En quittant le Cameroun le 21 juillet pour passer les épreuves du baccalauréat centrafricain, F. M (pour des raisons de sécurité, les parents requièrent l’anonymat) n’imaginait pas qu’elle passerait neuf jours et autant de nuits dans un petit village, à 500 km de Bangui (capitale centrafricaine). Réunis dans leur domicile au quartier Etoug-Ebe, ses parents ont perdu le sommeil durant toute la semaine dernière. Parce que sans nouvelles de leur rejeton. “ Dimanche (23 juillet, ndlr) quand elle a appelé, c’était pour nous dire que le convoi avait atteint la frontière et qu’on les fouillait ”. A partir de ce jour, les parents n’ont plus de nouvelles.
Impossible d’avoir leur enfant par son téléphone portable. Inquiet, le père se rend à l’agence où quelques jours plus tôt, son épouse avait conduit leur fille. Le chef d’agence est aussi sans nouvelle des conducteurs. “ Quand je lui ai demandé la date de retour des cars, il m’a répondu que seul Ndi Samba avait la réponse ”. Ils vont apprendre que les enfants sont pris “ en otage ” par la police des frontières centrafricaines pour défaut de “ papiers. ” Ils sont soupçonnés d’être des brigands. “ Ils n’ont plus de vivres, plus d’eau, les cars leur servent de maisons et de lits. Ils sont dans un village appelé Baboua, où pour avoir le réseau, il faut parcourir 2 Km. Les garçons du groupe veillent la nuit ”. Ceci ne rassure pas les parents, d’autant plus qu’aucun dirigeant de l’établissement n’a accompagné les enfants.
En ce 21 juillet, jour de départ vers Bangui, l’agence sollicitée pour le transport de ces trois cents (300) jeunes gens affrète sept bus. “ J’aurais dû me douter que quelque chose ne tournait pas rond ”, regrette Joseph M. le père. Déjà affaibli par le poids de la vieillesse et la maladie d’une de ses filles, il doit affronter l’incertitude de revoir l’une de ses filles. “ Le départ était prévu à 6 h du matin. A 12h, ma fille m’appelle pour m’informer qu’ils sont encore à Yaoundé. L’un des cars n’a pas de papiers. C’est seulement dans l’après-midi qu’ils ont quitté la ville ”.
Consciente de l’Etat psychologique de ses parents, l’adolescente rend compte de toutes les étapes de son voyage. Jusqu’à leur arrestation. Jointe au téléphone dans la journée de samedi dernier, une employée de l’Institut assure. “ Il n’y a pas de problème. Depuis jeudi, la vice-présidente se trouve à Bangui. Les enfants vont composer mardi ”. Mais les parents n’y croient plus. Depuis longtemps, cette rengaine leur est servie. “ Comment peut-on envoyer les enfants sans dirigeants ”, s’interrogent-ils. “ Qu’ils nous ramènent nos enfants si ça ne va pas ”, souhaitent-ils. Au moment, où nous allions sous presses, F. M avait appelé ses parents. Le président de la République centrafricaine a accepté qu’ils puissent passer l’examen, à condition qu’un dirigeant soit avec eux durant leur séjour. En ce qui concerne le sort de F. M, la famille s’en remet à Dieu.
Flash-back
Tout commence au début de l’année scolaire 2005-2006. Lorsque cette famille prend la décision d’inscrire une de ses filles en classe de Terminale spéciale à L’Institut Ndi Samba. Il est question en ce moment-là de passer le baccalauréat tchadien. Malheureusement, les nouvelles mesures interdisent aux non-détenteurs du probatoire de passer le bac tchadien. Pour contourner cette mesure soutenue par les autorités tchadiennes, le chef de l’établissement décide alors d’envoyer ses élèves en République centrafricaine.
Les parents sont appelés à contribuer à hauteur de 360.000 Fcfa par élève. Soit : 30.000 Fcfa pour le complément de frais de dossier ; 90.000 Fcfa, pour le transport aller et retour ; le même montant est versé pour l’hébergement. La ration est évaluée à 150.000 Fcfa. “ Ils n’ont pas tenu compte de l’argent que nous avions déjà versé pour le Tchad ”, reproche la mère de la jeune fille. Elle ajoute que le chef de l’établissement assurait de s’occuper de tout. Le départ est fixé à quelques semaines de la date des examens. Afin de permettre aux élèves de s’imprégner des matières comme la géographie. Le contenu des enseignements est en effet différent des programmes scolaires camerounais.
Voilà jusqu’où peut mener la perte de repère dans un pays.
Source : Le Messager
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