Trois d’entre eux raclent le " fond " de la citerne. Quatre jouent aux policiers, deux de chaque côté de la route. Une voix sort d’une petite cachette. " Je peux traverser ? ". " Yes, Came ", répondent en chœur, et en pidgin, les adolescents. Un homme aux biceps bien arrondis peut alors traverser, comme un éclair, la route pour se réfugier derrière le pâté de maisons situées dans le périmètre de sécurité de la SCDP. A Bessengue, chaque fraudeur a un rôle bien défini. Leur tactique vise en fait à mieux maîtriser les mouvements des policiers en faction au poste installé à l’entrée du site.
Blaise Avebe, le chef de dépôt de la SCDP de Bessengue, avait attiré notre attention sur cette fraude qui se déroule à ciel ouvert, au nez et à la barbe de tous. Cette fraude qui consiste à vider les fonds des camions citernes n’est que l’une des formes de tricherie opérée sur les produits pétroliers. Il y en a plusieurs. Elles vont du mélange des carburants au détournement des destinations en passant par la manipulation des faits, des chiffres et le non-respect des procédures. Un participant au point de presse donné hier à Douala par le gouverneur du Littoral, Gounoko Haounaye, a eu le mot juste.
" La fraude intellectuelle est plus pernicieuse que tous les autres types de tricherie opérée sur les carburants ". A Douala, le sujet suscite un vif intérêt. Il a attiré beaucoup de monde. Autour du gouverneur, il y avait les autorités administratives et municipales du Wouri, le directeur général de la Société des dépôts pétroliers du Cameroun (SCDP), Jean Baptiste Nguini Effa, les représentants des marqueteurs (Mobil, Texaco, Total), les forces du maintien de l’ordre et de la sécurité et les différentes administrations concernées par ce fléau.
Selon les chiffres communiqués à la presse, lors de l’exercice 2001/2002, l’Etat a perdu environ 32 milliards du fait de la fraude sur les produits pétroliers. Dans ce gouffre, le trou de la seule province du Littoral est estimé à 16 milliards. Voilà pour les conséquences économiques.
Causes identifiées
Pour les incidences écologiques et sécuritaires, on peut retourner en arrière pour mieux apprécier le caractère sensible de la question. 14 février 1998, des centaines de personnes périssent dans un incendie à Nsam à Yaoundé du fait de la fraude sur les produits pétroliers. La distribution des produits pétroliers répond au découpage géographique des différents dépôts.
Douala alimente le Littoral. Yaoundé ravitaille les provinces du Centre, du Sud et une partie de l’Est. Le dépôt de Belabo satisfait les besoins de l’autre partie de cette vaste province. Le dépôt de Bafoussam est destiné au marché de l’Ouest alors que celui de Ngaoundéré a été construit pour alimenter l’Adamaoua et le dépôt de Garoua devrait couvrir les marchés des provinces du Nord et de l’Extrême Nord. Les provinces du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont ravitaillées par la Sonara. Il n’est pas normal qu’un camion citerne parte de Douala pour Limbé ou Douala, tout comme il n’est pas juste qu’un gros porteur à destination du Tchad ou de la RCA, par exemple, se retrouve à Youpwé ou à Mouanko.
Les camions en transit ou destinés à l’exportation sont exonérés de taxes. Ils ne devraient pas se retrouver sur le marché camerounais. Au terme de profonds exposés, les causes de la fraude ont été identifiées. Les normes présentées. Comment se fait-il donc que les gens qui maîtrisent tant le sujet ne parviennent pas à éradiquer le mal ? La question était sur toutes les lèvres, même sur celles de ceux qui sont accusés à tort ou à raison de nourrir cette fraude.
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