En choisissant de prendre tout leur temps avant de faire connaître leur position, les représentations diplomatiques des Etats-Unis d’Amérique, des Pays Bas et de la Grande Bretagne au Cameroun, qui avouent pourtant avoir dépêché des équipes d’observateurs sur l’ensemble des dix provinces du Cameroun à l’occasion des élections législatives et municipales du 22 juillet dernier, n’ont pas voulu céder au jugement hâtif, à la remarque précipitée.
Ils ont donc dû attendre près de quatre semaines après la consultation, en pesant chacun des mots utilisés, pour publier ce qui leur tient lieu de réaction commune, et qui prend globalement des distances avec l’information officielle des pouvoirs publics sur cette opération électorale.
Certes, la lecture du premier paragraphe peut donner lieu à penser qu’il s’agit d’un satisfecit en règle au gouvernement camerounais.
Puisque ce groupe commun d’observateurs venant des trois pays "tient à féliciter le gouvernement et le peuple camerounais pour le déroulement du scrutin dans une atmosphère généralement calme, sans atteinte grave à l’ordre public. En particulier, le groupe félicite le gouvernement pour l’amélioration constatée par rapport aux élections précédentes telle que l’informatisation des listes électorales et le choix de lieux neutres pour les bureaux de vote".
Les trois missions diplomatiques indiquent également que leurs observateurs ont été heureux et satisfaits "d’observer une bonne application de la loi électorale dans plusieurs localités où des responsables de bureaux de vote étaient dévoués pour un processus électoral transparent. La décision de la Cour Suprême en faveur de la reprise des élections dans cinq circonscriptions électorales constitue une reconnaissance appréciable des problèmes observés et devrait ainsi renforcer la confiance des populations dans l’intégrité du processus électoral".
Crédibilité
Cela dit, selon les représentants des trois pays suscités, "dans l’ensemble, ces élections représentent une occasion manquée pour le Cameroun -une occasion manquée pour continuer de construire la confiance publique dans le processus électoral au moment même où le Cameroun porte ses regards sur la prochaine élection. Quelques améliorations venant des élections antérieures – améliorations qui étaient en fait faisables et que le gouvernement s’est engagé lui-même à les faire – n’ont pas été réalisées en effet.
Par exemple, en dépit d’assurances publiques répétées, le gouvernement n’a pas été en mesure de fournir de l’encre indélébile – internationalement reconnue comme garantie contre les votes multiples – dans plusieurs bureaux de vote. Ceci a rendu l’opération plus vulnérable à la fraude et a réduit la crédibilité du processus électoral aux yeux du public".
Plus loin, ils signalent que "le déroulement du scrutin, notamment au niveau local, était entaché d’irrégularités”. Les observateurs ont également constaté que le contrôle fut médiocre dans un certain nombre de bureaux de vote, et dans certains cas, une connivence de responsables des bureaux de vote avec une application de toute apparence laxiste de la loi électorale ainsi que des actes de fraude. Par ailleurs, un procédé d’inscription sur les listes électorales inutilement complexe a eu pour effet de priver beaucoup d’électeurs de leur droit civique.
Des réserves pour le moins claires, qui n’empêchent cependant pas ces pays de voir plus loin et de scruter l’avenir: "Nous espérons travailler conjointement avec le gouvernement, les membres de la société civile ainsi que tout autre partenaire pour soutenir leurs efforts en vue d’améliorer la crédibilité de la démocratie au Cameroun en s’approchant de la prochaine échéance électorale".
Une indication nette au fait que le gouvernement devra désormais s’associer à des partenaires plus neutres s’il entend crédibiliser son processus électoral et donner des gages de sérieux aux partenaires au développement dont certains ont contribué, financièrement ou matériellement et à la demande du gouvernement camerounais, à la mise en place de structures présentées alors comme devant favoriser la transparence du processus démocratique.
En particulier, les Etats-Unis, les Pays Bas et la Grande Bretagne insistent sur "la mise sur pied, le plus tôt possible, d’une commission électorale indépendante qui constitue une étape essentielle dans ce processus étant donné que seule une institution véritablement indépendante permettra aux citoyens d’avoir une confiance totale dans le processus démocratique. Nous invitons donc le gouvernement à engager dans un délai immédiat les prochaines démarches nécessaires pour renforcer la confiance du public dans le processus électoral".
Source: Quotidien Mutations
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