Leur discours a été déclenché par une scène de jeunes gens s'enivrant dans un débit de boisson de la place. L'un des points sur lesquels ces adultes nostalgiques reviennent sans cesse est la leçon de morale. En fait, leur propos semble indiquer que la société camerounaise aujourd'hui se caractérise par une certaine perte des valeurs morales dû au fait que celles-ci sont moins présentes aujourd'hui dans les programmes scolaires.
"Lorsque nous étions à l'école, on nous donnait des cours sur la morale, sur comment se comporter en société… or tout cela a disparu aujourd'hui", déclare l'un d'eux. Un autre, directeur d'école aujourd'hui, se souvient de son passage, dans les années 60 au lycée de Manengouba à Nkongsamba, où l'internat était une véritable école de la vie. "On était puni si on n'avait pas dressé son lit, la tenue de classe devait toujours être bien propre et repassée", rappelle-t-il.
Pourtant, les cours de morale n'ont jamais disparu et restent bel et bien présents dans les programmes scolaires. "Les cours de morale sont dispensés tous les jours. Leur durée dépend de l'emploi de temps de chaque classe. Au niveau 1, on peut avoir 15 minutes par jour ; aux niveaux 2 et 3, c'est 30 minutes. Maintenant, ça dépend de chaque instituteur de le faire tous les jours ou deux fois par semaine. Mais, en principe, le cours de morale est dispensé tous les jours.", souligne Roland Charles Guiongna, instituteur.
Ce dernier indique qu'il y a tout un programme qui s'appuie sur un certain nombre d'ouvrages. Les enseignements tournent autour d'un certain nombre de thèmes comme la politesse, le respect de la parole donnée, la discipline et l'ordre, etc. En fait, ce cours de morale qui existe dans l'enseignement primaire au Cameroun est la matérialisation de l'une des missions confiées à l'école par la loi d'orientation de l'éducation au Cameroun du 14 avril 1998.
Celle-ci indique notamment, en son article 4, que "l'éducation a pour mission générale la formation de l'enfant en vue de son épanouissement intellectuel, physique, civique et moral et de son insertion harmonieuse dans la société, en prenant en compte les facteurs économiques, socio-culturels, politiques et moraux."
L'article 5 de cette loi est encore plus précis et indique parmi les objectifs de l'éducation, "la formation aux grandes valeurs éthiques universelles que sont la dignité et l'honneur, l'honnêteté et l'intégrité ainsi que le sens de la discipline; l'éducation à la vie familiale".
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Salomé Ngaba Zogo, présidente du Cameroon Education for all Network (Cefan), un réseau d'associations de la société civile du secteur de l'éducation, rappelle cette loi d'orientation pour indiquer que la formation aux valeurs éthiques est bien une option gouvernementale.
Cependant, elle ne manque pas de souligner le recul qu'il y a aujourd'hui : "La morale ne doit pas qu'être enseignée à l'école. La famille et en particulier les parents ont le devoir d'inculquer des valeurs morales aux enfants, ce qui n'est pas vraiment le cas aujourd'hui. On fait l'apologie de la feymania, des ''détourneurs'' de fonds, de la mal gouvernance. Ce sont ces valeurs qui suscitent l'admiration de nos jeunes.
Donc, les parents sont les premiers éducateurs, mais compte tenu de leur démission, l'école a le devoir de prendre le relais. Au niveau de l'école primaire, c'est pris en compte avec les programmes d'éducation civique et morale. On essaie de rattraper toutes ces valeurs perdues, pour montrer à nos enfants qu'il y a quand même des règles éthiques à observer."
La présidente du Cefan qui a elle-même été professeur de lycée et inspectrice pédagogique nationale pense même que la prévalence actuelle du Vih Sida au Cameroun aurait pu être moindre si les valeurs telles que la virginité avaient été promues à l'école.
Toutefois, si la morale est un peu moins présente dans l'enseignement secondaire, certains établissements, confessionnels notamment, y mettent particulièrement l'accent. Joseph Amougou, préfet des études du second cycle au collège La Retraite à Yaoundé précise : "Notre mission est de former l'homme et tout l'homme. Nous donnons aux élèves une formation intellectuelle, morale, éthique, spirituelle, citoyenne.
L'établissement a certainement connu des moments critiques, mais le principe est resté le même. Les enfants de 60 ne sont pas ceux de 2000, mais nous sommes les mêmes. On fait toujours la différence entre nous les catholiques et ceux d'ailleurs, à travers le respect des valeurs."
Toutefois, pour ce qui est de l'influence des enseignements de morale sur les jeunes, Roland Charles Guiongna est plus sceptique : "La leçon est dispensée en classe de façon théorique. On devrait évaluer l'atteinte des objectifs à travers des exercices pratiques, voir le comportement des enfants au sein de l'école, à la maison, dans la rue, où ils peuvent mettre en pratique ce qui a été appris à l'école. Il serait hasardeux aujourd'hui de se prononcer sur l'influence de cet enseignement, car le comportement des jeunes aujourd'hui laisse à désirer.
Ils sont influencés par le milieu ambiant et les médias et c'est ce que nous déplorons". Comme cet instituteur, bon nombre d'observateurs de la société aujourd'hui indexent les médias, la télévision notamment, qui inculquerait des mauvaises valeurs à la jeunesse. D'où donc la nécessité pour l'école de prendre encore plus à cœur son rôle de formateur moral, en tenant compte de cette phrase de l'écrivain sénégalais S. Faye citée par xxx : "Un enfant c'est un terrain vierge et il n'y pousse que ce qu'on y a semé ; c'est pourquoi le bon maître doit être le laboureur qui ne sème que la bonne graine."
Source: Quotidien Mutations
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