L'après midi s'annonce déjà et les activités commerciales vont bon train au carrefour Ndokoti à Douala.
Tous se bousculent pour attirer l'attention d'une jeune femme : " madame, quel livre voulez-vous ?", semblent-ils répéter en chœur. "J'aimerais que vous me trouviez Mamadou et Binéta ", répond-elle. Déçus, tous se dispersent à la quête d'autres clients. Seul Casimir, déclare posséder l'ouvrage sollicité. C'est un homme de taille moyenne, dont les quarante ans ont été en partie consacrés dans la vente et l'échange de vieux livres. Celui-ci, ouvre une cantine dans laquelle sont rangés de nombreux ouvrages.
Après quelques minutes de fouille, il sort enfin le fameux " Mamadou et Binéta sont devenus grands ". " Celui-ci c'est l'original, son édition date de 1980. C'est un livre plus rare que les larmes du chien, vous avez eu de la chance", déclare-t-il à la dame qui s'empresse de feuilleter les pages jaunies par le poids du temps. Tout près d'eux, est assis monsieur Ngotso Paul qui se souvient de sa "première leçon de botanique".
Et il récite, sans grande peine, tout le texte de la page 99. La jeune dame écoute avec intérêt le discours de Paul sur ses plus belles années passées à l'école publique de Nkongsamba, lorsque Casimir lui dit que le précieux, "Mamadou et Binéta", coûte 7000 francs Cfa. "C'est trop cher, à la librairie d'à côté, c'est 5460 francs Cfa", s'écrie la dame avant de se lever .Mais Casimir ne démord pas. Tout en caressant son livre, il soutient qu'"il y a les libraires et il y a les connaisseurs de livres. Vous ne trouverez cette édition dans aucune librairie"
Du côté de la librairie Nouvelle au marché Nkouloloun, "Mamadou et Binéta" est absents. Le libraire explique que c'est un livre actuellement peu demandé et, à ce titre, la commande se fait rare. Venue acheter des manuels scolaires dans la même librairie, Pauline Lindjeck tente une autre explication. "En réalité, ce livre a un niveau de français très soutenu pour les jeunes élèves d'aujourd'hui. C'est pourquoi il a été rayé des programmes scolaires. A l'époque, les élèves du cours moyen étaient beaucoup plus âgés, et étaient donc plus aptes à comprendre ", déclare-t-elle avec conviction.
Le long de la chaussée du marché Nkouloloun, la bourse du livre fait le bonheur des parents pris par le train de la rentrée. Toutes les œuvres au programme sont étalées sur des étagères Dans cette bibliothèque ambulante, on ne retrouve pourtant pas le livre du cours moyen de l'époque. " Mamadou et Binéta, c'est de la vieille école, mais vous le trouverez peut-être à la librairie d'en face", disent-ils. Ladite librairie a certes le livre recherché, mais il ne se présente pas comme celui de Casimir. En effet, la couverture ici, est toute molle et l'édition est récente. A croire que les œuvres du passé ne sont utiles qu'aux hommes du passé.
Source: Quotidien Mutations
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