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L’ambassadeur de France s’en prend au Messager
(17/11/2004)
L'ambassadeur de France critique vivement le messager, qui lui répond, point par point.
Par Le Messager
En laissant entendre que la France, au cours des événements du 6 au 12 novembre, aurait voulu opérer un coup d’Etat en Côte-d’Ivoire, vous trompez sciemment vos lecteurs, qui ont le droit de connaître la vérité.

La vérité, la voici : le gouvernement de Côte-d’Ivoire avait indéniablement lancé une offensive militaire contre les Forces nouvelles. Il l’avait fait en violation du cessez le feu qu’il avait lui-même signé, et de ses engagements réitérés. La France, avec le dispositif militaire Licorne, de même que les Etats de la Cedeao (Sénégal, Togo, Niger, Ghana), qui ont des troupes sur le terrain, ne pouvait pas rester sans réagir face à cette rupture du cessez-le-feu : elle a d’abord tenté à tous les niveaux, et par tous les canaux possibles, de persuader le gouvernement ivoirien de suspendre son attaque. Le mercredi 3 novembre, le président de la République française, M. Jacques Chirac, avait lui-même appelé son homologue ivoirien pour le dissuader de rompre ainsi, unilatéralement, les accords qu’il avait conclus.

Chacun connaît la suite des événements : la lâche agression dont ont été victimes, par des moyens aériens, les forces françaises d’interposition s’est traduite, à Bouaké, par la mort de neuf soldats de la paix et d’un civil américain et par trente-quatre autres blessés. A cet égard, je note que votre journal n’hésite pas à mettre odieusement en doute la réalité de ces morts et blessés, sous votre signature : “ les tirs qui auraient tué neuf soldats français ” (cf. éditorial du 15 novembre “ Guerre coloniale ”). L’engagement des forces françaises au service du maintien de la paix rend particulièrement intolérable la mort de ces soldats. Cette agression délibérée ne pouvait rester sans une réponse de légitime défense : elle a entraîné la destruction de l’aviation qui en était responsable - c’est-à-dire, vos lecteurs doivent le savoir, des aéronefs achetés à grand prix par le gouvernement ivoirien auprès de marchands d’armes, et pilotés, non pas par des pilotes de l’armée ivoirienne, mais par des mercenaires en provenance d’Europe orientale.

Par la suite, l’intervention de l’armée française, à Abidjan, n’a pas eu d’autre objectif que d’assurer la sécurité des ressortissants étrangers, et notamment français, qui se trouvaient gravement menacés par les appels à la haine que lançaient alors certains responsables, notamment à la télévision d’Etat. C’est cependant souvent en coopération avec l’armée ivoirienne que les forces françaises ont pu sécuriser la quasi-totalité des communautés étrangères, et assurer leur transfert vers l’aéroport d’Abidjan, en organisant notamment des patrouilles militaires mixtes franco-ivoiriennes. Un grand nombre de ces ressortissants étrangers, souvent très anciennement implantés en Côte-d’Ivoire, ont été malmenés et plus ou moins gravement blessés par des personnages surexcités par les discours haineux qu’ils entendaient alors sur toutes les ondes. Plusieurs cas de viols ont été recensés.

Il n’est pas sérieux de la part de votre journal de présenter comme un réflexe de défense patriotique ce qui n’a été qu’appel à la haine, d’une part, lâcheté et débordement d’agressivité, d’autre part. Ce sont les “ Blancs ” qui sont aujourd’hui désignés à la vindicte collective. Hier, c’étaient les Maliens, les Burkinabés… Quant aux Ivoiriens, qui, pour la plupart d’entre eux, militaires aussi bien que civils, ne se reconnaissent pas dans le discours xénophobe des extrémistes, ils savent exactement pourquoi les forces militaires françaises sont présentes en Côte d’Ivoire ; ils se souviennent que, en septembre 2002, la France a évité un coup d’Etat et une guerre civile en s’interposant entre les belligérants. Ils n’ont pas oublié que c’est en coopération avec ses partenaires africains, et dans le cadre d’un mandat des Nations Unies, adopté à l’unanimité par le Conseil de sécurité, qu’elle y œuvre au maintien de la paix, notamment en s’efforçant de convaincre chacune des parties d’appliquer les accords de Marcoussis et d’Accra III. Enfin, au-delà des polémiques aussi vaines que dangereuses, ils constatent qu’elle s’en tient strictement à ce mandat que lui ont confié non seulement la communauté internationale, mais aussi les Ivoiriens eux-mêmes.

Ils savent, en effet, que la guerre civile dans laquelle certains cherchent à les entraîner ne pourrait que plonger leur pays dans l’anarchie, la régression économique, la misère.

Ainsi, contrairement à ce que vous laissez croire à vos lecteurs, loin de faire la guerre à la Côte-d’Ivoire ou de chercher en quelque manière à déstabiliser son gouvernement, la France y est aujourd’hui la garante de la paix civile. Très éloignée de la duplicité politique et des arrière-pensées que d’aucuns lui prêtent, la France n’a d’autre objectif en la matière que d’assurer, aux côtés des Ivoiriens eux-mêmes, une Côte-d’Ivoire solide, prospère et stable ; son intérêt ne se dissocie pas de celui du peuple ivoirien, elle n’a pas d’autre but que de maintenir la stabilité économique et politique de cet acteur essentiel de l’Ouest africain. C’est pourquoi elle continuera à travailler pour faire entendre les voix de la raison, de la modération, de la réconciliation, et pour faire sortir ce pays ami de la crise où veulent l’enfermer les hérauts de la haine et les chantres de l’affrontement civil.

Chacun sait que dans ce type de crise, la solution ne peut être que politique et pacifique et non pas militaire, ainsi qu’ont pu encore le réaffirmer les chefs d’Etat africains, réunis à Abuja, le 14 novembre, sur l’initiative du président de l’Union africaine, le président nigérian Olusegun Obasanjo. Lors de ce sommet, les chefs d’Etat africains ont, notamment, condamné le recours à la force, apporté leur soutien à un embargo sur les armes et appuyé les forces de maintien de la paix en Côte-d’Ivoire.

Au-delà, la solution politique implique l’application des accords de Linas-Marcoussis et d’Accra III par toutes les parties, et notamment le vote des lois prévues par ces accords. L’objectif demeure l’organisation d’élections présidentielles d’ici octobre 2005. Dans l’immédiat, le Conseil de sécurité des Nations-Unies est saisi d’un projet de résolution destiné, notamment, à imposer l’embargo sur l’importation d’armes qui ne pourraient qu’aggraver encore un peu plus la situation.

Quant à ceux qui, dans leurs discours et leurs articles, cherchent à propager le ressentiment et la haine ethnique ou raciste, ils ont déjà sur la conscience la mort ou la disparition de plusieurs journalistes en Côte-d’Ivoire. Qu’ils sachent cependant que le temps viendra où, aux termes de la loi internationale, ils auront à répondre des conséquences de leurs propos.



Note de la rédaction (Le Messager)

Monsieur l’ambassadeur de France à Yaoundé, votre réaction appelle de notre part un certain nombre d’observations :

1 - Loin d’être un droit de réponse comme vous l’avez intitulé, il s’agit d’une mise au point ou, si vous le voulez, d’un rectificatif, le diplomate que vous êtes n’ayant pas été mis en cause dans le texte ou les textes incriminés.

2 - Vous parlez de sous-entendu venimeux s’agissant du traitement que nous avons fait d’un document à nous adressé par votre collègue ambassadeur de Côte d’Ivoire à Yaoundé ; si nous en assumons le titre (Le coup de l’Etat français en Côte d’Ivoire) qui pour nous résume la chronologie des faits relatés dans la correspondance de l’ambassadeur ivoirien, le contenu, par contre, ne saurait engager notre responsabilité.

Ceci étant, Le Messager, il faut bien le rappeler ici, est un journal libre qui ne saurait laisser percevoir sa position sur une question donnée à travers des “ sous-entendus ”. Le Messager est une voix ; il a une voie claire qui, au nom de la liberté d’expression, se veut intelligible. Cette liberté se traduit au quotidien par le soin que nous prenons, en toute responsabilité, à enrichir l’opinion publique d’éléments d’analyse, au besoin contradictoires, pour lui permettre de se faire un jugement propre sur les événements comme ceux dont la Côte d’Ivoire est le théâtre aujourd’hui. Et la publication de votre présente réaction en est une preuve. Tout comme diverses contributions contradictoires publiées régulièrement dans ces mêmes colonnes, parmi lesquelles la chronique hebdomadaire de Dr. Shanda Tonme dont la position ô combien favorable à la France nous a des fois valu des désagréments…

3 - Le Messager est un journal sérieux, et sa crédibilité ne saurait souffrir d’aucune contestation quand bien même il prendrait le contre-pied de la France dans la tragédie qui se noue en Côte d’Ivoire. Notre journal n’a pas une déontologie, car la déontologie est générale à l’ensemble d’une profession, à un corps de métier. Or Le Messager est et demeure, jusqu’à preuve de contraire, un journal et ne saurait avoir de déontologie différente de celle qui régit le métier de journaliste. Sans doute vouliez-vous parler de notre ligne éditoriale ? Alors celle-ci est claire : Le Messager a, depuis sa création voici 25 ans, choisi le parti de la vérité et de la justice, dans une éthique de responsabilité, en se donnant pour devise cette formule qui date des temps immémoriaux de l’essor du journalisme, à savoir : “ ne rien dire pour nuire, mais ne rien taire pour plaire ”.

4 - Monsieur l’ambassadeur, vous estimez qu’en écrivant dans notre éditorial du lundi 15 novembre “ les tirs qui auraient tué neuf soldats français ”, nous mettons “ odieusement en doute la réalité de ces morts et blessés ”. Permettez-nous de vous dire qu’il ne s’agit que d’une clause de style qui exprime la réserve de tout journaliste honnête qui rapporte des faits dont il n’a pas été un témoin oculaire. C’est un principe… déontologique. Surtout que nous n’avons pas vu les corps des militaires français-ce qui ne veut pas dire qu’ils n’ont pas été tués- exhibés à la télévision, comme on a vu ceux des victimes ivoiriens trônant dans les rues d’Abidjan ; et que même les noms de ces soldats français sont restés jusque-là assez discrets, contrairement à certains usages…

5 - Au-delà de l’offense injustifiée que vous faites à notre publication- ce qui est compréhensible au regard de la gravité de la situation – nous sommes heureux que vous soyez intervenu pour verser au débat un autre élément d’analyse, que nos lecteurs sauront apprécier à sa juste valeur, et qui contribuera à coup sûr à la compréhension de la situation en Côte d’Ivoire. Nous espérons que de la même manière, vous réagirez en tant que de besoin sur d’autres sujets d’actualité impliquant ou non la France, au Cameroun ou ailleurs en Afrique et dans le monde.

6 - Rassurez-vous, nous assumons et nous assumerons, aujourd’hui et demain, notre position sur la Côte d’Ivoire comme sur tout autre sujet que nous traitons. Nous l’assumerons avec d’autant plus de fierté que les discours et les articles propageant “ le ressentiment et la haine ethnique ou raciste ” dont vous parlez n’ont jamais trouvé d’écho dans les colonnes du Messager. Qui, au contraire, s’évertue, au fil des éditions, à les dénoncer, d’où qu’ils proviennent. Aucun mort et aucune disparition, donc, sur notre conscience. Et ce n’est pas parce que Monsieur Valette nous rappelle aujourd’hui les termes de la loi internationale que son pays, la France qui ne peut pas jurer de son innocence dans la tragédie ivoirienne comme dans d’autres tragédies en Afrique, n’aura pas à répondre, un jour, des conséquences de ses actes. Ne serait-ce qu’au Rwanda… et au Cameroun !



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