S’il ne s’est pas, pendant cette longue carrière administrative, distingué dans le système et les gouvernements successifs d’Ahidjo comme une carte décisive, il a marqué bien des points dans l’ère Biya. Au point même de déterminer, à un moment crucial, l’avenir du régime en débandade.
Parmi les traces les plus indélébiles de Gilbert Andzé Tsoungui, les observateurs de la scène politique camerounaise se rappellent particulièrement les législatives et la présidentielle d’octobre 1992, alors qu’il était ministre de l’Administration territoriale, “ le véritable cuisinier des consultations électorales ”. Déjà pour les législatives, il fait tenir les élections sur la base des listes provisoires que son ministère était seul à contrôler.
Quelques mois après, Paul Biya, président de la République et candidat à sa propre succession, prend de vitesse ses concurrents en ramenant la date de l’élection présidentielle en octobre, au lieu de mars 1993, comme prévu dans le chronogramme électoral. Une fois de plus à cette occasion, le ministre de l’Administration territoriale refuse la réouverture des listes électorales qui aurait permis à ceux qu’on a surpris par l’anticipation de l’échéance, de s’inscrire sur les listes électorales.
C’est le désarroi dans le camp de l’opposition dont les candidats et les partisans sont obligés, pour les plus entêtés, d’aller aux urnes comme des bœufs à l’abattoir. Convaincus que les clés de la victoire finale étaient détenues par le tout puissant Andzé Tsoungui que l’opposition indexait, sans fard, comme étant le cerveau de la fraude généralisée. Avec le flegme que l’on lui connaît, il est resté de marbre. Presque moqueur. Le résultat qui donne finalement le candidat Biya vainqueur, ne surprendra que les naïfs. Les manœuvres du Minat avaient déjà déstabilisé le peuple de l’opposition, presque dévirilisé par les manœuvres du pouvoir
En réaction à cette forfaiture, le 28 octobre 1992, depuis Paris, William Eteki Mboumoua, ancien ministre des Affaires étrangères du Cameroun et ancien secrétaire général de l’Organisation de l’Unité africaine (Oua), publie une abondante déclaration, “ pour servir et valoir témoignage devant l’histoire ”. Il écrit ; “ dès le 12 octobre, le gouvernement, par la voix du ministère de l’Administration territoriale d’abord, du ministère de la Communication ensuite, a décidé d’annoncer les résultats partiels faisant état d’une victoire probable du candidat Paul Biya.
Or, les dispositions de la loi électorale du 17 septembre 1992 donnent compétence exclusive pour une telle publication à la Cour suprême ”. Selon l’ancien haut fonctionnaire international, ”une telle infraction aux règles édictées par le pouvoir lui-même, n’avait pas d’autre but que de préparer l’opinion que l’on lui savait majoritairement hostile, à une réélection en force du président sortant.
Ceci est d’autant plus inacceptable, conclut-il, que le ministre de la Communication devait quelque temps après, revenir sur ses précédentes déclarations en indiquant que les chiffes annoncées étaient en fait ceux des élections législatives du mois de mars 1992 ”. Biya lui est resté reconnaissant jusqu’à sa mort.
Source: La Nouvelle Expression
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