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Comment Biya tue les intelligences
(19/07/2006)
Dans l’étau de l’immobilisme, progressistes et modernistes étouffent, suffoquent et finissent par craquer, pour la plupart.
Par Noé Ndjebet Massoussi

Lorsque le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) naît à Bamenda le 24 mars 1985 sous la cendre de l’Union nationale camerounaise (Unc), le pays ploie encore sous le monopartisme. Le peuple camerounais ne bénéficie pas du rayonnement à l’étranger de l’Union des populations du Cameroun (Upc) mise sous l’éteignoir avant et après l’indépendance. Il manque cruellement de cadres d’expression politique et idéologique à l’intérieur du pays. Le Rdpc, à la tête duquel vient d’être porté Paul Biya à qui nombre de Camerounais prêtent des velléités upécistes, se présente comme ce cadre idoine et incontournable pour certains.

Entre 1985 et 1985, le Rdpc enregistre l’adhésion de diverses intelligences. “ En 1995, j’ai décidé d’adhérer au Rdpc qui venait de se créer à Bamenda, séduit par l’appel de Paul Biya concluant son livre Pour le libéralisme communautaire, espérant y trouver un nouveau cadre politique légal dans lequel je pouvais renouer avec mon passé politique et poursuivre le combat pour mon idéal politique de toujours : servir ma patrie. ” Ces propos de Henri Hogbe Nlend (Cf Le Messager n° 216 du 27 février 1991 Pp 15 et 16) illustrent la manière dont la plupart de Camerounais se sont retrouvés dans le Rdpc, avec des objectifs différents : changer le parti de l’intérieur, rechercher le pouvoir, avoir accès à certaines facilités…

Mais très tôt aussi, des divergences de vues, d’idéologies, de stratégies, etc. sont apparues au sein du Rdpc. Le 13 novembre 1990, le courant des forces progressistes du Rdpc est officiellement déclaré au sein de cette formation politique. Henri Hogbe Nlend, Jean-Jacques Ekindi, Thomas Melone, Moukouri Manga Bell, Albert Dzongang, etc. à la base de cette sensibilité politique à l’intérieur du Rdpc ont voulu mobiliser les militants de ce parti qui, “ tout en soutenant les options politiques du président Paul Biya, options de liberté, de démocratie et de progrès, se distinguent par le fait qu’ils ne se contentent pas des mots et veulent accélérer et approfondir la traduction concrète de ces options dans la réalité ”. La vitesse à laquelle les orientations indiquées à Bamenda doivent être exécutées va diviser les progressistes et les conservateurs.

Départs en cascade

Les progressistes entendaient se distinguer des conservateurs, “ généralement bénéficiaires privilégiés de l’ancien régime [qui] n’ont pas intérêt à ce que la démocratie et les valeurs de la transparence, de la compétence, triomphent au Cameroun ; et pour cause, ces valeurs mettent directement en cause l’accumulation illicite de richesses ”, a déclaré Henri Hogbe Nlend qui s’appuyait sur la résolution de politique générale du congrès du Rdpc de juin 1990 préparant ce parti à la concurrence politique. Le courant des forces progressistes était pour ses initiateurs, une sorte d’électrochoc redouté par Paul Biya lui-même, tant que nombre d’entre-eux ne faisaient pas partie du sérail, n’étaient pas les élus du prince et/ou lui faisaient d’ailleurs peur. Compte tenu de leur passé politique et militant dans le régime Aujoulat/Ahidjo, régime dans lequel Paul Biya a évolué comme poisson dans l’eau.

Après avoir secoué le cocotier depuis leur adhésion au Rdpc en 1985, les choses n’ont pas tourné à la faveur des progressistes. Leur désaccord sur les options prises aussi bien par la direction du parti que sur les choix exprimés pour la solution des problèmes urgents, a abouti au divorce qui coïncidait avec le retour du multipartisme. Les démissions furent en cascade au sein du Rdpc, même ceux, à l’instar de Henri Hogbe Nlend, qui disaient partir le dernier de ce purgatoire où ils étaient en constante opposition avec leur propre parti. Le Rdpc se vida alors de nombre de ses cadres : Henri Hogbe Nlend, Jean-Jacques Ekindi, Albert Dzongang, Thomas Melone, Moukouri Manga Bell, Ni John Fru Ndi, John Ngu Foncha, Salomon Tandeng Muna, François Sengat Kuoh, François Borgias Marie Evembe, etc. Ils sont partis gonfler les rangs de l’opposition, bien déçus un peu comme Platon dans Lettres I, 309, Œuvres complètes, T. 2, Pléiade : “ Durant tout ce temps que j’ai passé auprès de vous et, pour administrer votre autorité, entre tous investi de votre plus haute confiance, moi, tandis que vous en récoltiez les avantages, j’ai dû endurer les calomnies malgré leur cruelle injustice, puisque aucun de vos actes inhumains ne sera, je le savais bien, tenu pour une œuvre dont j’aurais été complice ! Tous ceux en effet qui ont été, à vos côtés associés au gouvernement sont à même d’en témoigner pour moi, ce grand nombre d’homme que j’ai aidés à lutter pour se défendre et que j’ai délivré d’un châtiment qui n’eût pas été peu de chose ! Or, après avoir eu maintes fois une autorité absolue pour la bonne garde de votre cité, voilà que vous m’avez chassé plus ignominieusement qu’il ne convient de chasser un mendiant, en me bannissant, en m’enjoignant de faire voile loin d’ici, après tout ce temps que j’ai passé près de vous ! Dans ces conditions, je prendrai de mon propre chef le parti de mener dorénavant un genre de vie qui m’éloigne davantage des hommes, tandis que toi, tout tyran que tu es, tu vivras seul. ”

Frustrations

La plupart de ces frustrés du Rdpc ont créé chacun son parti politique qui ne sont que des excroissances du Rdpc. D’autres ont rejoint l’Upc qui reste, malgré ses divisions, l’unique formation politique originelle. Bien qu’au fond c’étaient de bien gênants départs, les stratèges du Rdpc en ont fait une tempête dans un verre d’eau. Surtout que tous les rats n’avaient pas quitté le bateau.

Certaines intelligences du Rdpc sont restées à l’intérieur pour poursuivre stoïquement et cyniquement l’aventure, mais dessaisies de tout pouvoir et de toute responsabilité, loin de tous les cercles de décisions tant au sein du parti que dans l’appareil de l’Etat. Même leurs contributions antérieures ne les sauveront pas. Les cas de Ebénezer Njoh Mouelle et Hubert Mono Ndjana sont patents. Après avoir été respectivement secrétaire général et secrétaire général adjoint du Comité central du Rdpc, Ebénezer Njoh Mouelle et Hubert Mono Ndjana ont été éconduits au bout de quelques années comme des pestiférés. Joseph Tchundjang Pouemi, avant sa disparition le 27 décembre 1984, avait prévu des situations pareilles dans Monnaie, servitude et liberté, éd. J.A., Paris 1980, P. 24. “ S’il (l’intellectuel) est dans un pays “ modéré ”, il devra choisir : ou se taire et rester au pays dans les conditions frustrantes jusqu’au jour où il aura compris, ou persister dans ses déclarations gênantes et, dans ce cas, partir ”, a-t-il écrit. Ebénezer Njoh Mouelle et Hubert Mono Ndjana, deux philosophes au service du prince ont sacrifié des déclarations gênantes des philosophes pour se taire et continuer de vivre les frustrations les plus humiliantes. Comme eux, d’autres intelligences vivent ce calvaire, la mort dans l’âme. Le Rdpc s’illustre alors comme un cimetière où viennent s’immoler et s’ensevelir les intelligences. “ L’appel de l’intelligentsia ” de 2004, sorte de mémorandum commis par certains enseignants d’université sous la coupole de “ guetteurs de l’avenir ” n’a pas fini d’interpeller la conscience collective.



Source : Le Messager






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