Cette prise de position de M. Bockel, un ministre venu de la gauche, devrait contribuer à alimenter le débat sur la politique toujours controversée de Paris vis-à-vis de ses anciennes colonies.
"Je veux signer l'acte de décès de la Françafrique", déclare M.
Bockel dans un discours communiqué à plusieurs médias dont l'AFP et qui devait être prononcé plus tard dans la journée à l'occasion de sa présentation des voeux.
"Je veux tourner la page de pratiques d'un autre temps, d'un mode de relations ambigu et complaisant, dont certains, ici comme là-bas, tirent avantage, au détriment de l'intérêt général et du développement", poursuit-il.
Interrogé par l'AFP sur ce discours, M. Bockel juge que "la mise en oeuvre de Cotonou n'a que trop tardé". En mai 2006, M. Sarkozy avait promis dans la capitale béninoise "une relation nouvelle, équilibrée, débarrassée des scories du passé" entre la France et l'Afrique.
"Moi qui suis là depuis six mois, qui ai le temps de regarder, de poser mon diagnostic, d'écouter la société africaine et pas seulement les dirigeants, j'attends maintenant de lui (Nicolas Sarkozy) qu'il confirme cette option et qu'il nous permette d'agir", a poursuivi M. Bockel.
Des associations réclament régulièrement la fin de la "Françafrique" et du soutien de Paris à des régimes autocratiques et corrompus.
Fin octobre, le président Paul Biya, à la tête du Cameroun depuis 25 ans, avait jugé que la politique africaine de la France était marquée par une "rupture dans la forme" mais une "continuité dans le fond".
Le secrétaire d'Etat assure toutefois ne pas faire de "reproche" au président français.
"C'est un président réformateur, avec beaucoup de priorités qu'il met en oeuvre en même temps (...)", a-t-il dit.
"Il n'y a pas de reproche, mais il y a une attente forte d'une accélération du processus", a insisté M. Bockel, qui appelle à un "changement profond dans la coopération et l'aide au développement" en France et en Europe.
Pour lui, la clé réside dans la "mise en oeuvre des conditionnalités à l'aide, en terme de bonne gouvernance, d'efficience".
Il ne faut plus "céder", insiste-il, "à un certain nombre de caprices, un certain nombre de demandes incohérentes de certains pays (africains) qui ont d'un côté une rente pétrolière qu'ils ne consacrent pas aux investissements qu'ils nous demandent de financer".
"Ca ne va pas. Il faut remettre les choses d'équerre", poursuit-il.
M. Bockel assure "ne pas avoir d'état d'ame" sur le déplacement controversé de M. Sarkozy au Gabon, "ami fidèle de la France" depuis 40 ans et pays emblématique de l'ex-"pré carré" français sur le continent, lors de sa première tournée africaine en juillet.
Mais "tout ça n'a de sens que s'il est suivi par d'autres déplacements, d'autres signes et par des changements réels dans la politique africaine de la France tels que le président Sarkozy les a souhaités", a-t-il ajouté.
Pour le journaliste Antoine Glaser, spécialiste des relations franco-africaines, Jean-Marie Bockel n'a toutefois pas les moyens d'être celui signera "l'acte de décès de la Françafrique".
Son discours est surtout "une déclaration de principes" qui "traduit sa frustration", estime-t-il. Depuis sa nomination, M. Bockel "n'a eu à aucun moment la latitude d'intervenir réellement sur les dossiers sensibles du continent où le vrai décideur" reste la présidence, estime M. Glaser.
Source: L'intelligent
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