Ce Mondial allemand a largement influencé l’attribution du Ballon d’Or cette année. Quatre des cinq premiers joueurs du classement, ont disputé la fameuse finale de Berlin. La prime revenant aux vainqueurs italiens : Cannavaro (1er) et Buffon (2e) ; les finalistes français se contentant des seconds rôles : Thierry Henry (3e) et Zinedine Zidane (5e). L’Italien Cannavaro succède ainsi au Brésilien Ronaldinho (4e cette année).
C’est la quatrième fois seulement, en 51 ans, que le Ballon d’Or France Football, qui couronne le meilleur joueur évoluant sur le sol européen, et peut - être aussi, le meilleur joueur du monde, est décerné à un défenseur, après les Allemands Franz Beckenbauer lauréat en 1972 et 1976 et Matthias Sammer, sacré en 1996.
Samuel Eto’o, avec 67 votes en sa faveur, n’arrive qu’en 6e position, 106 points derrière le vainqueur Cannavaro.
Il était pourtant donné parmi les grands favoris du 51e Ballon d’Or. Sa saison avec le Fc Barcelone a été tout simplement éblouissante. Bien que privé de championnat tout le mois de janvier, pour cause de participation à la Coupe d’Afrique des Nations où il a été sacré Soulier d’Or, l’attaquant camerounais a réussi à s’imposer comme meilleur buteur de la Liga espagnole. Buteur, passeur et généreux dans les efforts défensifs, Eto’o dont le Brésilien Juninho dit qu’il “ est à lui tout seul 50 % du Barça ”, a largement aidé Barcelone à gagner sa deuxième Liga d’affilée, et surtout à remporter la première Champion’s League de son histoire.
Et ce n’est pas un hasard, si en mai dernier, il a été élu comme le meilleur joueur de la finale de la Champion’s League. Samuel Eto’o a l’étoffe du meilleur joueur du monde. La plupart des spécialistes européens, entraîneurs et joueurs en activité, n’hésitaient pas à le placer sur le podium, à défaut de le couronner. Même ses principaux rivaux estimaient qu’il mérite d’être sacré. Dans les colonnes de France Football, son coéquipier Ronaldinho a fait de lui un des grands favoris, le Français Thierry Henry allant même plus loin, en déclarant que “ si Samuel Eto’o était Brésilien, il y a longtemps déjà qu’il aurait été élu Ballon d’Or ”. L’élection du ‘’meilleur joueur du monde’’ obéirait ainsi à des critères non écrits qui peuvent mettre le talent entre parenthèses.
Mauvaise blague
11 ans après le sacre du Libérien George Weah en 1995, le système du Ballon d’Or a visiblement du mal à couronner un autre footballeur africain. Les excuses, cette année où Samuel Eto’o a été particulièrement brillant, n’ont pas manqué. Ceux qui refusaient de lui donner le Ballon d’Or, saluaient sa saison exceptionnelle, mais ne manquaient pas - comme le Français Gérard Houllier, entraîneur de Lyon -, de souligner que Eto’o “n'a pas eu cette chance de jouer la Coupe du monde”, et “ s'est blessé à la reprise et on ne l'a donc pas beaucoup vu sur la saison actuelle ”.
Jolis prétextes. Et pourtant, en 1978, l’Anglais Kevin Keegan fut sacré Ballon d’Or en année de Coupe du monde, sans avoir pris part au Mondial argentin. Faire de la Coupe du monde le critère essentiel du Ballon d’Or qui récompense toute une saison, reviendrait à trouver normal que les titres de champion d’Europe, champion et meilleur buteur d’Espagne, soient moins bien récompensés que les 3 bons matches de Zidane en Coupe du monde, le coup de boule en plus.
De même, s’il suffisait d’une blessure pour effacer une formidable saison, le Brésilien Ronaldo n’aurait pas été Ballon d’Or en 2002, en n’ayant que trois mois de football dans les jambes. Le Néerlandais Van Basten n’aurait pas été sacré en 1988, en ne revenant à la compétition qu’au mois de mai.
En apprenant les résultats du 51e Ballon d’Or, Samuel Eto’o a eu une réaction empreinte d’ironie. “ Le Ballon d’Or donné à Cannavaro ? C’est une mauvaise blague…mais bon, tous les goûts sont dans la nature ”.
Classé 10e l’année dernière, après une autre saison fantastique, le Camerounais avait vertement critiqué le Ballon d’Or France Football, au point de s’attirer les foudres d’une partie de la presse sportive française. Mais, cette année, d’autres voix plus fortes contestent le choix du jury composé de 52 journalistes européens. Des journaux espagnols comme Sport crient au scandale. Arsène Wenger, l’entraîneur français d’Arsenal trouve le choix “ injuste ”. “ Je ne vais pas faire le procès Cannavaro. C’est un bon joueur, mais ce n’est pas le Ballon d’Or.
Le vrai Ballon d’Or va être élu le 18 décembre par la Fifa ”, tranche le sélectionneur français, Raymond Domenech. Le légendaire Johan Cruyff, trois fois Ballon d’Or, estime quant à lui que, si on avait voulu le refuser à Eto’o sous prétexte de non participation à la Coupe du monde, à Ronaldinho pour mauvaise Coupe du monde, on aurait encore pu le donner à Thierry Henry ou Deco qui l’auraient mérité, pour leur saison brillante et leur Mondial où ils n’ont pas été ridicules, mais jamais à Cannavaro.
Choix contesté
Il n’y a pas à dire, le choix de Fabio Cannavaro est loin, très loin de faire l’unanimité. Le capitaine de la sélection italienne est un bon footballeur, certes. Il sait même parfois se montrer intraitable comme défenseur. Mais, il n’a pas la classe d’un Beckenbauer pour supplanter des attaquants aussi talentueux qu’Eto’o, Ronaldinho ou Thierry Henry. Et, à moins d’être membre du jury de France Football, on a du mal à voir briller en lui l’étoile qui fait les Ballons d’Or.
Au vu de l’article 10 du règlement édicté par France Football, “ le Ballon d’Or (…) est attribué en fonction de quatre critères principaux : a) Ensemble des performances individuelles et collectives (palmarès) pendant l’année considérée. b) Classe du joueur (talent + fair play). c) Carrière. d) Personnalité, rayonnement. ” Le plus grand mérite de Cannavaro est d’être monté sur le toit du monde avec la Squadra Azzura en Allemagne. Pour le reste, sa saison a été ordinaire, pas plus brillante que celle d’un autre Italien.
Quant à la classe et au rayonnement souhaités par France Football, Cannavaro, hier personnellement mis en cause dans une affaire de dopage lors d’un match Parme – Marseille, et aujourd’hui dans le scandale des matches truqués en Italie, apparaît comme l’anti-modèle du Ballon d’Or.
Depuis cinq ans, hormis 2005 et l’élection de Ronaldinho, le Ballon d’Or France Football est très critiqué, parce que, ceux qui l’ont ne méritent pas toujours plus que certains à qui il est refusé. Mais, avec le choix de Cannavaro, France Football va peut-être enfin se rendre compte de la faillite de son système : l’heureux élu n’est pas sportivement le plus méritant. Il n’est pas non plus le plus éthique. Assurément, le journal français se condamne à ne pas faire l’économie d’une réforme de son prix.
Ce fut déjà le cas en 1995, lorsque France Football souffrait de ce que ni le roi Pélé, ni le dieu Maradona ne furent jamais sacrés, parce que n’ayant jamais évolué en Europe pour l’un ou y évoluant, mais n’étant pas européen pour l’autre. Aujourd’hui, le problème est dans le jury, dans ce vote dont Arsène Wenger, technicien respecté dit, qu’il est fait “ par des gens de médias, dont certains n'analysent pas tellement ce que les joueurs ont apporté ou n'ont pas apporté. Ils se disent: "Oh, il a gagné la Coupe du monde.
OK, je vais voter pour lui, un point c'est tout"”. En tout cas, si le Ballon d’Or France Football, devait rester la chose des seuls journalistes européens, il perdrait toute crédibilité et le vrai Ballon d’Or, le meilleur joueur du monde, comme le dit Raymond Domenech, serait le joueur Fifa de l’année, élu par les sélectionneurs et les capitaines des équipes nationales de tous les pays du monde. Un choix plus technique et plus démocratique, donnant leurs chances à tous ceux qui ont du talent, au-delà de leurs origines.
Le top 10 du Ballon d’Or 2006
1. Fabio Cannavaro (Juventus Turin,
puis Real Madrid), 173 points
2. Gianluigi Buffon (Juventus Turin), 124 pts
3. Thierry Henry (Arsenal), 121 pts
4. Ronaldinho (FC Barcelone), 73 pts
5. Zinédine Zidane (Real Madrid, puis arrêt),
71 pts
6. Samuel Eto’o (FC Barcelone), 67 pts.
7. Miroslav Klose (Werder Brême), 29 pts.
8. Didier Drogba (Chelsea), 25 pts.
9. Andrea Pirlo (Milan AC), 17 pts.
10. Jens Lehmann (Arsenal), 13 pts.
Source: Le Messager
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