Christophe, frère cadet du curé d'une paroisse de Yaoundé, chrétien catholique comme le reste de sa famille, est depuis six mois membre de l'Eglise évangélique et messianique, une de ces églises dites “réveillées”. Né d'un père catéchiste de l’église catholique et d'une mère membre de la communauté des dames apostoliques, il a reçu son baptême quelques jours après sa naissance. Suivront, dix ans après, la première communion et la confirmation. Il servira avec pleine dévotion le catholicisme, convaincu de se trouver au bon endroit pour vivre sa foi chrétienne, jusqu'à l'âge de trente-deux ans. “J’aimais l’église catholique ; je ne voulais même pas qu’un membre d’une autre église vienne me prêcher. Les prêtres disaient que l’église catholique est la seule que Jésus-Christ et les apôtres avaient laissée et je disais dans mon cœur : Dieu merci, je suis dans cette église”, se souvient-il.
Comme lui, Anne Marie, la cinquantaine, chrétienne protestante de l'Eglise presbytérienne camerounaise (Epc) et choriste à la paroisse Sion de la Cité Sic à Douala, a elle aussi changé de cap depuis cinq ans. Baptisée dans cette église à treize ans, elle l'a quittée pour intégrer la Mission du plein évangile, convaincu d'avoir trouvé la
Vérité.
Guidés par des raisons multiples
Les cas de personnes qui quittent ainsi les églises dites conventionnelles pour celles qualifiées de sectes sont légion. “Le chrétien a besoin de consolation, d’assurance, mais surtout d’un modèle. Quand il se rend compte que les hommes d’influence dans l’église ont une vie contraire à l’éthique chrétienne, il met en doute les enseignements qui lui sont prodigués", reconnaît le révérend pasteur René Gwet, modérateur de la paroisse Epc Sion de la Cité Sic. Selon lui, les dirigeants ecclésiastiques sont les principaux responsables des frustrations qui poussent les individus vers les sectes. L'une des raisons qui justifient le départ de Christophe, marqué par le comportement de son aîné, rejoignent cette assertion. “Nous nous retrouvions souvent en famille dans une boîte de nuit. Comme on a l’habitude de l’appeler ‘mon Père’, il nous interdisait de le faire, disant que ce titre est réservé pour ses fonctions; pas dans un lieu de réjouissance”, confie-t-il.
Au sein de la communauté catholique, le ton est plutôt à la prudence. L’abbé Emmanuel Essomè, 2e vicaire de la paroisse Christ-roi de la Cité Sic, soutient que le clergé n’est en rien responsable du désistement de leurs ouailles. Interrogé sur le sujet, il proclame avec force : “Chacun est responsable de ses actes et libre de ses choix. Nous enseignons aux gens le chemin à suivre. S’ils choisissent un autre, ils sont libres. Dieu a créé chaque homme libre.” Le curé de la cathédrale Saints Pierre et Paul de Bonadibong à Douala, l’abbé Clément Ndjewel, insiste lui aussi sur cette liberté de choix. Selon lui, la liberté religieuse part du principe selon lequel tout individu qui, en son âme et conscience, trouve le chemin de la Vérité doit le suivre. “La foi ne doit avoir ni contrainte ni influence extérieure. Concernant la responsabilité des uns et des autres, on ne peut la rejeter sur nous. Chacun doit faire ce qui lui est demandé de faire. C’est Dieu qui prend soin de ses brebis”, estime-t-il.
Où est la vérité ?
Ceux qui ont quitté les églises traditionnelles pour adhérer aux sectes insistent tous sur le fait que les vérités fondamentales de la Bible y sont déformées. La plupart des dogmes et pratiques en usage chez les Catholiques sont plutôt de nature à attirer le courroux de Dieu sur le chrétien. Ancien membre de l’Eglise presbytérienne camerounaise, l’évangéliste Mahop Claude Samuel, responsable national de la Mission du plein évangile au Cameroun, est catégorique sur ce point. “Le culte des morts, des anges, l’adoration des statues représentant Jésus, Marie, les saints, etc., est tout simplement de l’idolâtrie. Or Dieu s’est révélé à Israël, son peuple, comme un Dieu jaloux qui n’accepte aucune autre adoration que celle dirigée vers lui. Cela est écrit dans Exode : 20 et revient dans Déteuronome : 5”. Il souligne par ailleurs que dans les églises traditionnelles, les croyants ignorent le potentiel qui est rattaché à leur statut et ont recours aux charlatans et aux marabouts. Pour ce pasteur, la Parole de Dieu est enseignée mais pas pratiquée au quotidien. “Les pasteurs n’insistaient pas sur ce qui doit être automatiquement fait quand on est enfant de Dieu. On était libre de commettre le péché autant de fois qu’on voulait. Il suffisait ensuite de venir confesser et de faire une offrande à l’église”, se souvient Anne Marie.
La séparation entre les chrétiens et leur milieu d’origine n’est pas un phénomène nouveau. Il commence quand Martin Luther se détache de l’église catholique romaine pour former ce qui fut alors appelé la “réformation” qui, plus tard, s’est muée en protestantisme. Il dénonçait le fait que bon nombre de pratiques et de dogmes catholiques ne soient pas en conformité avec la doctrine biblique. Plus tard, ce fut le tour du protestantisme d’être le théâtre de ces scissions. Elles marquèrent le début d’une ère nouvelle pour le christianisme. Des mouvements chrétiens n’ont cessé dès lors de voir le jour. Le détachement du milieu confessionnel d’origine est de plus en plus récurrent sous des prétextes divers dont la base reste néanmoins, pour la majeure partie des cas observés, une nouvelle révélation de la Vérité biblique. Aujourd’hui encore, c’est ce facteur qui prévaut dans les raisons avancées par les fidèles qui désertent les églises catholiques et protestantes au profit des églises dites de “réveil”.
Source : Le Messager
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