La briquetterie à Yaoundé
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La grillade de toutes les convoitises
“Le ministère du soya ”. Le nom est désormais célèbre à Ndobo au quartier Bonaberi, une banlieue de Douala, la capitale économique du Cameroun. Les habitués de la viande grillée y prennent du plaisir chaque fois. Une vingtaine de stands s’y dressent fièrement sur environ cent mètres sur l’un des trottoirs de l’axe reliant Douala aux provinces de Sud-Ouest et de l’Ouest. Le lieu est tenu propre, loin des traditionnels fûts noircis par la fumée. Ici, l’architecture est constituée d’un foyer rectangulaire en béton et recouvert de carreaux blancs sous lesquels trois troncs d’arbres crachent du feu. La propreté des lieux attire la clientèle. Certains y viennent par curiosité ; d’autres par le biais des amis. Tout est structuré et organisé au ministère du soya de Ndobo. Chaque stand s’identifie par sa plaque.
Tout autour des stands destinés à la grillade se sont développés d’autres commerces au grand bonheur des clients: échoppes, auberges, cabines téléphoniques, et surtout buvettes. Il se raconte ici que la bière n’est aussi délicieuse que quand elle éteint le brasier allumé dans les bouches des clients par quelque soya bien pimenté. La règle apparaît d’or. Le visiteur qui y débarque pour la première fois est embarrassé. Il s’offre à lui une multitude de choix. “ Venez “ missier ”, bon ami, du bon soya, venez goûter ”, lancent à tue tête des assistants des vendeurs. Ils tendent d’ailleurs des morceaux de viande aux potentiels clients qui hésitent, question de l’attirer. Les habitués du coin n’hésitent pas. Ils repèrent la plaque du “ grilleur ” de leur choix et s’y dirigent. L’absence de l’éclairage public sur cet axe ne semble guère gêner les clients, une fois la nuit tombée.
Les stands sont illuminés chacun de deux ampoules permettant d’accroître la visibilité de la plaque et des produits exposés sur la grille. “ Nos clients sont de toutes les couches sociales et de toutes les tranches d’âge ”, explique Ousséni, un jeune vendeur d’environ 30 ans. Il avoue exercer ce métier depuis près de 7 ans.
Une expertise “ maguidas ”
Des tentes sont aménagées pour un meilleur confort assis des clients. Les tables pour deux, existent pour des amoureux qui se passent mutuellement des morceaux de “ soya ” à la bouche comme des oiseaux. Il y aussi des tables pour des groupes de personnes venues passer de précieux moments de détente. Le ministère du soya de Ndobo vibre indéfiniment sous un air soit de makossa, soit de coupé-décalé, soit de bikutsi distillé par de puissantes enceintes accoustiques prévues pour assurer l’ambiance. Ici, la grillade est disponible de lundi à dimanche, entre 7h et minuit. “ Mais l’affluence se fait sentir à partir de vendredi et surtout à la fin du mois. C’est à ce moment que nous faisons de bonnes recettes entre 80 et 100 000 Fcfa par jour. Cette recette est surtout le fait des voyageurs ; les gens en partance pour l’Ouest et le Sud-Ouest, le temps d’un week-end, s’arrêtent ici et achètent parfois la viande de 10 à 15 000 Fcfa ”, affirme Ousséni.
Derrière chaque foyer, des rôtisseurs légendaires, s’activent entre attiser le feu, découper la viande ou l’assaisonner. Ils ont la particularité d’être des originaires du grand Nord Cameroun. Ils se font appeler “ maguidas ” par des clients. Sans gêne. Ils sont réputés avoir l’expertise nécessaire de cette alchimie. Ils ont constamment la mine joviale malgré l’adversité du feu de bois, de la fumée et parfois des propos peu gentils des clients. Ils ont un sourire qui ne les quitte presque pas. Ils sont au service de la multitude des clients aux humeurs et goûts différents. Ils multiplient les mêmes gestes pour servir “ la huitième et la plus quotidienne, la plus appétissante aussi des merveilles du monde ”, apprécient les consommateurs de la viande grillée. Au ministère du soya à Ndobo, il n’y a pas que de la viande de bœuf grillée. Mais les friands du poulet à la braise trouvent aussi leur compte.
Un coin pour chauds lapins
Le coin est réputé à Bonabéri comme principal point de rendez-vous. “ La satisfaction de la langue entraînant celle du cœur, ce coin est aussi le lieu des amitiés les plus solides ”, rassurent des clients. D’autres par contre ne ratent pas l’occasion de s’y rendre lorsqu’ils sont de passage dans la capitale économique. “ Je vis à Yaoundé et je suis en week-end à Douala chez mon ami qui est assis en face de moi, chaque fois où je suis dans la ville, je ne peux ne pas venir manger du “ soya ” ici au ministère car il est très bien fait, bien assaisonné, cuit à point, vraiment ces Nordistes ont la maîtrise de la grillade ”, explique J.N. entre deux bouchées de viande. Et son ami d’ajouter : “ la particularité ici c’est que l’offre est diversifiée ; la bosse, le jarret, le filet, le faux filet…, chacun trouve son compte quelle que soit la partie qu’il souhaite manger. C’est toujours avec beaucoup d’enthousiasme qu’on vient ici et on en repart toujours satisfait ”.
Comme Ousséni qui vient de Ngaoundéré, la plupart des “ grilleurs ” de viande à Ndobo ont exercé le même métier dans leur ville d’origine. Avant d’être appelés ici par un frère ou un ami qui y trouve son pain quotidien à travers cette activité. Chaque vendeur est assisté de 2 à 5 employés selon l’importance de son activité. Ces employés perçoivent entre 2 et 4 mille francs Cfa en guise de salaire journalier. L’autre particularité du coin, c’est l’organisation et la convivialité qui y règnent.
Les vendeurs de soya et du poulet braisé à Ndobo sont regroupés en association autour d’un président. Bien que le “ soya ” soit la vedette de cet endroit, la viande fraîche y est aussi vendue en journée. Certaines ménagères partent du centre ville pour s’y approvisionner. Elles apprécient la sincérité des balances et des masses utilisées, ainsi que la bonne qualité de la viande. Au fil des ans, ce petit coin de plaisir jadis peu connu du grand public est en passe de devenir une rue de la joie supplémentaire dans la ville de Douala.
Source : Le Messager
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