Rechercher
Rechercher :
Sur bonaberi.com   Google Sur le web Newsletter
S'inscrire à la newsletter :
Bonaberi.com
Accueil > News > Société
Payées au noir, les immigrées lavent plus blanc
(14/01/2005)
Des personnages sans vergogne emploient au détriment de la pauvreté des africaines "au noir"...
Par Le Messager
Un système mafieux


"Plus aucune société de nettoyage n’est correcte. Tout le monde a baissé les prix, via la sous-traitance", constate amèrement Christian Bouchat, du secteur alimentation de la Fgtb, un grand syndicat belge. "Avant les années 90, les femmes de chambre étaient partie intégrante du personnel des hôtels", précise-t-il. Mais l’activité est cyclique et le besoin de personnel se fait surtout sentir durant les week-ends et les périodes de vacances.
Pour gérer ces fluctuations, les hôtels se sont d’abord tournés vers l’intérim. Mais cela revient deux fois plus cher que d’engager du personnel. De plus, la demande est systématiquement supérieure à l’offre : tous les hôtels ont besoin de femmes de chambre aux mêmes moments. De ce casse-tête, certains ont fait une mine d’or que le syndicat a étudiée parce qu’en bout de chaîne, il y a des femmes, africaines surtout, contraintes de travailler dans l’illégalité.


D’après la Fgtb, cela fait dix ans que les frères Dardenne (rien à voir avec les cinéastes belges du même nom) se retrouvent à la tête de nombreuses sociétés qui "emploient" des femmes de chambre pour nettoyer les hôtels luxueux de la capitale européenne à des prix imbattables. "Les sous-traitants n’appliquent pas les barèmes de la commission paritaire du nettoyage, explique Christian Bouchat, mais ceux de l’Horeca (Hôtels-restaurant-café)." La différence ? Dix euros de l`heure en moins pour l`employeur, car la rémunération minimale est plus faible et les primes de week-end inexistantes. Les sociétés sous-traitantes ont aussi des statuts tellement flous et étendus que leur activité principale ne peut être identifiée, ce qui leur permet d’échapper à la réglementation.
Une de leurs entreprises, "la société Bianca, ne déclare qu’une partie de ses employées, explique le syndicaliste. Et paie le reste au noir, par l’intermédiaire d’une sous-traitance bidon, qui empoche sa commission au passage". La sous-traitance en cascade sert aussi à brouiller les pistes. Dès qu’une société risque d’être repérée par les autorités, une autre, qui jusque-là "dormait", rachète ses contrats commerciaux. "Les filles sous contrat avec la première société sont contraintes de signer un nouveau contrat, avec perte de salaire et sans ancienneté, ce qui est illégal, précise-t-il. Celles qui refusent sont menacées et finissent souvent par signer. Celles qui posent trop de questions sont licenciées." Selon un ancien directeur d’hôtel, au vu de l’ampleur du phénomène, il est impossible que les hôteliers n’en sachent rien...


Exploiter l`ignorance


"On ne nous déclare que deux heures par jour, témoigne Aïcha (nom d’emprunt), dans le bureau de Christian Bouchat. Nous sommes censées faire 4, 6, parfois 9 chambres par heure,
selon les hôtels, si on se fie aux déclarations. Mais c’est impossible". Les autres heures, nécessaires, sont donc payées au noir. La productivité des travailleuses est sans cesse poussée à la hausse : elles doivent faire 18 chambres par jour. "ça vous casse une fille", déplore M. Bouchat. Ces sociétés trouvent cette main-d’œuvre corvéable parmi les femmes immigrées : 95 % des travailleuses concernées sont originaires du Maroc et de pays d’Afrique noire. Elles profitent de leur ignorance : la plupart parlent mal français et ne comprennent pas vraiment la différence entre être payées au noir ou être déclarées. Pour les employeurs, ne pas les déclarer permet d’échapper aux taxes professionnelles et sociales perçues par l’État. Pour les travailleuses, c`est un gros risque, car si elles sont contrôlées, elles peuvent perdre toute aide sociale pour de longs mois. En outre, comme leur emploi n`existe pas légalement, elles n`ont aucune possibilité de recours face aux abus de leur patron.
Mais elles n’ont pas toujours le choix. Souvent, ces femmes sont seules et ont des bouches à nourrir, dans un pays où la discrimination à l’embauche est encore terriblement importante, comme en témoigne Lila (nom d’emprunt) : "Certaines sont nées et ont fait leurs études ici ; elles pensent que c’est leur pays, mais l’intégration, c’est zéro. La majorité des employeurs écartent la candidature d’une Africaine au profit d’une Belge. Dans les hôtels, c’est différent, ils savent que nous nettoyons bien ; ils se disent que nous sommes faites pour ça". Une récente enquête réalisée par l’Université d’Anvers et l’Institut national de statistiques révèle que les personnes issues d’un pays non européen connaissent un taux de chômage 4 fois plus élevé que les Belges : 29 % contre 7 %. L’étude confirme aussi qu’à qualification égale, elles ont plus de mal à trouver un emploi.


Engrenage


Les femmes signent donc un contrat, sachant qu’elles vont devoir travailler dur, mais qu’elles gagneront le double du salaire qu’elles peuvent espérer ailleurs, vu leur faible degré de qualification. Le double, parce qu’elles cumulent leur salaire et un complément de chômage lorsqu’elles sont déclarées à mi-temps. Parfois, elles sont engagées à temps plein et mises par la suite en "congé maladie", ce qui leur donne accès aux indemnités, tout en continuant à travailler.
Des pratiques qui leur profitent à court terme mais se retournent contre elles au bout du compte. Lorsqu’elles veulent faire marche arrière, parce qu’elles ne tiennent plus le rythme, qu’elles ne sont plus d’accord avec ce système mafieux, ou par peur, les femmes doivent littéralement arracher une attestation d’emploi à leurs employeurs, pour autant qu’elles y arrivent. "Elles ont peur, risquant d’être dénoncées pour le passé, précise C. Bouchat, et de perdre le droit aux indemnités de chômage." Et donc d’être condamnées à rester dans les zones d’ombre du marché noir où, si la monnaie est parfois sonnante, le droit, lui, va toujours trébuchant.



Partager l'article sur Facebook
 
Discussions Discussion: 2 bérinautes ont donné leur avis sur cet article
Donnez votre opinion sur l'article, ou lisez celle des autres
Sur copos Sur Copos
Les vidéo clips Les vidéos clips
Récents Récents


Accueil  |  Forum  |  Chat  |  Galeries photos © Bonaberi.com 2003 - 2025. Tous droits de reproduction réservés  |  Crédit Site