Le président de l’Université des Montagnes, participant à la conférence sur la crise des ressources humaines en santé en Afrique, accuse les bailleurs de fonds.
Par Jean-Célestin Edjangue
Professeur, peut-on savoir quelle signification vous donnez à cette grande rencontre sous régionale sur la crise des ressources humaines dans le domaine de la santé ?
Vous le savez, les ressources humaines sont à la base de tout quel que soit le secteur dans lequel vous exercez. Encore plus en santé. S’il n’y a pas de ressources humaines suffisantes et compétentes on ne peut améliorer la qualité des soins. Cette conférence est donc une rencontre capitale.
Si tel est le cas. Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de décider de prendre le taureau par les cornes ?
Non, on n’a pas attendu si longtemps. Avant la rencontre de Douala, il y a eu des débats, des réunions au sommet. Le problème vient de ce que tout ne dépend pas seulement des acteurs de terrain que nous sommes. Il y a d’autres acteurs et composantes qui rentrent en compte. Je pense aux bailleurs de fonds internationaux que sont la Banque Mondiale et le Fonds monétaire international. C’est eux qui ont à la fin des années 80 ont exclu les ressources humaines des différents plans d’ajustement structurel. Ce qui a causé les problèmes que nous connaissons. Aujourd’hui, ils semblent revenus à de meilleurs sentiments. Et c’est tant mieux ! Tant que nous ne résolvons pas le problème de recrutement notre situation restera critique et la crise totale. L’exode des cadres que nous déplorons vient du même problème. On demande à nos jeunes formés à l’étranger ou au pays de rentrer. Mais pour faire quoi ? S’ils rentrent ils vont grossir les rangs des chômeurs. Alors que s’ils étaient sûrs de trouver des structures d’accueil, ils reviendraient avec plaisir.
Vous êtes clairement entrain d’indexer les bailleurs de fonds internationaux comme étant à l’origine de la situation de crise des ressources humaines en santé en Afrique alors que selon de nombreux observateurs, il s’agit d’un phénomène mondial. Pourquoi ?
Tout à fait. C’est bien le Fmi et la Banque mondiale qui ont bloqué le processus de recrutement dans les différents secteurs. C’est eux qui ont interdit les recrutements dans les secteurs de l’éducation, de la santé, …parce qu’il fallait réduire la masse salariale au détriment de la qualité des soins. Or comme je l’ai déjà souligné, si on n’a pas de ressources humaines, on ne peut rien faire de bon. C’est un préalable. D’ailleurs, tout le monde le sait. Le professeur Monekosso l’a clairement rappelé en plénière.
Maintenant que l’on a diagnostiqué le mal. Comment faire pour le traiter ? Que proposez-vous pour en sortir ?
Comme vous le savez, nous sommes des techniciens, des praticiens. Ça ne dépend pas de nous. Nous ne pouvons que faire des plaidoyers. Et c’est que nous sommes entrain de faire. Je pense que la volonté politique existe. Ce ne sont donc pas les Etats qui sont en cause. Ils ont les mains liées par les bailleurs de fonds internationaux.
Pour terminer, professeur, vous êtes à la tête de l’Université des Montagnes. Comment appréciez-vous les évolutions notables enregistrées ces derniers mois dans ce dossier avec notamment la reconnaissance de cette institution par l’Etat ?
Je me réjouis que le gouvernement ait enfin reconnu que l’université des Montagnes peut apporter sa petite contribution à l’offre de formation universitaire au Cameroun. Qu’elle n’est pas là pour contrecarrer les actions du gouvernement en place.