelle question ne t’a pas été posée et que tu aimerais qu’on te pose et un dernier mot ?
Nous avons fait vraiment le tour je pense, tout m’a été posé. Tout ce que je peux rajouter, c’est que j’aime bien ce que vous faites pour la jeunesse Camerounaise, à savoir lui fournir un canal d’informations tel que Bonaberi.com , Continuez comme cela malgré les embuches que vous devez parfois rencontrer...Ce fut un plaisir d’être interviewé par vous.
Merci Idy de nous avoir consacré ton temps sachant que tu es actuellement en studio, bonne continuation pour la suite.
Pour plus informations sur Idy-oulo et pour découvrir certaines de ses chansons:
http://www.idyoulo.com
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