Vers 1h du matin, Michèle Sename Bella, la fille du couple Sename, est froidement abattue par un policier alors qu’elle se trouve à bord d’un taxi. Agée de 27 ans, elle a pris une balle à la nuque alors qu’elle faisait une virée nocturne avec son fiancé pour immortaliser le passage à la nouvelle année. Les circonstances exactes de ce drame restent mystérieuses. L’incident s’est produit à la suite d’un contrôle de patrouille composé de deux policiers qui n’ont pas hésité à ouvrir le feu.
Des sources proches de l’enquête indiquent que les deux policiers composant la patrouille ont été placés en détention provisoire à la prison centrale de Kondengui.
Comme un mauvais sort jeté sur de paisibles citoyens désormais en insécurité du fait de ceux-là même qui sont en principe chargés d’assurer leur sécurité, le meurtre de Michèle Sename Bella le 1er janvier dernier, a semblé ouvrir un feuilleton macabre dont les épisodes se succèdent à rythme effréné depuis lors. L’actualité de ces derniers jours du mois de janvier est en effet abondamment alimentée par des bavures de policiers et des gendarmes qui laissent sur le carreau des citoyens pourtant sans armes à feu.
La dernière bavure en date s’est déroulée samedi le 20 janvier dernier dans la ville de Bafoussam, province de l’Ouest. Entre 19h30 et 20h, l’officier de police, Williams Etengué a utilisé son arme de service pour abattre à bout portant un chauffeur de taxi au carrefour dit de la poste, lieu de grande animation.
La victime, Gilbert Njinga, 27 ans, qui a été atteint d’une balle à la tête, aurait proféré des injures à l’agent de police qui, selon les témoignages, lui reprochait son inaptitude au volant. De façon inattendue, l’officier de police, selon les mêmes témoignages, s’est ensuite donné la mort en usant toujours de son arme à feu. A Douala, sur un scénario presque identique en fin d’année dernière, c’est un commissaire de police qui s’est servi de son arme à feu pour abattre sa compagne avant de se donner lui-même la mort.
La police n’a cependant pas le monopole de ces bavures. Le 12 janvier dernier à Yaoundé, des gendarmes de la brigade de Madagascar ont ouvert le feu sur des habitants du quartier Tsinga-Elobi. Un mécanicien de 28 ans, Samuel Djile et un aide restaurateur de 24 ans, Ousmane Mounambele trouvent la mort à l’occasion, foudroyés par les armes à feu des gendarmes. Selon des informations proches du haut commandement, les deux gendarmes et le commandant de l’unité seraient aux arrêts.
Règle
Dans les milieux de la police et de la gendarmerie, il est convenu que ces bavures qualifiées "d’incidents", connaissent une certaine récurrence. Un commissaire de police qui a requis l’anonymat, met ces débordements non pas sur le compte d’une mauvaise formation, mais plutôt sur le caractère "impulsif" des auteurs. Il y voit aussi pour certains, l’expression d’un excès de zèle. La formation, aussi bien à l’Ecole de police qu’au centre d’instruction et d’application de Mutengene serait, d’après lui, rigoureuse en ce qui concerne l’armement.
" Dans les salles de classe, les ateliers et les champs de tir, on apprend à utiliser les armes à feu ", confie-t-il. Par ailleurs, dans les cas extrêmes, il est enseigné de faire usage de son arme à feu pour neutraliser et non pour tuer : "choisir de tirer un coup de feu à la tête ou à la nuque c’est vouloir donner la mort", affirme le policier. L’usage de l’arme à feu doit être à la " self-défense ", révèle le commissaire soulignant que les policiers sont formés aux techniques de combat.
La réglementation ne laisse aucune place à l’amateurisme. Une lettre circulaire signée par le délégué général à la sûreté nationale le 17 novembre 2003 fixe en effet les conditions d’attribution d’usage et de port d’armes à feu par les fonctionnaires de la sûreté nationale.
Il est clairement indiqué que le fonctionnaire de la sûreté nationale ne peut utiliser son arme à feu que dans les cas de " légitime défense individuelle ou collective, de violences et voies de faits contre les forces de maintien de l’ordre ne pouvant plus de ce fait même défendre autrement les lieux ou les personnes dont elles ont la garde [Ndlr et en cas de] réquisition des autorités administratives"
La même circulaire prévoit des sanctions en cas d’usage abusif de l’arme. Il s’agit notamment du retrait définitif et de la traduction devant le conseil de discipline sans préjudice des poursuites judiciaires. Les tribunaux devraient logiquement être inondés
Source: Quotidien Mutations
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