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Affairisme, trafic d’armes... Enquête
(27/11/2007)
Depuis l`attaque d`une position de l`armée camerounaise dans la presqu`île, près d`Isobo, les troupes sont sur le qui-vive. En attendant la manifestation de la vérité…
Par Denis Nkwebo

Les soldats camerounais positionnés à tous les postes d`observation dans les criques de la péninsule de Bakassi, cherchent toujours à comprendre ce qui est arrivé au poste de regroupement C3 du groupement opérationnel centre, le 12 novembre 2007. Ce jour-là, autour de 14h30mn, des hommes armés, cagoulés pour les uns, tandis que d`autres évoluaient à visage découvert, ont débarqué à bord d`embarcations battant pavillon camerounais.

Sans crier gare, les assaillants ont arrosé à l`arme automatique les troupes trouvées sur place, faisant 21 morts et 14 blessés. "Nous avons été pris au dépourvu, lâchement. Nos bourreaux avaient des attributs militaires camerounais, la tenue notamment. Personne n`a eu le temps de réagir. Surtout, ceux qui nous ont attaqué ne voulaient laisser aucune chance de survie au capitaine de corvette Samuel Metiege Ebong en particulier". Ce témoignage de l`un des blessés admis en soins à l`hôpital militaire de Douala, rompt avec l`information officielle donnée sur l`incident du 12 novembre.

Mutations s`est rendue à Limbe, au commandement de l`opération Delta, nom de baptême des opérations et du dispositif militaire dans la presqu`île de Bakassi. Là, les sources officielles se sont montrées particulièrement réticentes, non sans fustiger "la curiosité malsaine des journalistes". Le commandant de l`opération Delta, le capitaine de vaisseau Oyono Mveng, est en déplacement, apprend-on. Quelques soldats contactés, parlent plutôt de la gêne et de la suspicion qui règnent au camp : "aucune information ne circule. Les réunions se multiplient".

Cap sur Ekondo Titi, dans le département du Ndian dont dépendent les arrondissements de la presqu`île de Bakassi. Le capitaine de corvette Samuel Metiege Ebong, tombé sur le champ d`honneur, était le commandant en second du 21e Bataillon des fusiliers marins (Bafumar) à Ekondo Titi. L`un de ses collaborateurs, un officier marin, affirme qu`il est mort brutalement. "Il est parti d`Ekondo juste quelques jours avant sa mort. Il a offert à boire à tout le monde, en disant qu`il pouvait ne pas revenir vivant de sa mission".

Jusque-là, les informations glanées à d`autres sources au 21e Bafumar éludent la question sur l`identité des assaillants, qui, selon tous les premiers témoignages, en voulaient à cet officier. En route pour Bakassi, des passagers de l`embarcation qui conduit le reporter de Mutations, commentent l`incident avec beaucoup de prudence, chacun y allant de sa propre version, et de sa propre interprétation. Tuerie barbare, actes ignobles, manipulation, coup monté. Des mots qui en ajoutent à la confusion créée depuis le 12 novembre.

Au contact d`une première source militaire sur l`Akwayafe, le fleuve qui coule d`Ikang, à moins de 30 kilomètres en territoire nigérian, les premiers témoignages sont cinglants : " nous n`avons plus confiance en qui que ce soit. Nous sommes ici pour défendre notre pays. Mais on nous tue pour cacher des preuves". De quelles preuves parle ce chef de poste d`observation ? Au prochain stop, les autres militaires tiennent le même langage, en s`en remettent à "la sagesse du chef de l`Etat qui doit mener une enquête indépendante".

Au Rio Del Rey, près d`Isobo, à quelques kilomètres seulement de Isangele, des confidences militaires plus précises filtrent des entretiens. On apprend ici que les hommes ayant attaqué les positions camerounaises étaient arrivés à bord de pirogues à moteur, sept au total, même si les six autres sont restées loin du bord du fleuve. Un sous-officier marin explique comment les assaillants n`ont pas usé de la ruse pour attaquer et tuer leurs victimes : " ils ont agi comme s`ils nous connaissaient. Et ce sont effectivement des Camerounais, je crois. Ils se sont juste faits accompagner de leurs complices. D`ailleurs, les douilles de balles récupérées sur place se trouvent être celles de la marine nationale, entre autres ".

Les assertions du marin concordent avec celle du rescapé que nous avons approché. Ce dernier a indiqué qu`il avait reconnu au moins deux des assaillants. Des responsables de la police qui sont allés interroger ledit témoin, en ont été empêchés par les militaires, a-t-on appris de source proche de l`hôpital militaire de Douala.

Révélations

Dans la localité d`Isobo, non loin du lieu du drame, les populations assurent que ce qui est arrivé était prévisible. Au moins une semaine avant l`incident. A l`origine d`un climat particulièrement tendu, et d`un bras de fer interne à l`armée camerounaise, l`arrestation du prénommé Famous ; un trafiquant d`armes et de munitions, notoirement connu dans la région.

C`est lui qui a contacté les chefs du poste de regroupement C3 du groupement opérationnel centre, après avoir abordé d`autres militaires à Isanguele, à l`effet d`acheter armes et munitions. " Après avoir recueilli des informations précises de Famous, ce dernier a été arrêté sous la houlette du capitaine de corvette Metiege ", confie une source à Bakassi, en précisant que " la décision de transférer Famous à Yaoundé et non uniquement à la base Delta a mis le feu aux poudres ". En clair, les chefs militaires au front ne se sont pas accordés sur la gestion de cette affaire de trafic d`armes.

Nous nous sommes rendus à Isobo, dans la petite boutique tenue par Famous. Ici, l`entourage confirme la nouvelle de son arrestation, la fuite de son lieutenant surnommé " Orock ". Non sans confirmer les trafics de cet homme par ailleurs activement recherché par la police nigériane. A la base des services secrets nigérians, la State Security Service (Sss) à Calabar, non loin du Kimaro motel, Famous est présenté comme " un passeur dangereux, trafiquant d`armes qui opère avec la complicité de mauvais officiers camerounais et nigérians à la fois ".

Le père de Famous avoue d`ailleurs qu`après l`arrestation de son fils, ses protégés ont cotisé près de 50.000 Naïra (200.000 FCFa) pour l`aider à obtenir la libération de son fils. Ce qu`il n`a pas fait. D`après lui, " les nouveaux gendarmes étaient intransigeants ". Les nouveaux gendarmes dont il s`agit, ce sont les militaires camerounais et notamment leurs chefs tués au Pc3. Chief Inuyang, un monarque traditionnel qui a souvent profité des trafics de certains responsables militaires camerounais, a promis vengeance et mort aux soldats de l`opération Delta.

Mais avant, comment les militaires camerounais ont-ils été tués aussi facilement le 12 novembre dernier ? " Ce jour-là, le commandant Delta était attendu à Bakassi. Dans les différents postes, les armes étaient aux faisceaux ", répond un officier. Après avoir appris la nouvelle de l`attaque, le Comdelta, le capitaine de vaisseau Oyono Mveng a rebroussé chemin. Les assaillants le savaient, très probablement, que les armes des soldats camerounais étaient aux faisceaux. Comment le savaient-ils ? Un colonel de l`armée, citant une source indépendante de l`enquête ouverte par le ministre de la Défense et le chef d`état-major de l`armée " pour tirer l`affaire au clair ", estime plutôt qu`il y a eu " une opération militaire visant à brouiller les cartes en éliminant des témoins ".

Cet officier supérieur note qu`en sa qualité de chef opérationnel des armées, " le chef d`état-major ne peut pas diligenter une enquête indépendante sur le terrain ". Il existe, dit-il, d`autres responsables de l`armée pouvant diligenter une enquête crédible, notamment le contrôleur général des armées, le général d`armée Pierre Semengue et l`inspecteur général des armées, le général de corps d`armée Jean Nganso Sunji. Dans la foulée, une autre source au cabinet militaire du président de la République a indiqué que le commandant de l`opération Delta allait être entendu dès vendredi dernier, " sur instruction du président Biya ".

La même source parle de la suspension imminente de l`enquête en cours, pour laisser la place à une commission mixte d`enquête qui sera mise sur pied par le chef de l`Etat. Depuis le 12 novembre, des enquêteurs de la police, la gendarmerie, la Recherche extérieure et la Sécurité militaire, se sont rendus sur place à Bakassi.



Source: Quotidien Mutations


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