C’est entendu : le Cameroun n’attirera pas des équipes d’observateurs électoraux de réputation internationale. A moins, bien sûr - hypothèse peu probable - que des personnels opérant sous la bannière d’organismes internationaux soient dépêchés sur le théâtre électoral camerounais, à la faveur du double scrutin du 22 juillet prochain.
Dans les couloirs diplomatiques à Yaoundé, les données sont connues et reposent sur une double logique. On devrait ainsi voir se déployer, dans certaines localités du pays, sans qu’aucune province ne soit en reste, des observateurs d’un type particulier : des personnels de certaines représentations diplomatiques seront mobilisés sur l’ensemble du territoire. Des sources bien informées avancent avec insistance le scénario d’une sorte de “ coalition ”, au sein de laquelle on devrait retrouver les chancelleries qui comptent sur la place de Yaoundé, réparties probablement en zones de “ couverture ”.
On parle d’une manière de plate-forme d’observation qui serait constituée autour du système des Nations unies.
Selon des tournures qui leur sont propres, des sources diplomatiques semblent faire chorus sur un certain nombre de repères. Une convergence de vues se dégageait encore en fin de semaine dernière autour des incertitudes qui entourent un éventuel engagement de l’Union africaine - saisie tardivement par Yaoundé -, une possible implication du Commonwealth - dont on disait que les rapports avec le Cameroun se sont de nouveau crispés, vraisemblablement autour du calendrier des aménagements institutionnels que cristallisait la mise en place de Elections Cameroon- et une hypothétique entrée en scène de la Francophonie …
Une certitude : il n’y aura pas de mission d’observation de l’Union européenne.
Non que la délégation de la Commission européenne au Cameroun ne soit intéressée par le déroulement des opérations électorales du 22 juillet. Au contraire. Mais, on ne devrait pas avoir affaire à un déploiement d’observateurs triés sur le volet à partir de Bruxelles - entre 100 et 150 personnels habituellement - et conduits, en règle générale, par une personnalité de haut rang. Les usages sont connus : une telle mission est souvent à pied d’œuvre dans un pays qui en fait la demande dans les délais.
Même si les enjeux que charrient les scrutins orientent la décision de Bruxelles. Or, le Cameroun n’a pas jugé utile de saisir l’Union européenne d’une requête qui eût pu mettre en branle une véritable mission d’observation électorale. Une notable inflexion dans l’attitude de Yaoundé, qui avait déjà saisi l’Union européenne d’une demande claire en la matière, dans le cadre des législatives et municipales couplées de juin 2002.
A l’époque, Bruxelles n’avait pas accédé à la requête camerounaise. L’option de Yaoundé sur ce dossier précis n’a pas manqué d’intriguer des diplomates en poste à Yaoundé. “ Dans les conditions de préparation et de déroulement des prochaines élections, le gouvernement aurait gagné à faire appel à une équipe d’observateurs crédibles ”, regrette une voix dans une ambassade de poids, faisant allusion au succès électoral présumé qui se construit déjà en faveur du Rdpc.
Instrumentalisation des observateurs
Une remarque qui, à elle seule, fait resurgir le débat sur la signification de la pratique de l’observation électorale dans les pays comme le Cameroun. C’est une quasi lapalissade : l’exercice obéit à un fonctionnement à double détente, articulé autour de la “ sanctification ” des résultats des élections, d’une part, et portée par une prétention “ pédagogique ”, d’autre part. De sorte que les déclarations et les rapports des observateurs valent leur pesant d’or dans l’évaluation des processus électoraux et, par ricochet, sur la légitimité des élus…
Le Cameroun a justement joué sur ce double clavier depuis le retour à la pratique des élections pluripartites. Depuis 1992, les autorités ont joué à fond la carte de l’instrumentalisation des observateurs électoraux ; recrutant des personnages au profils douteux mais présentés à l’opinion comme des personnels crédibles, notoirement à la solde du régime ; relayant avec assiduité les déclarations les plus favorables au régime, vouant aux gémonies les rapports discordants élaborés par des observateurs moins complaisants.
Cette ruse a fini par aboutir à ses paradoxes : venus crédibiliser les scrutins, des faiseurs de légitimité ont souvent couru le risque de discréditer leur propre rôle…
Pour autant, les autorités ont montré une étonnante habileté à ruser avec le volet “ pédagogique ” des rapports d’observation. Illustrative est à cet égard, l’attitude de Yaoundé sur le chantier de l’amélioration du système électoral.
Depuis 1992, date des premières dénonciations de son caractère peu démocratique, l’architecture institutionnelle qui encadre les processus électoraux n’a connu ses premières modifications significatives qu’à la faveur de la création, en 2001, de l’Observatoire national des élections, mis en place pour répondre à l’exigence d’un organe de régulation du jeu électoral réputé neutre ; requête formulée par des acteurs politiques et des institutions internationales.
Encore les menaces proférées par les bailleurs de fond n’ont-elles pas été dépourvues d’effets sur l’ensemble des mutations institutionnelles enregistrées depuis lors.
Reste à élucider l’apparent et subit relâchement de l’intérêt que le pouvoir a toujours porté sur la mobilisation des observateurs autour des élections. Signe qu’ils ne sont plus d’aucune utilité ?
Source: La Nouvelle Expression
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