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Que vaut maintenant le Cameroun dans le monde
(02/08/2006)
La visite officielle de Paul Biya en France, a révélé au Camerounais ordinaire, une inquiétante réalité, celle de l’importance décroissante de celui-ci aux yeux de notre premier partenaire...
Par Shanda Tonme
La visite officielle de Paul Biya en France, a révélé au Camerounais ordinaire, une inquiétante réalité, celle de l’importance décroissante de celui-ci aux yeux de notre premier partenaire, et ravivé chez les observateurs avertis, les interrogations les plus cocasses à propos de la place plus générale du Cameroun sur la scène diplomatique internationale, de même que son destin politique.

Dans la science qu’est devenue entièrement la pratique des relations diplomatiques internationales, le protocole diplomatique qui recouvre l’ensemble des éléments d’accueil, de présentation, de réception, de soin, de traitement et de révérence, constitue un point focal. Les visites de dignitaires étrangers, couramment appelés visites d’Etat, offrent une occasion exceptionnelle sinon unique, de mesurer, d’évaluer, et d’apprécier définitivement, le degré d’influence d’un Etat et surtout l’importance accordé à son dirigeant.

En somme, le protocole diplomatique, lorsqu’il se met en exergue lors de visites officielles, traduit en une occasion, toute la vérité, tout le doute, toute la méfiance, ou alors, toute l’excellence, la confiance, la respectabilité, et les perspectives positives qui caractérisent les relations bilatérales.



Si l’Afrique adore les tam-tams bruyants et les pagnes qui, au-delà de la démonstration futile d’hospitalité, concourent bien plus à exprimer des attitudes de vassalité et de soumission qu’à traduire la qualité des relations, la règle générale pour ne pas dire dominante, est plutôt faite de réserves. Les relations entre Etats étant du domaine des intérêts et non du sentiment, les tam-tams n’ont pas de place, à moins de vouloir tout le temps nous confiner à ces images des films occidentaux racistes qui présentent régulièrement des indiens battant à la folie des tam-tams pour accueillir des Blancs très intelligents et plus rusés qui finissent toujours par triompher.

La visite du chef de l’Etat camerounais aura été étonnante à plus d’un titre. Pour une visite dite d’Etat, l’accueil d’abord, la brièveté ensuite, et le contenu enfin, nous ont semblé des plus inadéquats. Certes, la diplomatie est particulièrement le règne du secret, où tout ce qui est fait ou dit, n’est pas forcément versé à l’intelligence publique et journalistique, et où en une minute, des accords très importants peuvent être conclus.

Dans le cas d’espèce, nous sommes tenus de présenter les faits patents. Le premier, c’est l’absence d’une personnalité de premier rang dans la hiérarchie diplomatique pour accueillir le chef de l’Etat camerounais. Dans les règles usuelles, c’est dans l’ordre, le chef de l’Etat français, le Premier ministre, le ministre des Relations extérieures, et le ministre délégué chargé de la coopération. Par ordre décroissant, la présence de l’une ou de l’autre de ces hauts responsables, tient un symbole, une signification, et confère à la fois le rang et l’importance de l’hôte de marque.

Brigitte Girardin et John Kufuor
Brigitte Girardin et John Kufuor
Pourquoi aucune de ces personnalités ne s’est-elle pas trouvée à l’aéroport pour accueillir le président ? Pourquoi, s’agissant d’une visite officielle, les traditions du salon d’honneur à grande pompe, de la haie d’honneur depuis la passerelle, et de la revue des troupes à l’arrivée n’ont-elles pas été mises en branle ? Si l’on s’en tient à l’interprétation analytique des articulations de ces traditions, l’on procède ainsi lorsque l’hôte du jour est classé dans la catégorie négligeable, très négligeable, ou peu recommandable. Il est en effet patent dans le monde diplomatique, d’observer la méfiance voire l’extrême réserve affichée à l’égard des dignitaires avec lesquels on ne désire pas trop s’afficher. C’est le cas pour les chefs d’Etat en perte de vitesse, jugés inacceptables, ou sur qui pèsent une trop mauvaise réputation.

Notre surprise pour le traitement du chef de l’Etat camerounais, est d’autant plus grande, qu’au moins deux autres raisons majeures plaidaient en faveur d’un accueil plus élaboré et mieux structuré.
La première raison, procède du contexte de l’après-atteinte du point d’achèvement. Il nous semble que les discours officiels sur cet événement, ont tous tendu à montrer que le pays a progressé dans la manière dont il est gouverné, et que par conséquent il est dorénavant promu à un bel avenir. La France particulièrement a été la première a sonné la charge des soutiens et des félicitations, annonçant des grands projets, des enveloppes en milliards à la pelle, entraînant ou suscitant d’autres soutiens.

La deuxième raison tient aux soupçons de mouvements lents mais perceptibles, vers le renforcement des relations avec les Etats-Unis. Trop de bruits courent ou ont couru, sur le tournant du régime vers la recherche de soutiens américains.

Pour toutes ces données, on était en droit de s’attendre à voir les autorités françaises, avec Jacques Chirac en tête, exprimer plus d’enthousiasme à l’accueil du premier Camerounais. Biya devait être reçu en grand ami, mieux ou plus que le meilleur élève, afin de rassurer ses arrières et autres partenaires, pour le renforcer dans son pays, pour rassurer son peuple. Il n’y avait pas en effet moment plus indiqué que celui là, pour confirmer que l’orientation du régime est bonne et que les horizons sont dégagés de tout nuage.
Ce président qui sort d’un congrès extraordinaire de son parti Etat, un autocrate proche des staliniens des années 1960, méritait des honneurs appuyés de la part de ceux qui théoriquement sont ses principaux soutiens.

Que s’est-il donc passé ? Ici commence une autre analyse qui fait très mal pour ses conclusions éventuelles, si l’on déroule l’ensemble des paramètres logiques. Notre propos n’est pas d’affirmer, nous voulons amener le raisonnement à dévoiler la substance profonde d’un manquement protocolaire volontaire lourd de sens cachés. Nous savons déjà que Wade avait été reçu différemment.

Au Cameroun on s’attendait à une visite d’au moins une semaine chargée de rendez-vous et de rencontres stratégiques pour notre économie. Nous attendions le chef de l’Etat dans des séances de travail animées avec des grands patrons d’entreprises, les rois de la haute finance, certaines personnalités marquantes. Au, lieu de cela, nous avons eu droit à la visite d’un musée de chevaux, sans que l’on sache ou comprenne vraiment, en quoi ces chevaux sont importants pour un pays qui vient d’atteindre le point d’achèvement de l’initiative Ppte.
Que nous reste-il à conclure, si l’on croit que pour notre président, les joies des scènes de théâtre et des danses de chevaux sont plus utiles que la visite de l’institut pasteur pour connaître l’état d’avancement des recherches d’un vaccin contre le Sida, ou même les dernières expériences dans les champs agricoles ?


La rencontre à l’Elysée avec le président français n’a pas échappé à une certaine tiédeur. Le tout aura été trop rapide, à la va-vite, sans grands entrains, exactement comme lorsque l’on reçoit un petit ami devenu encombrant. Or pour nous autres Camerounais, nous n’avons jamais été petits dans le dispositif géopolitique naturel en Afrique. Bien plus, nous ne saurions comprendre que notre président soit ramené au rang d’un Idriss Déby ou d’un Bozizé. Ce qui nous le fait dire, ce n’est ni les élections démocratiques auxquelles il a triomphé pour être élu, ni ses beaux discours, ni ses diplômes de droit et de science politique. Nous nous en tenons à notre poids multi dimensionnel qui fait de nous, la principale plaque tournante de l’Afrique centrale, et un des maillons centraux de la Franc Afrique.

Ce faisant, nous sommes capables de recul, pour revenir aux déductions qui s’imposent d’elles-mêmes, au regard de la manière dont le Cameroun est géré depuis un quart de siècle. Le pays a évolué de l’espoir vers le désespoir, et de la promesse du bonheur, vers l’enfoncement dans la misère. Alors qu’il était possible de se réjouir en 1982 après l’accession du président au pouvoir par la grâce d’Ahidjo que l’on avait traité malencontreusement d’illettré, on découvre aujourd’hui, que le Cameroun n’est plus qu’un pays quelconque sur la scène internationale, et que sa gestion interne est objectivement de type autocratique obscurantiste. Du temps d’Ahidjo, l’accueil d’un chef de l’Etat camerounais était de premier ordre, entouré de soins et d’attentions.

Absent des grandes décisions internationales, loin des grands jeux diplomatiques, ignoré dans les négociations déterminantes pour le continent, renvoyé aux bancs des silencieux paresseux au sein de l’Union africaine, le Cameroun n’est plus un vrai pion gagnant pour Paris. Chirac qui n’a pas oublié le souvenir amer des critiques formulées à l’encontre de Mitterrand pour avoir reçu Mobutu sur les Champs Elysés moins de deux ans avant sa chute, a-t-il voulu se prémunir ?

Paul Biya et son épouse
Paul Biya et son épouse
Toutes nos interrogations ont leurs sens, et portent l’estampille d’une analyse intellectuelle froide et honnête. Au moment où le chef de l’Etat camerounais perd son temps dans un château de chevaux, comment se fait-il qu’il n’ait pour plus haute compagnie que l’ambassadeur de France au Cameroun ? C’est-à-dire que même là-bas, le simple ministre délégué à la coopération, qui est le bas de l’échelle dans le protocole diplomatique, n’est pas présent. A-t-on voulu confiner le visiteur avec celui qui est déjà son interlocuteur fréquent chez lui à Yaoundé, comme pour dire, gérez tout cela loin de nous ?

Enfin, la durée de cette visite officielle compte aussi. Nous sommes en plein dans plusieurs dossiers chauds en Afrique et ailleurs dans le monde. Le Darfour, le Liban, le Congo, les échéances multiples. Paris étant un centre de rencontres diplomatiques par excellence, ce n’est pas un jour ou deux que le chef de l’Etat camerounais devait y séjourner. Et puis, devant tant de dossiers, les dignitaires parlent quand même ensemble devant la presse, pour que chacun dise ce qu’il pense, et pour que les deux annoncent quelques points d’accords, de désaccord. Au lieu de cela, on nous présente un président camerounais, qui doit remercier la France pour ceci et pour cela, au point de rappeler ce héros du “ Vieux nègre et la médaille ” qui finit dans la désolation.

Le manque du juste protocole, traduit le manque de la juste considération diplomatique, et l’existence de multiples appréhensions négatives. La visite du chef de l’Etat camerounais a révélé le véritable trou noir dans lequel le pays est dorénavant plongé, et qu’a confirmé le dernier congrès extraordinaire du parti au pouvoir. Personne d’honnête ne peut s’en féliciter, d’où le grand écart méfiant.

Tous les discours entendus sur les succès économiques du pays et toutes les promesses de bonheur agitées avec l’annulation de la dette comme alibi, cachent mal, des perspectives sombres. Nos partenaires en sont plus que conscients.

Source : Le Messager


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