La nouvelle de l’arrestation et de l’incarcération de trois compatriotes pour escroquerie, circule dans les milieux camerounais de Bujumbura, mais, presque personne ne semble s’en émouvoir. “J’ai appris que nos frères sont en prison. Mais, que voulez-vous que je fasse, ils méritent leur sort”, indique une citoyenne camerounaise rencontrée dans la capitale burundaise.
“Ces escrocs sont très nombreux ici. Si nous nous battons pour eux, ils continueront à faire du mal aux honnêtes gens”, déclare un Camerounais occupant une haute fonction à Bujumbura.
Malgré ces réticences et ce rejet, André-Marie Tchouatieu, médecin camerounais représentant d’une grande firme pharmaceutique au Burundi, se soucie tout de même du sort de ces compatriotes. Non seulement il est le seul camerounais à leur rendre visite, mais bien plus, il apporte très souvent à ces détenus une assistance médicale, nutritionnelle et même financière. Il a accepté de nous conduire à ces laissés-pour-compte.
C’est à 9h 15, heure locale, que nous arrivons ce samedi 8 mai, à la prison centrale de Mpimba, située dans la périphérie de Bujumbura. Dès notre arrivée sur les lieux, nous sommes interpellés par un militaire armé jusqu’aux dents et prêt à tirer. A ses côtés, un homme en civil dont le rôle est l’enregistrement de toutes les visites. “Que voulez-vous ?”, demande d’un air grave le civil.
Nous lui rétorquons que nous venons rendre visite à des prisonniers. Mais, nous n’indiquons pas leur nationalité. “Donnez-moi leur nom”, ajoute ce monsieur. Lorsque André-Marie, notre guide le fait, le Burundais s’écrie en souriant subitement “ah, les Camerounais !, ils sont là”. Après nous avoir enregistrés et remis la liste des personnes à visiter à la guérite de la prison, il indique que si nous voulons les rencontrer le plus rapidement possible, nous devons les joindre par téléphone car, la prison est grande. Il nous donne des numéros de téléphone, nous appelons et demandons à nos compatriotes de se diriger vers l’entrée.
Nous sommes dirigés par des gardes prisonniers vers le pénitencier. C’est une vieille bâtisse en pierres, construite sur plusieurs hectares. Cette sinistre demeure date de 1959.
Des prisonniers bien portants
Après l’ouverture d’un grand portail, nous nous retrouvons dans une petite cour intérieure. En face de nous, une grande grille. Derrière elle, des centaines de prisonniers s’agitent. Tous sont habillés d’une tenue verte. Ils font de grands signes en criant, pour se faire voir. Un gardien nous demande si nous avons reconnu ceux que nous cherchons. André-Marie répond par l’affirmative. Il les montre.
La grille est ouverte et nous sommes dirigés en leur compagnie dans le couloir. “On va au parloir, c’est là-bas que nous pourrons nous entretenir avec eux”, indique André-Marie Tchouatieu. Après avoir déposé tous nos effets à une consigne et longé le couloir sur quelques mètres, nous sommes autorisés à nous entretenir avec nos compatriotes. Ils sont trois et ont pour nom Atamaya Calvin, Kingué Wilfried et Kamgang Francis Aimé. Ils ont la bonne mine, sont habillés de vêtements très propres et sont très heureux de nous recevoir.
“On dirait que vous êtes très bien traités ici !”, leur faisons-nous remarquer “Pas du tout. Ils nous font manger des conserves pourris et du manioc noir”, répond Kingué Wilfried. “Kamgang Francis et moi, sommes ici depuis juin 2002. Nous avons été condamnés à 10 ans d’emprisonnement ferme”, poursuit-il, sans transition. Lorsque nous leur demandons la raison d’une telle condamnation, Kingué et Kamgang baissent la tête. Kamgang rétorque, “le motif officiel, c’est escroquerie, falsification et fabrication de fausse monnaie”.
C’est alors que nous apprenons que les deux acolytes venaient du Sud Kivu en Rdc et se rendaient à Kampala en Ouganda, pour “faire les affaires”. Mais, ils ont décidé de tenter une opération à Bujumbura. Ils entrent donc en contact avec un homme d’affaires burundais nommé Pascal Rubabaza. “Nous lui avons dit que nous pouvions l’aider à multiplier son argent”, déclare Kingué. Les deux escrocs vont réussir à soutirer 5200 dollars américain (3 millions 120 000 Fcfa), à l’homme d’affaires.
Mais, lorsqu’ils ont voulu fuir avec l’argent en déclarant aller chercher le produit devant servir à la multiplication, Rubabaza a flairé le louche et a averti la police. Elle viendra cueillir les malfrats dans leur repère.
“Nous avons donné 4200 dollars (2 millions 520 000 Fcfa) aux policiers, pour qu’ils nous laissent partir. Ils ont pris l’argent mais, nous ont arrêtés. Ils ont ensuite déclaré à Rubabaza qu’ils n’ont pas vu d’argent au moment de notre arrestation”, affirme Kamgang Calvin.
Vrai ou faux ? Impossible de vérifier. Mais, toujours est-il que les deux complices après leur condamnation ont fait appel. Ils déclarent avoir escroqué un homme d’affaires burundais mais, ils n’ont jamais “fabriqué de la fausse monnaie ou falsifié quoi que ce soit”.
Délit d’initié
Selon une source camerounaise à Bujumbura, ces deux escrocs qui demandent la médiation des autorités de Yaoundé pour leur rapatriement, ne sont pas à leur premier coup. Ils ont également commis de nombreuses gaffes au Sud-Kivu. Arrêtés et jetés en prison, ils auraient recouvré la liberté grâce à l’intervention de deux Camerounais. Ces derniers leur auraient même donné de l’argent pour qu’ils achètent des billets d’avion pour retourner au Cameroun mais, ils ont préféré se rendre à Bujumbura.
De son côté, Atamaya Calvin est en taule depuis septembre 2003. Il est parti de Bamenda où il est né, pour “aller tenter sa chance en Afrique du Sud”. De passage au Burundi, il se lie d’amitié avec un Congolais. Les deux décident d’escroquer 5 millions de F burundais (2,5 millions de Fcfa), à un homme d’affaires de la place.
Mais, c’est le Congolais qui conduit l’opération et réussit à obtenir l’argent. “On est venu m’arrêter parce qu’on m’a vu marcher avec Vincent (l’escroc). On m’a dit que si je ne dis pas où il est, je serai en prison, c’est pourquoi je suis ici”, indique-t-il, avant d’ajouter qu’il n’a pas encore été jugé. Son affaire étant encore en cours d’instruction.
La prison centrale de Bujumbura compte quelque 2700 détenus. On y trouve de nombreux étrangers : des Pakistanais, des Ougandais, des Rwandais, des ressortissants du Congo démocratique et des Camerounais. La plupart de ces prisonniers sont incarcérés pour escroquerie, vol, falsification de documents…
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