Le chef de la délégation camerounaise à cette énième rencontre entre Nigérians et Camerounais voulait-il simplement user de la courtoisie diplomatique pour saluer le général sénégalais Lamine Cissé, le nouveau président de la Commission ?
Au regard du contexte, Amadou Ali aurait été en tout cas bien avisé de faire l'éloge et d'accueillir chaleureusement ce général quatre étoiles (depuis 1997). Parce que Lamine Cissé, 68 ans, arrive à la tête de la Commission mixte sur Bakassi au lendemain d'une brusque montée de fièvre dans la presqu'île camerounaise, reconnue comme telle par un arrêt de la Cour internationale de justice de La Haye le 10 octobre 2002. Il y remplace le diplomate mauritanien Ahmedou Ould-Abdallah qui depuis 5 ans a dirigé les travaux de la Commission mixte.
Dans la journée du 12 novembre dernier, des hommes armés ont en effet attaqué une position de l'armée camerounaise dans la péninsule de Bakassi. Dans la mangrove et au milieu des eaux qui se refusent à la navigation, 21 soldats camerounais sont tombés et 10 autres ont été blessés. L'expertise de Lamine Cissé, qui fut chef d'Etat-major et inspecteur général des forces armées sénégalaises, ne sera pas inutile pour aider les parties anciennement belligérantes à tirer au clair cet incident qui ne devrait pas, selon Amadou Ali, changer l'option définitive pour la paix d'Abuja et de Yaoundé.
Bien que la tuerie du 12 novembre puisse conforter l'analyse pessimiste de certains observateurs qui voient la main d'Abuja derrière cette attaque qui s'est produite au moment où la Commission mixte va parler du pétrole de Bakassi.
Si sa biographie officielle ne signale pas quelque expertise dans le domaine de l'économie pétrolière, le général Cissé qui a dirigé en 1978 le contingent d'observateurs pour la supervision du cessez-le-feu entre le Front de Libération Moro et le gouvernement des Philippines, à l'époque du président Marcos (entre 1976 et 1978), devrait être de bon conseil pour les protagonistes de la gestion concertée du pétrole de Bakassi.
Rendu à sa 20ème session, la Commission mixte qui a traversé d'autres écueils doit effectivement aborder la délicate opération d' "examen préliminaire des questions relatives aux champs d'hydrocarbures à cheval sur la frontière maritime ou situés le long de celle-ci ".
En clair, après les arpents de terre et les miles sur l'océan Atlantique, Nigérians et Camerounais s'apprêtent à déterminer les parts éventuelles de brut qu'ils pourraient tirer de l'exploitation pétrolière dans cette région du golfe de Guinée gorgée d'or noir. Pour le stratège de la géopolitique que le général Cissé a dû apprendre à être depuis les bancs de l'université de la défense nationale de Washington, aux États-Unis, du Centre des hautes études en défense nationale de Paris et de l'École d'État-major de Fort Leavenworth College, à Kansas City et de l'École spéciale militaire de Saint-Cyr, en France, mesurer la tension, juguler tout retour en arrière, ne devrait pas être bien difficile.
De la même manière qu'il a dirigé la transition démocratique sénégalaise de l'an 2000 (entre les présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade) remarquablement applaudie dans toute l'Afrique et à travers le monde, le tact du général de corps d'armée Lamine Cissé sera donc fortement sollicité. Mais si le Secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, l'a provisoirement réaffecté en septembre dernier à la tête du Bureau des Nations Unies en Afrique de l'Ouest., alors qu'il représentait déjà le patron de l'administration onusienne dans le processus de paix en République centrafricaine, n'est-ce pas parce qu'il s'agit d'un soldat qui sait faire honneur au drapeau sous lequel il se bat ?
Source: Quotidien Mutations
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